Les tortures perpétrées par les barbouzes étaient psychologiques et surtout physiques. Coups, étranglements, électricité, ongles arrachés, yeux crevés, brûlures, sont le lot d'horreurs quotidien qu'ont à subir les malheureux prisonniers. Ils préferont au verbe torturer celui de "triturer". Les tortionnaires utilisent la " chaise électrique " Il s'agit d'un fauteuil d'un style curieux. Le cadre de bois est en place, mais le dossier et le siège sont remplacés par deux ressors à boudin et un treillis métallique. On déshabille le patient et on l'attache, bien calé sur le dossier. Il ne reste plus qu'a brancher ensuite le courant entre le siège et le dossier et à régler la tension : 110 volts, puis 220, si le sujet résiste, 500. Les ressorts du siège et du dossier rougissent et le malheureux rôtit lentement.
Témoignage Henri Vinent.
" Je suis né le 21 février1939 à Kouba. Je suis ancien para, j'ai été amené à m'occuper des émissions pirates par conviction patriotique. J'ai été arrêté le 27 janvier 1962. Vers 20 heures 30, je me trouvais en compagnie de mes parents, chez nous, à Kouba, rue Lavigerie Des soi-disant policiers ont présenté une carte de police à mes parents et m'ont emmené dans une 403 grise, en me mettant une cagoule sur les yeux et des menottes.
Une autre voiture était là, avec des Vietnamiens dedans. J'ai compris que j'étais arrêté par des barbouzes ; ils m'ont emmené à El Biar, ils m'ont descendu dans une cave et m'ont frappé pendant plusieurs minutes sans me poser de question. Je me suis évanoui dans la cave à la suite des coups et des étranglements que je subissais.. Ils m'ont réveillé en me mettant une très grosse lampe dans les yeux. Ils m'ont déclaré que je faisais partie du groupe des émissions pirates, et qu'ils me surveillaient depuis deux jours ; J'ai encore été torturé, on m'a mis un couteau sur la paupière. Ils voulaient m'arracher l'œil. Après cette confrontation, j'ai été emmené dans une pièce de la villa située à gauche en entrant : on m'a allongé sur un lit de camp et on m'a attaché à un radiateur de chauffage central par une menotte à chaque poignet. J'étais gardé par un Arabe armé d'un 11/43. Je n'ai pas pu dormir.
Arrivés à Hussein-Dey, les barbouzes étaient surpris et anxieux. Un inspecteur nous fit relâcher de leurs griffes.
Témoignage de Jacques Gosselin
Je suis métropolitain, né le 2 octobre 1935.Aprés 28 mois de service militaire en Algérie, notamment dans le sud oranais, j'ai été démobilisé et j'ai trouvé un emploi de chef de chantier à l'U. A .T.P…..
Je travaillais au lycée de Maison-Carrée sur un chantier. En m'y rendant le 29 janvier 1962, vers 8 heures du matin, avec la camionnette de mon entreprise, je m'arrêtai à un feu rouge, juste avant le Pont de Maison-Carrée. Le calvaire de Petit Jean (1)
Petitjean se retrouva visé, car aux yeux du FLN il passait pour un "élément dangereux".
Dans le journal " Le Monde " du 24 mars 1962 on peut lire une déclaration de M. Mestre, à l'époque porte-parole de la Délégation Générale, aujourd'hui ancien ministre :
Cependant la torture contre l'OAS ou les partisans de l'Algérie française ne fut malheureusement pas une spécialité unique des barbouzes : Les gendarmes du colonel Debrosse, les gardes mobiles à l'école de Police d'Hussein Dey, Les policiers de la mission " C " dans la fameuse caserne des " Tagarins " se sont également rendus coupables de crimes contre l'humanité. |
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(1) Une grève fut déclenchée par le Syndicat des Transporteurs pour obtenir la libération de l'ingénieur. En vain. M. Camatt directeur de l'usine multiplia les démarches. Sans succès. Un mois plus tard, des petits bergers arabes jouant dans un terrain vague entre Orleansville et Charon alertèrent la gendarmerie. Ils venaient de découvrir un sac en plastique contenant le corps d'un homme découpé en morceaux. Les gendarmes venus sur les lieux, identifièrent la victime: Petitjean. Ils firent un rapport et reçurent l'instruction de ne pas ébruiter l'affaire. L'un des gendarmes ayant mené les investigations était un sympathisant de l'O.A.S. Il prévint les amis qu'il avait dans l'Organisation et transmit des photos du corps supplicié. Une journaliste de L'Echo d'Alger les reproduisit et constitua un dossier de presse qu'elle envoya à ses confrères français et étrangers. La responsabilité des "barbouzes" fut mise en cause. L'affaire fit du bruit à Alger. En métropole, la plupart des journaux se contentèrent de petits entrefilets. La Délégation Générale publia un communiqué où sans évoquer le cas Petitjean elle réaffirma qu'il n'y avait pas de polices parallèles en Algérie. A l'époque où fut faite cette déclaration, aux environs du 16 mars, ce n'était pas inexact, en ce sens que l'équipée du MPC était terminée et que les survivants avaient été réexpédiés en France. Qu'était-il arrivé à Petitjean ? Pour