LE MONDE A L'ENVERS

 

En 1830, il y avait entre 2 et 3 millions d'habitants en Algérie.

Ils sont plus de 35 millions aujourd'hui.

Il reste aujourd'hui environ 2 millions d'Indiens en Amérique du Nord.

Il étaient probablement près de 35 millions avant le génocide (certains historiens avancent les chiffres de 50 voire 80 millions).

Approximativement 200 tribus ont été exterminées par les colons et les armées et sont définitivement éteintes.
http://www3.france-jeunes.net/lire-les-indiens-d-amerique-du-nord-15824.htm

 

Mais, aux Etats-Unis on ne perd aucune occasion de magnifier cette colonisation et d'en faire une sorte d'épopée nationale,

en France, on préfère l'ignorer, la taire, parfois en rougir.
 


La Californie algérienne



La Mitidja, déblayée par l'épée va pouvoir recevoir la charrue, mais Boufarik n'est pas au bout de ses peines. Il a seulement changé de fléau. Si les colons n'y sont plus assassinés, ils y meurent encore de la fièvre et de la dysenterie dont on ne parvient pas à limiter les ravages dans la population. Aux sept années de combat avec les arabes, il faudra ajouter douze années de lutte avec le sol, et cette seconde période sera encore plus meurtrière que la première. En 1842, près de cent personnes mourront « de la Maladie du climat » et le paroisse changera trois fois de prêtre, mais dans la même année on aura construit douze maisons nouvelles, trois briqueteries, un four à chaux, une fabrique d'eau gazeuse, un lavoir. Attirées par l'ordre français qui les a débarrassées des pillards, les tribus fréquentent désormais le marché hebdomadaire où l'on trouve de l'épicerie, des tissus et de la quincaillerie, et bien entendu, des boeuf, des moutons ou des chèvres, des volailles, du blé, de l'orge et des fèves. Tandis que l'année précédente, le marché de Boufarik était désert, plus de 21.000 musulmans y apparaîtront dans le seul second trimestre 1842. La population s'élève maintenant à 559 habitants, le nombre des concessions urbaines à 263 —dont 192 lots bâtis en dur—, et celui des lots ruraux à 729 dont 198 sont mis en culture. La même année, près de 2.000 arbres ont été plantés.

Trois ans plus tard, on compte une population européenne de 1928 individus dont 1.100 français. Une école a été construite, 150.000 arbres ont été plantés par les colons, et le marché a été fréquenté par 160.000 arabes.
Désormais, la vie à Boufarik va changer de visage. Sans doute elle sera loin d'être idyllique, et elle ne le sera jamais. Mais d'année en année la  fièvre reculera, les marais seront asséchés, drainés et transformés en bonne terre arable couverte de moissons et de vergers. De nombreux hommes et femmes succomberont à la peine, mais le taux de mortalité baissera rapidement et un jour viendra où le climat de la région, totalement transformé par le travail opiniâtre des colons, sera cité en exemple. Aujourd'hui, Boufarik montre au voyageur deux monuments aux morts, le premier est élevé à la mémoire de ceux qui sont tombés sur la glèbe, égorgés par des pillards ou brûlés par la fièvre, et le second à la mémoire des, enfants et des petits-enfants des premiers, tombés sur les champs de bataille de 1870, de 1914-18 ou de 39-45.

En 1841, le général Duvivier écrivait dans un livre dont on parla quelque peu "Solution de la question Algérienne" (déjà), les phrases suivantes:
"Il faut laisser la Mitidja infecte aux chacals, aux courses des bandits arabes et en domaine à la mort sans gloire. Boufarik est un malheur!... Il y a là une petite population européenne qu'il faut empêcher de s'épandre, et qu'il est nécessaire d'amener, par tous les moyens, à diminuer, voire même à se dissoudre! Des plaines, telles que celles de Bône, de la Mitidja et tant d'autres, sont des foyers de maladies et de mort! Les assainir?... On n'y parviendra jamais!..."

Quelque vingt ans plus tard Boufarik était relié à Alger par le chemin de fer. Bientôt, Alphonse Laveran allait découvrir l'agent causal du paludisme, et l'Institut Pasteur, avec les professeurs Mesnil, Roux, Sergent, superposerait ses méthodes scientifiques aux méthodes empiriques de l'assèchement pratiqué par les pionniers.

 

Pour parvenir à un tel résultat, il avait fallu traverser de nombreuses péripéties dont le caractère dramatique dépasse souvent en intensité celui des aventures subies par les colons américains au cours de leur ruée vers l'Ouest dont le cinéma d'outre-atlantique nous conte sans lassitude les épisodes.

Sur le plan de l'héroïsme quotidien, de l'audace, de la volonté, de la tragédie et finalement du succès obtenu, les Français de la Mitidja n'ont rien a envier aux fermiers de l'Arizona ou de la Californie. Une chose les sépare toutefois, c'est que Boufarik est fréquenté par des milliers et des milliers d'autochtones musulmans, alors que les Indiens de l'ouest américain ont été tous massacrés.
Il est encore un fait qui les sépare: aux Etats-Unis on ne perd aucune occasion de magnifier cette colonisation et d'en faire une sorte d'épopée nationale, en France, on préfère l'ignorer, la taire, parfois en rougir.


Bertrand Bouret- Paru dans "L'Echo des français d'AFN"
Extrait d'un article publié en septembre 1961 dans le numéro 18 des "Documents de la Revue des Deux Mondes"

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Mis en ligne le 18 nov 2010

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