Les méthodes
Kidnappings(1), (premières initiatives en un domaine où elles feront florès à partir du 17 avril 1962, sous la responsabilité cette fois des commandos du FLN qui enlevèrent 3 018 personnes). Provocations(2), exécutions sommaires, attentats, plasticages(3), tortures, chantages, furent les principaux moyens d'action de ces " émissaires " occultes.

Début des opérations le 13 novembre 1961 à 0 heure. Une centaine d'hommes sont lâchés dans la ville pour infiltrer les réseaux OAS.
Ce même jour, campagne d'affichage. Campagne d'intoxication des médias qui reproduisent et diffusent les communiqués du MPC incitant les Européens à se démarquer de l'OAS.
L'action politique et psychologique se transforme en activités de renseignements et action sur le terrain.

20 novembre nouvelle tactique des barbouzes : le contre plasticage. L'objectif faire sauter les fiefs de l'OAS pour retourner la population contre elle.

Raymond-la-Science crée de faux réseaux OAS qui organisent des attentats à l'explosif. Comme il renseigne également l'OAS, il reste actif et dangereux longtemps.

Du 20 au 21 novembre 1961, cinq commandos en voiture font sauter l'Otomatic, le Tantonville et le Cheval Blanc ; deux jours plus tard, le Joinville, le Coq Hardi et le Viaduc sautent à leur tour. Dégâts considérables, surtout sur le plan psychologique. Tous ces établissements étaient des fiefs " intouchables " de l'OAS.

" ... à partir de décembre (? NDLR) 1961, les opérations de plasticage que l'on va commettre nous quand la sécurité militaire va nous donner un certain nombre de plastics avec des détonateurs et mèches lentes pour poser devant les cafés, qui sont connus comme des fiefs OAS. Et là, nous allons mener une opération qui va semer la confusion, nous allons faire sauter un certain nombre de café, comme Tonton Ville, l'Automatic, en plein secteur OAS... "
Lucien Bitterlin

Le 13 decembre 1961, nouvelles alarmes dans la villa B. Un Européen qui semble un peu trop curieux est happé sans ménagements à l'intérieur. Un agent de Bitterlin, un musulman nommé ou surnommé Nasser, croit reconnaître le passant; il dit à Bitterlin :
- C'est un technicien de la SN Repal et de l'OAS. Il doit connaître ceux qui ont tiré sur vous l'autre jour.
Appelé par Bitterlin, qui ne tient pas à commettre une nouvelle méprise, le colonel Laurent ordonne de " faire parler " le prisonnier. Trop heureux, Jim Alcheik et ses Vietnamiens se mettent au travail . Torturé, l'homme finit par donner les noms de deux collègues partisans de l'OAS.
Le lendemain, deux barbouzes partent en expédition et ramènent les deux techniciens du pétrole. " Traités " par les bourreaux, ils passent aux " aveux ". Déception : ils ne savent manifestement pas grand-chose, n'étant dans l'organisation secrète que des sous-ordres.
Ils seront " débarrassés " vivants dans El Biar.

Fernand Lopez agent immobilier est ensuite kidnappé pour les mêmes raisons.

Le 22 décembre Claude Veillard barbouze et gorille du vice président du conseil général d'Alger fait sauter le restaurant " Le grand Rocher " repaire des cadres de l'OAS. Douze morts sont ramassés des débris.

Le 24 décembre au soir, quatre Vietnamiens enlevaient, square Bresson, Paul Sintès, le fils du patron du Café des Consulats et sa fiancée Angèle. Leurs corps trouvés par les gendarmes sur la plage de Castiglione. Le visage de Paul Sintès était méconnaissable, la bouche n'était qu'un immense trou béant, une partie de son corps avait été dévoré par les crevettes. Ses mains n'étaient plus que deux moignons. Tués tous deux d'une balle dans la nuque, la jeune fille elle, a été violée et empalée ; elle a eu les ongles arrachés et la pointe des seins coupée au rasoir... » Ils avaient tous deux vingt ans.
(Camille Gilles)

Le 29 décembre 1961(10 janvier 1962 ?), Dauer donne l'ordre à Bitterlin de suspendre les activités du MPC. Refus de Morin et Bitterlin.

Dans la nuit du 30 au 31 décembre 1961, Marcel Hongrois " le Chibani " dynamite un café point de chute de l'OAS et des domiciles de ses représentants.

1er janvier 1962 Michel Massenet adjoint de Degueldre est tué à main nu par un vientnamien.

