Le Conseil économique et social
Première partie
Texte adopté le 19 décembre 2007

Par lettre du 30 juillet 2007, le Premier ministre a saisi le Conseil économique et social sur Les politiques financières conduites en faveur des Français rapatriés(1).
La préparation du projet d'avis a été confiée à la section des finances qui a désigné M. Yves Zehr comme rapporteur. Pour son information, la section a entendu les personnalités suivantes :

- M. Emmanuel Charron, président de la Mission interministérielle aux rapatriés ;
- M. Yves Kodderitzsch, président du Haut Conseil aux rapatriés ;
- M. Alain Vauthier, directeur général de l'Agence nationale pour l'indemnisation des Français d'Outre-mer.
Par ailleurs, le rapporteur a entendu des représentants de différentes associations de rapatriés de diverses sensibilités dont les noms figurent en annexe.

INTRODUCTION

Au total, 1,5 million de personnes ont été rapatriées dans la seconde moitié du XXe siècle dont près de 1 million pour l'Algérie (environ les deux tiers) et près de 95 % pour les trois pays du Maghreb. Notons que, récemment, près de 3 000 personnes en provenance de Djibouti, des Comores et du Vanuatu ont été assimilées aux rapatriés. Depuis près d'un demi-siècle, la question de l'indemnisation des Français rapatriés d'Algérie, principalement, demeure. Le 3 juillet 1962, à la suite d'un référendum portant sur l'autodétermination du pays, l'Algérie accède officiellement à l'indépendance. Du fait d'une situation interne confuse et violente, les Européens, dont un million de Français, sont contraints de quitter le nouvel État. Pour ces Français, qui devenaient alors des " rapatriés ", le retour vers la métropole fut vécu comme un exil. Ce fut aussi un drame pour des dizaines de milliers de Français d'origine algérienne, les harkis, engagés au côté de la France pendant ce conflit.

Le fait de devoir quitter, dans des circonstances dramatiques, un territoire où ils étaient établis, pour certains depuis plusieurs générations et la nécessité de démarrer une nouvelle vie en France justifiaient un effort national en leur faveur. Il s'agissait à la fois d'un geste de solidarité et d'un témoignage de reconnaissance des souffrances subies. Un secrétariat d'État puis un ministère aux Rapatriés furent créés. De nombreuses lois, dont la première dès décembre 1961 et décrets d'application ont été pris sur les divers aspects des aides, indemnités, prêts bonifiés...
Pourtant, les rapatriés ont souvent eu le sentiment d'être mal accueillis en métropole et trop longtemps marginalisés. Devant ces difficultés, s'est posée avec une intensité croissante la question de l'indemnisation des biens perdus d'autant plus que la plupart des nouveaux États, dont l'Algérie, ayant acquis leur indépendance, refusaient d'honorer leurs engagements et donc de participer à cet effort. Le principe de l'indemnisation fut reconnu par le gouvernement français par la loi de 1970, basée sur une logique sociale de solidarité et débouchant donc sur une indemnisation partielle des personnes physiques en attendant un éventuel remboursement de l'État algérien.

S'est alors ouvert un contentieux financier mais aussi passionnel dans lequel les rapatriés, qui s'organisent et s'expriment en de nombreuses associations, cherchent à faire reconnaître la responsabilité de l'État français.
Au total, un dispositif complexe, protéiforme, a été mis en place à l'issue de nombreux textes (lois et décrets) pris au fil du temps. En tout, les sommes affectées aux diverses aides et indemnisations au titre de la solidarité nationale sont conséquentes : 35 milliards d'euros (euros 2002) selon la Mission interministérielle aux rapatriés.

La loi de 2005 a été conçue pour régler les derniers points en suspens sur le plan matériel. Il convient donc d'accélérer sa mise en œuvre là où des difficultés demeurent, d'évaluer les problèmes qui subsistent et de proposer des voies de solutions.
Dans sa lettre de saisine, le Premier ministre demande au Conseil économique et social d'établir " un rapport sur l'ensemble des politiques conduites en faveur des Français rapatriés depuis les années soixante… d'établir une hiérarchisation des attentes de nos concitoyens… Il serait également utile que l'action en faveur du désendettement des rapatriés réinstallés fasse l'objet d'un examen particulier… que ce rapport fournisse au gouvernement les éléments d'appréciation concernant les éventuelles dispositions juridiques et financières à prendre pour clôturer ce dossier ".

À la lumière de l'étude de ce dossier et grâce aux contacts établis avec les diverses associations de rapatriés, le Conseil économique et social considère qu'il ne peut limiter ses réponses aux questions strictement financières. Notre assemblée a pris le temps de l'écoute et fait le constat que les rapatriés ont pendant trop longtemps eu le sentiment de ne pas être considérés avec suffisamment de dignité. Quant aux harkis et aux autres Français d'origine algérienne, 45 000 d'entre eux ont transité par des centres d'accueil d'urgence, qui perdureront en fait jusqu'à la fin des années 70, offrant des conditions de vie très difficiles. Il s'agit désormais de mettre un terme à ce trop long processus en clôturant les aspects financiers qui restent en suspens, mais aussi en reconnaissant moralement le parcours et la souffrance de ces concitoyens. Au total, c'est tout un pan de l'histoire de notre pays sur lequel il convient de se pencher.

La grande majorité des rapatriés ont remboursé leurs dettes. Il faut noter que beaucoup d'entre eux ont très heureusement surmonté le choc qu'ils ont subi et ont fait de belles carrières tant dans la haute fonction publique que dans le secteur privé. Au-delà de ces réussites exceptionnelles, beaucoup d'entre eux ont retrouvé rapidement un travail, la France connaissant alors une période de plein emploi.

(1)L’ensemble du projet d’avis a été adopté au scrutin public par 160 voix et 37 abstentions (voir le résultat du scrutin en annexe).

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Mis en ligne le 9 mai 2011
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