Lors de la décadence de la domination des Almohades,
nous avons vu qu’un État indépendant se constitua à Tlemsen au
profitt des Beni Zian. Le pouvoir de cette dynastie s’exerçait sur
la majeure partie des contrées comprises dans la province d’Alger
et dans la province d’Oran de l’ancienne régence turque. La
famille illustre des Beni Zian, appelée aussi les Abd-el-Ouahed,
se rattachait par son origine à la tribu berbère des Meghraoua,
branche des Zenata. Elle avait, à plusieurs époques, exercé sur la
province de Tlemsen, soit à titre de souveraine soit comme tributaire,
une autorité incontestée. Lorsque l’Afrique musulmane
n’était pas encore démembrée, les Beni Zian avaient presque
constamment été alliés aux khalifes ommiades d’Espagne, dont
ils avaient embrassé le parti dans la querelle de cette dynastie
contre les Abbassides ; ils purent ainsi se maintenir longtemps
au pouvoir sans qu’aucun des rivaux songeât à contester leur
position indépendante.
Les successeurs d’Iakoub ne gardèrent pas longtemps la
possession de la totalité des contrées qui composaient son empire
dans le Maghreb-el-Aksa. En moins de cinquante années, neuf
princes furent investis du pouvoir souverain. Le principal instrument
de la ruine de cette dynastie fut la désunion; qui régna sans
cesse antre les membres de la famille royale. Les Beni Merin
luttèrent souvent avec avantage contre la dynastie rivale des
Beni Zian ; ils se rendirent maîtres plusieurs fois de Tlemsen, et
la fortune favorisa quelquefois leurs armes au point de les faire
avancer jusqu’à Tunis, après avoir soumis Arzeu, Mostaganem,
Bougie et Constantine: Mais ces succès furent toujours éphémères.
Depuis, ils s’étaient attachés, suivant les
vicissitudes des temps, à la fortune des dynasties diverses qui
se partageaient l’Afrique, prêtant le concours de leurs guerriers,
tantôt aux Ommiades, tantôt aux Fathimites, tantôt aux Zirites. Ce fut sous le règne d’Abou-el-Hassan, un des derniers
princes des Mouaheddin, que les Beni Zian, forts de leurs alliances
avec les Berbères et de l’influence qu’ils exerçaient dans
le pays, se révoltèrent. En 646 (1247 de J. C.), Iaghmouracen,
qui était alors le chef de la famille des Abd-el-Ouahed, livra un
combat à Abou-el-Hassan auprès de Kala, le mit en déroute, et
se rendit maître du matériel de l’armée ennemie. Mais la fortune
lui fut souvent contraire dans les nombreuses luttes qu’il
eut à soutenir contre les Beni Merin, qui régnaient à Fès. Deux
rencontres fui furent surtout fatales : l’une sur les bords de la
Molouia, et l’autre entre Ouchda et l’Oued Isli, deux champs de
bataille illustrés par la bravoure de notre armée d’Afrique. Iaghmouracen
était audacieux, d’une fermeté et d’un courage à toute
épreuve ; il n’était pas moins prudent et habile administrateur. Ce prince, s’il faut en croire un historien
arabe, avait aussi à son service une troupe de plus de cinq cents
chrétiens ; c’était de reste à cette époque un usage général parmi
les souverains qui dominaient l’Afrique. Voici comment le célèbre
historien Ebn Khaldoun, qui a écrit l’histoire des Berbères,
explique la présence de ces soldats chrétiens dans les armées
africaines : « Les rois du Maghreb ont pris la coutume d’enrôler
dans leur armée des troupes franques ; ils le font, parce que
leurs compatriotes, en combattant, font toujours semblant de
fuir, puis se retournant ils fondent sur l’ennemi ; tandis que les
Francs combattent en restant inébranlables à leur poste. » Nos
soldats ont pu voir, dans les nombreuses rencontres qui ont eu
lieu en Algérie, que malgré les leçons des troupes européennes
incorporées au treizième siècle dans les armées musulmanes, les indigènes n’ont modifié en rien leur manière de faire la guerre. Iaghmouracen eut pour successeur son fils Othman, en 681
de l’hégire (1283 de J. C.). Ce fut sous ce règne que le sultan
mérinide Abou Iâkoub fit le siège de Tlemsen pendant sept ans,
et s’empara de cette ville ; les habitants eurent à souffrir toutes
les angoisses de la famine. Othman mourut avant la reddition de
la place, dont il avait soutenu la défense avec la plus grande
énergie. Son fils et successeur continua les mêmes efforts et
mourut après un règne de quatre ans, pendant que le siège durait
encore. Ce fut Abou Hammou, frère d’Othman, appelé ensuite
au pouvoir, qui vit enlever la capitale de ses États par les Mérinides.
Après la prise de Tlemsen, quelques villes de la cote tinrent
encore pour les Beni Zian ; ils se retirèrent avec leurs richesses
à Arzeu. A partir de cette époque, et jusqu’a l’établissement de
la domination turque à l’est et au centre de l’Afrique septentrionale,
dans le seizième siècle, les Beni Zian eurent à soutenir des
luttes sans cesse renaissantes, soit coutre les Beni Merin de Fès
ou de Maroc, soit contre les Beni Hafèz de Tunis ; souvent ils
perdirent Tlemsen, leur capitale, ou furent obligés de se reconnaître
tributaires; mais ils se relevèrent toujours de ces échecs,
comme si le fondateur de la puissance de leur famille leur eût
légué à tous quelque chose de son indomptable courage pour
combattre la mauvaise fortune.
Les chroniques locales recueillies dans la province d’Oran
racontent que sous le règne des Beni Zian le royaume de Tlemsen
atteignit un grand état de prospérité Oran était le port où
Marseille, Arles, Agde, Narbonne, les Vénitiens, les Portugais
et les Catalans venaient échanger des armes, des étoffes, de la
verroterie, etc., contre de la poudre d’or, de l’ivoire, des plumes
d autruche, des laines, de la cire, des cuirs préparés, etc. Ces renseignements prouvent que Tlemsen entretenait un commerce
important avec les tribus du Sahara et avec l’intérieur du continent
africain. Quelques princes des Beni Zian ont frappé monnaie
à leur coin ; mais on ne trouve plus dans le pays que de
très rares pièces de leur monnaie. Les souverains de Tlemsen
vivaient avec magnificence, et le bruit des richesses que renfermait
leur capitale a souvent armé contre eux les sultans des
contrées voisines.
Éclipsés sous la domination des Almoravides et des Almohades,
qui, au moyen de leurs doctrines religieuses, avaient réuni
en faisceaux toute la race berbère, les Beni Zian reparurent au
moment de la chute des Almohades, et se ressaisirent de l’autorité.
Les nombreuses défaites que les Mérinides lui firent essuyer ne
purent jamais l’abattre.
Ce n’est certes pas par manque de courage, puisque les Arabes
qui servent dans nos rangs sont aussi braves et font aussi bien
que les Français ; mais c’est l’empire de l’habitue, indestructible
chez ces peuples, observateurs scrupuleux de toutes leurs traditions.
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Mis en ligne le 13 décembre 2012