Le 12 janvier 1962 Michel Lievin des commandos delta est capturé et torturé par les vietnamiens d'Alcheik.
Il sera mis dans un tel état que la mission " C " lui fera signer une décharge avant de l'incarcérer.

Le 23 janvier 1962 nouvelle mission ordonnée par le ministre de l'intérieur : Détruire l'émetteur pirate de l'OAS Alger.

José Salord est enlevé et torturé ainsi que Albert Coronal qui sera supplicié pendant plusieurs heures.

Le 24 janvier 1962, les barbouzes enlèvent pour l'interroger (ou pour faire du chantage sur son père ?) le fils du commandant des territoriaux des barricades, Sapin- Ligniére.

Le 26 janvier 1962, des troupes de l'armée française lors d'un accrochage avec l'ALN firent prisonnier un homme. L'armement dont disposaient les prisonniers était d'origine française, "donné" par Marcel Hongrois, le responsable du MPC d'Aïn- Taya. L'origine de cet armement est certainement à rechercher dans l'accord passé entre les barbouzes et le nommé Sidi ben Youssef.

Le 27 janvier 1962 Henri Vinent est capturé et atrocement torturé dans la cave de la villa " Andréa ". Le chef des tortionnaires est un vietnamien, répondant au nom de sung-sung. Il porte une carte de la Sûreté Nationale numéro 804.

Alexandre Tislenkoff , technicien radio des émissions pirates est à son tour kidnappé. Il est torturé vingt quatre heures durant. Malgré ces traitements inhumains, TISLENKOFF résiste à ses bourreaux durant vingt-quatre heures. On lui arrache les ongles, puis un œil.. Il a été sauvé après l'explosion de la villa Andrea.

Il est décédé en France d'un arret cardiaque bien des années plus tard.
Un de ses collaborateurs est également intercepté. Il sera achevé d'une balle dans la nuque et enterré dans le jardin.
La plainte déposée contre Pierre lemarchand par Tislenkoff, le 17 février 1966 n'aboutit pas plus même si une enquête fut ordonnée.
Il a écrit en 1966 un livre intitulé " j'accuse Lemarchand " qui n'a jamais recu l'autorisation de publication.

C'est ensuite le tour de M. Quidet, le propriétaire du studio de Tislenkoff. Allongé sur le sol, la tête recouverte d'une cagoule maculée de sang, un " spécialiste " vietnamien le travaille au corps par des prises extrêmement douloureuses tandis que Suzuki lui brûle la plante des pieds. M. Quidet ne dit rien parce qu'il n'a rien à dire : il ne sait rien. A ses protestations d'innocence, une des barbouzes à Lemarchand lui répond :
" Ici, j'ai tous les droits. Nous dépendons directement et personnellement de la Présidence du Conseil. Nous nous foutons éperdument de la police légale ! De toute façon, elle est incapable de faire son boulot ! et l'on nous a chargés de la suppléer plus efficacement…

Puis c'est Jacques GOSSELIN chef de chantier à l'U.A.T.P. (Union Algérienne des Travaux Publics) qui est arrêté le 29 janvier 1962 vers 8h et traîné à la villa. On le jette au sous-sol, et le visage recouvert d'une cagoule, le passage à tabac commence. Comme il nie son appartenance à l'OAS, on l'attache sur le fauteuil et on l'asperge avec le contenu d'un seau d'eau. Au moment où le courant commence à passer, une explosion terrible retentit : la villa saute.

Tislenkoff, Gosselin et Vinent ne durent leur salut qu'à l'explosion de la villa qui fit dix neuf morts tous barbouzes et à l'intervention d'un commandant de la gendarmerie mobile qui s'opposa à leur exécution sommaire par Christian David " le beau serge " après la destruction de la villa.

le 27 (12 ?)février, des "barbouzes" dont plusieurs Vietnamiens, firent irruption dans les locaux du service du personnel des Usines Berliet à Rouiba, brandissant des cartes de police (nous avons vu que le MPC possédait des cartes de la Sûreté, périmées il est vrai). Ils emmenèrent l'ingénieur Petitjean soupçonné à tort d'appartenance à l'OAS, qui sera torturé et retrouvé près d'Orléansville coupé en morceaux.
Reconnu peu après par des témoins, arrêté, l'un des assassins est relâché par le procureur de la République, à cause d'une simple erreur de nom.

Des fouilles entreprises dans les jardins des villas en 1968 ont permis de mettre à jour une trentaine de squelettes dont certains avaient le crâne percé.

