Le Conseil économique et social
Deuxième partie

Déclarations des groupes

Groupe de l'agriculture
On ne peut s'empêcher, en lisant cet avis, d'opérer un rapprochement avec la récente visite au début de ce mois de décembre, du Président de la République en Algérie. Tous ont pu se rendre compte à cette occasion que pour être porteuse d'ambition, la projection dans l'avenir doit reposer sur des bases assainies. On ne peut souhaiter un rapprochement entre nos deux pays ni favoriser une avancée du projet européen d'Union méditerranéenne, alors même que des défis communs se posent à nous, si subsistent des différends liés à l'histoire.
Le processus d'indépendance et le rapatriement des Français d'Algérie de toutes origines ont, de façon indéniable, profondément marqué les générations d'alors et souvent leurs enfants. Le temps a passé, la nation a manifesté sa solidarité sous forme d'aides diverses ou d'indemnisations, mais les stigmates restent présents dans des familles entières.
C'est pourquoi il convient enfin de mettre un terme à ce trop long processus en clôturant les aspects financiers qui restent en suspens, mais surtout en reconnaissant officiellement la souffrance des populations rapatriées.
Un important travail de mémoire doit être réalisé, en s'appuyant sur des historiens et des sociologues, des témoins de l'époque, les chercheurs spécialisés sur ces questions, etc., travail qui retrace le déroulement des évènements de l'indépendance et montre le prix élevé de l'engagement des populations en faveur de la France.
Trop de malentendus et de silence obscurcissent cette part de notre histoire.
Il est urgent d'apurer le passé et d'aider à un apaisement des esprits.
Ce travail de mémoire sera sans nul doute également utile à la valorisation de l'investissement des communautés en faveur de notre pays. Les difficultés liées à l'intégration des rapatriés d'Afrique du Nord renvoient aux problèmes plus larges de l'insertion des populations immigrées. Rappeler la part héroïque qu'ont prises les générations précédentes dans la construction de notre histoire peut être un élément, qu'on voudrait salutaire, dans l'attachement des différentes communautés à la France.

Groupe de l'artisanat
Au moment où se précise le projet de l'Union méditerranéenne, revisiter le dossier douloureux des politiques financières en faveur des Français rapatriés est un signe politique fort. Grâce à la démarche pragmatique de cet avis, chacun peut mesurer l'importance des enjeux financiers mais surtout la volonté du gouvernement d'honorer sa dette envers tous ceux et celles qui ont consacré une partie de leur vie à la défense des intérêts de la France.

Concernant les aspects matériels, le rappel des textes fondateurs permet d'apprécier l'étendue des responsabilités des États. Au regard de l'importance du budget consacré à cette cause au niveau français et des textes législatifs précisant le contour des aides et indemnisations, force est de constater que la France n'a pas failli à ses obligations. Si certains dossiers en suspens peuvent être réglés facilement, d'autres méritent plus amples investigations pour justifier le bien fondé des réclamations. Il faut en effet vérifier les raisons de ces interventions tardives et les nombreuses interprétations parfois abusives de la loi par les demandeurs. Dans ce domaine, le groupe de l'artisanat apprécie la prudence de cet avis qui a su faire la part des choses en proposant des solutions immédiates chaque fois que cela se présentait, quitte à renvoyer vers des commissions techniques voire les États le traitement des cas litigieux. Enfin il est important d'avoir pris l'option de l'obligation de résultats dans des temps limités pour clore ces affaires dans les meilleures conditions, permettant ainsi d'engager au plus vite la phase de reconstruction de la personne humaine.

S'agissant du devoir de mémoire, le groupe de l'artisanat tient à saluer l'écoute attentive du rapporteur et des membres de la section qui ont ainsi permis de mettre à plat tous les malentendus permettant aujourd'hui à la France d'apaiser les souffrances de tous ceux et celles qui ont subi en silence cette non reconnaissance du devoir accompli. Avec la reconnaissance officielle de " la guerre d'Algérie ", un premier pas a été franchi en 1999. Il faut à présent se féliciter que l'avis aille plus loin en s'appuyant sur l'initiative de la fondation pour la mémoire pour conforter les mesures visant à enfin écrire une histoire " partagée " et permettre à tous et à toutes de circuler et de vivre en toute liberté dans le respect des droits élémentaires de la personne humaine.
Le groupe de l'artisanat a voté favorablement cet avis.