le savoir, il faut se référer au livre de Souvenirs qu'a écrit Si Azzedine le chef de la Zone Autonome d'Alger du FLN : " Et Alger ne brûla pas" (pages 276 et 277). Aux usines Berliet régnait, comme partout à cette époque, un climat de tension dû naturellement aux événements qui touchaient le pays. L'entreprise avait été implantée dans le cadre du Plan de Constantine, et, à en croire Si Azzedine, elle cotisait alors tant au FLN qu'à l'O.A.S. Ainsi, les directeurs des succursales d'Alger , d'ouargla et de Constantine circulaient très librement sur le territoire algérien. Selon le chef nationaliste, cette situation irritait l'O.A.S. qui voyait dans cette unité de production, une adepte du double jeu. L'organisation secrète soupçonnait ses dirigeants de vouloir faire valoir ses atouts économiques, en dehors, au besoin, de la souveraineté française. Berliet avait négocié avec le GPRA. Elle aurait donc fait pression sur la direction de Berliet pour qu'elle renvoie ou rétrograde les cadres musulmans de la maîtrise. C'est Petitjean, toujours selon le FLN, qui exerçait cette pression au nom de l'Armée Secrète. Les explications données par Si Azzedine dans son livre sont loin d'être claires. Si l'on comprend bien son point de vue, cela signifierait que l'O.A.S. voulait empêcher que soient formés des cadres algériens susceptibles de remplacer les Français et de faire fonctionner l'usine sans eux, dans une Algérie indépendante. Nous disons: si l'on comprend bien, car, les explications fournies sont elliptiques et il est évident que Si Azzedine ne dit pas tout ce qu'il sait. Petitjean se retrouva visé, car aux yeux du FLN il passait pour un "élément dangereux". |
Marié à une française, C fit surveiller Petitjean par son épouse, employée du Service Social de l'usine. Il n'hésita pas à lui confier des filatures dans le quartier d'Hydra où son physique européen n'éveillait aucune suspicion. C'est Mme C... qui servira d'agent de liaison entre le FLN et les "barbouzes" pour cette affaire. En effet, Si Azzedine a décidé de ne pas faire intervenir ses hommes aux usines Berliet et de confier le cas Petitjean aux gens du Talion (ex MPC), alors abrités à l'hôtel Radjah. Pourquoi ? Le chef nationaliste ne le dit pas, il se contente d'une phrase lapidaire: "Impossible pour nous d'intervenir sans mettre en jeu l'équilibre fragile de nos relations avec Rocher Noir". Que veut-il dire ? Nous en sommes réduits aux hypothèses: nous sommes encore à un mois des Accords d'Evian et de l'annonce du cessez-le-feu, mais d'ores et déjà, ceux qui sont encore des adversaires théoriques se ménagent car ils prévoient le moment où ils deviendront partenaires à part entière. Ce que ne dit pas Si Azzedine, mais qui se devine, c'est que des accords tacites existent pour ce qui concerne la production industrielle. De même qu'on ne touche pas au pétrole, et que la libération des techniciens de la SN Repal a été ultra rapide, de même ne faut-il pas toucher à Berliet. Du côté français, on songe aux futures exportations, du côté algérien, au développement économique dans le futur état indépendant. Alors les commandos du FLN n'interviennent pas, mais leur chef croit pouvoir agir par des intermédiaires. L'enlèvement de l'ingénieur fera l'objet d'un rapport au Conseil Zonal du FLN, où les époux C prendront la parole. Si avare de détails en d'autres cas Si Azzedine en fournit cette fois. Il indique que c'est Mme C elle-même qui conduisit les hommes des "barbouzes" aux usines Berliet. Elle fut appelée ensuite par eux à l'hôtel Radjah pour l'interrogatoire du prisonnier, "en tant que témoin" précise-t-il. L'affaire Petitjean ne servit pas le prestige du Talion déjà écorné à l'époque. L'atmosphère de scandale qui la suivit a pu accélérer leur disgrâce. L'épilogue fut résumé par une dépêche A.F .P .du 23 mars 1962. Elle annonçait que le directeur des établissements Berliet avait fait connaître sa décision d'interrompre toute activité du groupe jusqu'à nouvel ordre. On peut lire le texte dans Le Monde du 24 mars 1962, en dernière page. En voici un extrait : " Un ingénieur de notre société M. Petitjean a été appréhendé aux fins d'interrogatoire dans nos établissements le 27 février. Malgré nos protestations énergiques et réitérées auprès des différentes autorités, il n'a pas été possible de connaître les raisons de son arrestation et le lieu de sa détention. Nous apprenons aujourd'hui que son corps aurait été découvert, le premier mars, à Charon dans la région d'Orleansville... " Dans le même journal on peut lire une déclaration de M. Mestre, à l'époque porte-parole de la Délégation Générale, aujourd'hui ancien ministre : "Il est possible que M. Petitjean ait été victime d'un règlement de comptes au sein de l'O.A.S." JeanMonneret. " la phase finale de la guerre d'Algérie " édition l'Harmattan
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