Les barbouzes ne sont pas intervenus uniquement à Alger, mais dans toutes les grandes villes d'Algérie. A Oran notamment elles furent très " actives ".

On peu penser aussi que leur rayon d'action dépassait les frontières européennes, et qu'ils " travaillaient " en étroite collaboration avec les services officiels français et les polices étrangères. (voir l'enlèvement d'Argoud en Allemagne)

(1) Raymond Muelle estime que pour les trois premiers mois de l'année 1962 en Algérie, sur les 435 Européens disparus, attribués au F.L.N., une bonne centaine peut être attribuée aux organisations semi clandestines du pouvoir gaulliste. Dans certains cas, les cadavres qui sont retrouvés ont été atrocement torturés. "7 ans de guerre en France" raymond Muelle, éditions du patrimoine.

Jacques Soustelle dans son livre "L'espérance trahie", editions de l'Alma 1962, estime que le tiers des actes de violence imputés à L'OAS proviennent des provocateurs barbouzes (page258).

(2) Le 11 décembre 1960, à l'occasion du séjour du général De Gaulle en Algérie éclatent à Alger de violentes manifestations de musulmans qui feront 61 morts dont 6 européens égorgés. C'est la première manifestation de masse de ce type en ville. La question posée est : Qui a pu organiser un tel soulèvement ? "L'organisation politico-militaire de la rébellion, elle a été dix fois détruite et ne peut mobiliser aussi vite. Certains penchent pour un mot d'ordre du M.P.C., le Mouvement pour la Communauté de Jacques Dauer, qui regroupe les militants gaullistes plus ou moins tenus à la clandestinité en raison des persécutions activistes. Solidement implantés dans la Casbah où ils disposent de plusieurs officines discrètes protégées par les Musulmans, les gens du M.P.C. sont en effet les seuls à pouvoir, avec "accord de la délégation générale, lancer les quartiers arabes dans la bagarre. On leur a conseillé de crier le nom du chef de l'Etat, les responsables du F.L.N. leur ordonnent de hurler le nom d'Abbas."
"Le destin tragique de l'Algérie Française", tome 3, 1958- 1960. présentée par Bernard michal, éditions De Cremille 1971.

(3)

Une camionnette piégée explose à Issy-les-Moulinaux le 10 mars 1962, trois morts, nombreux blessés. Bien que ce type d'attentat aveugle ne soit pas dans le style de l'O.A.S. mais rappelle fâcheusement les exactions du F.L.N. le gouvernement s'empresse de mettre cet attentat au compte de la mission 3 (André Canal).
Canal nie par une lettre adressée aux journaux, niera pendant son procès, niera bien après l'amnistie et jusqu'à sa mort.
Il accuse les barbouzes gaullistes d'avoir mis en place cette provocation, cette allégation est renforcée par deux faits :
D'une part, trois individus ont été arrêtés le 31 mars, mais immédiatement remis en liberté, le ministère de l'intérieur refusant de confirmer un fait connu de tous les journalistes qui faisaient les commissariats, et même portant plainte pour " diffusion de fausses nouvelles " contre le journal l'Aurore.
Ces trois hommes ont ensuite disparu de toute procédure, et aucun suspect n'a jamais été arrêté ni même interrogé.
D'autre part, des tracts furent diffusés en région parisienne par les gaullistes, or ils avaient été imprimés la veille de l'explosion.
Sans aucun doute l'amateurisme des hommes de main recrutés pour l'occasion a transformé en meurtre ce qui devait apparaître comme une tentative avortée, on ne peut croire que les gaullistes considéraient comme des œufs destinés à l'omelette le peuple français. Melnik dans son livre de souvenirs, revendique avoir fait sauter la voiture piégée du quai d'Orsay, et ne dit rien de celle-ci.

Première remarque : Il est impensable que le Premier ministre Michel Debré, qui avait autorité sur le ministre des armées P. Mesmer, sur le ministre de l'intérieur R. Frey, et sur le ministre des affaires algériennes L. Joxe, n'ait pas eu connaissance de ce mouvement.

Deuxième remarque : Il est également inconcevable quand on connaît les personnalités des uns et des autres, que le chef de l'état lui-même n'ait pas eu vent de " l'affaire ".
Charles De Gaulle, Président de la République ainsi que Michel Debré Premier Ministre savaient, et même s'ils ne voulaient pas prendre connaissance des " détails ", ils étaient complices des futures actions perpétrées dans la plus parfaite illégalité.

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Mis en ligne le 15 Juin 2005
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