Groupe des associations
L'avis qui nous est proposé répond à la demande du gouvernement qui recherchait des éléments d'appréciation pour achever l'ensemble des politiques conduites en faveur des Français rapatriés depuis les années soixante.
Le groupe des associations approuve cet avis qui propose des solutions pragmatiques en recherchant à aider les personnes concernées, aussi bien en matière de retraite qu'en matière d'endettement dû aux prêts de réinstallation ou en matière d'indemnisation. L'avis, à juste titre, conseille de clore toutes ces procédures dans un esprit de traitement à caractère social d'autant plus qu'elles concernent des personnes âgées. Le groupe des associations est tout à fait d'accord avec le rapporteur concernant les indemnisations. On ne peut imaginer une quatrième loi d'indemnisation. Les sommes accordés par la contribution nationale ont couvert 58 % de la valeur estimée des biens. Le gouvernement français, comme l'indique l'avis, doit continuer à œuvrer pour que le gouvernement algérien liquide ces contentieux.
L'avis se préoccupe, à juste titre, non seulement des questions financières mais aussi des questions morales. Les rapatriés comme les harkis ont le sentiment de n'avoir pas été considérés avec suffisamment de dignité. Des propositions concrètes formulées par l'avis permettraient de s'engager dans un travail de mémoire qui incombe maintenant aux historiens et de créer des lieux de mémoire qui relèvent des pouvoirs publics.
Ceci conditionne la véritable paix des cœurs qui peut fonder une vraie amitié avec le peuple algérien.
Le groupe des associations a voté l'avis.

Groupe de la CFE-CGC
La saisine gouvernementale concerne tous les Français rapatriés, mais singulièrement ceux d'Algérie, puisque une guerre a ponctué la décolonisation.
La guerre d'Algérie et la décolonisation ont marqué le destin de nombreux Français. Les rapatriés ont souvent eu le sentiment d'être mal accueillis en métropole et ne pas être considérés avec suffisamment de dignité. Il faut redonner de la dignité à toutes les personnes éprouvées. Le travail de mémoire concerne chacun de nous. La dimension matérielle et humaine de ce dossier est donc primordiale.
Plusieurs lois d'indemnisation et aides diverses ont été adoptées. La loi de 2005 devait régler les points encore en suspens sur le plan matériel.
Il s'agit de clôturer les aspects financiers qui restent en attente mais aussi en reconnaissant le parcours et la souffrance de nos concitoyens.
La question de l'indemnisation des biens perdus est un dossier lourd et coûteux.
Le groupe de la CFE-CGC juge qu'une nouvelle loi pour traiter ce problème n'est pas envisageable. D'ailleurs, la situation financière de la France ne pourrait le permettre. Concernant les problèmes de l'endettement des rapatriés, il conviendrait de traiter rapidement les dossiers classés éligibles. Il en reste 354. Pour tous les autres dossiers, il faudrait s'assurer que la Mission interministérielle aux rapatriés dispose de tous les moyens politiques, juridiques et financiers pour examiner ceux qui ont vraiment un caractère social.
La souffrance des harkis a été grande et ce n'est pas seulement l'argent qui la compensera. Les nouvelles générations ont aussi " besoin de la connaissance de l'histoire et de la reconnaissance ".
Certains harkis sont très âgés et souhaiteraient retourner en Algérie ou s'y faire enterrer. Il faut donc agir vite.
Par ailleurs, il faut des aides ciblées aux jeunes en difficultés afin qu'ils soient mieux formés mais aussi qu'ils bénéficient d'aides à l'emploi, au logement, etc. En ce qui concerne l'emploi et la formation, l'exemple du Var est intéressant. Nous préconisons l'extension de ce genre d'initiatives à l'ensemble du territoire.
Le groupe de la CFE-CGC a voté l'avis.

Groupe de la CFTC
L'avis présenté par le rapporteur, outre qu'il constitue un excellent résumé de ce qui a été fait en faveur des Français rapatriés, contient des propositions de nature, un demi-siècle après, à mettre un terme à ce douloureux problème.
Les accords bilatéraux d'Évian prévoyaient que l'Algérie participerait à l'indemnisation des biens perdus. Le non-respect de ces accords a induit le gouvernement de notre pays à mettre en place des dispositifs complexes pour résoudre les problèmes nombreux et douloureux d'indemnisation. Il est souhaité dans la conclusion de l'avis que cette clause d'indemnisation par l'Algérie soit recherchée. Le récent déplacement du président de la République nous rend sceptique à ce sujet. En tout état de cause, le problème des reclassements, des pensions de reversions devrait être réglé rapidement, notamment grâce à une cellule spécialisée dont l'activité serait centrée sur le règlement de ces dossiers en suspens.
Comme le préconise le rapporteur, le problème des prêts de réinstallation et de consolidation pourrait trouver une solution après un examen au cas par cas, en cherchant à obtenir un remboursement partiel, lorsque c'est possible ou à défaut en effectuant une remise gracieuse.
Le versement pour solde de tout compte d'une indemnité forfaitaire pour tous, destinée à reconnaître les épreuves subies, à partir de fonds versés par l'Algérie, serait évidemment souhaitable. Toutefois, l'attitude du gouvernement algérien ne laisse guère d'espoir à ce sujet.
L'avis évoque, à juste titre, le problème des harkis dont 45 000 d'entre eux ont transité par des centres d'accueil d'urgence qui ont perduré jusqu'à la fin des années 70. Les initiatives les concernant, visant à former les demandeurs d'emploi et à les accompagner, sont à généraliser. Tout doit être réalisé pour favoriser leur intégration, notamment en luttant contre toutes les formes de discrimination dont ces Français sont trop souvent victimes.
Il nous paraît choquant que, cinquante ans après, les harkis et leur famille n'aient pas une véritable liberté de circulation, leur permettant de revoir leur famille ou la tombe de leurs parents. Il y a nécessité d'organiser des négociations à ce sujet. Plus généralement, il faut exiger que les cimetières français en Algérie soient correctement entretenus et gardés. En ce qui concerne les quelques 500 soldats disparus sans trace, des recherches complémentaires approfondies seraient à engager.
Au-delà de ces judicieuses préconisations, comme le souligne le rapporteur, un effort de mémoire reste à engager afin que les rapatriés, les harkis et les autres Français d'origine algérienne n'aient plus le sentiment de ne pas être considérés avec suffisamment de dignité. Cet effort de mémoire devrait permettre aux populations concernées de se projeter dans un futur commun, comme celui du projet d'Union méditerranéenne qui impliquera nécessairement la France et l'Algérie.
Le groupe de la CFTC souhaite que l'ensemble des mesures qui sont proposées soient suivies d'effets et qu'ainsi, le Conseil économique et social ait contribué à un apaisement définitif entre ces deux populations.
L'avis répondant à cet objectif, le groupe de la CFTC l'a voté favorablement.

Groupe de la CGT
C'est à la demande du gouvernement que la section des finances a étudié les conditions d'application des différentes lois d'indemnisation et d'aide en faveur des rapatriés civils et des anciens combattants de l'armée française. En effet, un certain nombre d'associations contestent les modalités d'indemnisation des biens et regrettent le caractère incomplet du dispositif complexe mis en œuvre au fil des ans. La loi de 2005 avait pourtant vocation à régler, entre autre, les derniers points matériels en suspens. Plus largement, le Premier ministre souhaitait un rapport sur l'ensemble des politiques menées en faveur des Français rapatriés depuis les années 60.
Observons que si les sommes consacrées aux diverses aides et indemnisations n'ont pas été négligeables, le président de la Mission interministérielle aux rapatriés a donné le chiffre de trente-cinq milliards d'euros, la majorité des rapatriés salariés, sans patrimoine agricole, industriel ou financier n'a connu comme mesures de solidarité nationale que des dispositifs d'aide à l'accueil et à l'installation modestes, voire très modestes.
En outre, beaucoup n'ont pu produire les documents demandés. C'est pourquoi, les anciens apprécieront positivement la proposition de l'avis d'une simplification des procédures pour l'obtention des retraites. Rappelant que des mairies avec les actes d'état civil ont été saccagées, ils souhaitent en particulier que l'administration accepte, pour les personnes les plus âgées, des attestations sur l'honneur de leur qualité de citoyen français.
Prolongeant l'étude réalisée par Mme Hafida Chabi sur La situation sociale des enfants de harkis, l'avis revient sur la situation indigne faite aux harkis et à leurs enfants. Pour la CGT, le drame des harkis ne peut être sorti du contexte général de la colonisation. Comme tous les nationaux, les harkis et leurs familles doivent pouvoir accéder à un logement décent, à la formation professionnelle et à un emploi stable et qualifié. Une attention particulière doit être portée à la deuxième génération, celle qui est née et a été élevée en France et se trouve victime de discriminations.
Mais, au-delà des questions strictement financières, que le rapporteur de la section des finances a traitées avec sérieux, le passé de la France n'a cessé et ne cesse de ressurgir, faisant obstacle à des relations apaisées.
Il est urgent que les historiens de France et d'Algérie poursuivent ensemble un travail rigoureux.
Dans un appel récent aux plus hautes autorités françaises " pour dépasser le contentieux historique ", des historiens notent : " Trop souvent, l'évocation de la guerre d'indépendance algérienne est soumise à la concurrence des victimes ".
Or, pour construire un avenir de partage, il faut voir en face le passé abordant et reconnaissant les souffrances de toutes les victimes de la colonisation et de la guerre.
Avec la volonté d'œuvrer au dépassement des traumatismes de la guerre d'Algérie, les autorités françaises doivent entretenir et développer des coopérations avec l'Algérie afin de donner un nouvel essor aux échanges de toute nature entre les deux pays. Le devoir de mémoire dont traite l'avis ne peut se limiter à la situation des Français rapatriés et victimes de la guerre. Il doit également prendre en compte l'origine du conflit, à savoir le colonialisme, dont le système fut édifié par la République, en contradiction avec ses propres principes.
Tout en reconnaissant l'intérêt de certaines propositions, le devoir de mémoire tel qu'il est abordé dans l'avis lui donne un caractère déséquilibré. Pour la CGT, il est important qu'un travail historique soit effectué.
Ces considérations ont conduit notre groupe à s'abstenir.

Groupe de la CGT-FO
En premier lieu, le groupe FO tient à adresser toutes ses félicitations au rapporteur de cette saisine gouvernementale qui a su, dans un temps contraint, appréhender et décortiquer un dossier difficile qui traîne depuis maintenant près d'un demi-siècle. Sujet d'autant plus délicat, qu'après déjà trois lois et de nombreux décrets, les aspects matériels ne semblaient pas encore tous traités. Cependant, et le groupe FO partage ce point de vue, le rapporteur a eu la sagesse d'écarter la possibilité d'une quatrième loi d'indemnisation.
Le groupe Force ouvrière soutient les solutions préconisées pour les problèmes matériels restés en suspens.

o Sur le problème des retraites, l'avis souligne à juste titre l'urgence, compte tenu de l'âge des bénéficiaires potentiels, de régler les derniers cas en suspens. Pour les reclassements d'agents du secteur public, sont fixés un terme " douze mois " et un moyen : " la création d'une cellule spécialisée ".
o Pour l'endettement (prêts de réinstallation ou de consolidation), il est proposé de solder les procédures dans un court délai. Le cas des rapatriés tunisiens devrait faire l'objet d'une négociation d'État à État qui pourrait permettre de solder les cas délicats en suspens, en particulier dans le domaine des loyers et du rapatriement en France des fonds perçus en Tunisie.
o Concernant l'indemnisation, l'avis souligne avec justesse que, si un complément devait être obtenu pour solde de tout compte, il devrait provenir exclusivement d'une négociation avec l'Algérie. Les sommes ainsi obtenues pourraient être versées à un fonds chargé de procéder à leur répartition sur des bases égalitaires.
Enfin, est abordé avec doigté, en évitant toute considération de nature religieuse, le difficile problème des harkis.
Leur intégration devrait être une priorité, notamment en concentrant les efforts sur l'aide ciblée apportée aux jeunes en difficulté, et en luttant contre toute forme de discrimination.
Enfin, des négociations avec le gouvernement algérien devraient permettre d'obtenir, comme pour l'ensemble des Français, la liberté de circulation des harkis et de leurs familles, avec visas.
Mais l'avis ne s'est pas arrêté au seul texte de la saisine gouvernementale : en effet il aborde, dans un second chapitre, le travail de mémoire.
Avec tact et fermeté, il n'est souhaité ni commémoration nostalgique, ni dénigrement systématique, ni repentance, mais un travail collectif de mémoire avec les historiens, les acteurs ou des témoins.
Ces préconisations mesurées semblent appropriées, elles seules pourront apaiser ce très lourd contentieux historique pour arriver à des relations apaisées entre l'Algérie et la France. Ainsi, ces deux peuples pourront envisager de nouveaux partenariats méditerranéens dans un premier temps et euro méditerranéens dans un second temps. Le sens de ce travail est de clore ce douloureux dossier.
De notre point de vue, toutes les préconisations vont dans cette voie et recueillent l'approbation du groupe FO.
C'est pourquoi il a voté cet avis.

Groupe de la coopération
Cet avis nous invite à nous retourner vers un passé souvent mal connu ou occulté, la guerre d'Algérie. En effet, il concerne une tranche de l'histoire de notre pays dont la plupart d'entre nous ont été directement ou indirectement les acteurs. L'exercice n'est pas simple, tant les souffrances et les passions sont encore vives. Le rapporteur l'a conduit avec tact et sens de l'écoute. L'indépendance de l'Algérie a marqué notre temps, nos cœurs et notre conscience politique. La Vè République est née des évènements qui ont accompagné la séparation des territoires et des peuples. Puisque notre pays s'engage aujourd'hui dans des changements importants, alors que le monde bouge et les générations passent, il est temps de construire la mémoire de cette période, comme le préconise justement l'avis.
Si la République a accompagné financièrement les populations rapatriées, près de trente-cinq milliards d'euros leur ont été consacrés, force est de constater qu'elle a failli sur le plan de la mémoire. L'avis le souligne. Pour faire œuvre utile, nous pensons que cette mémoire doit être " partagée ". Cette lecture et cette écriture de l'histoire ne peuvent en effet être menées à bien indépendamment du travail qui s'exerce de l'autre côté de la Méditerranée. Les échanges entre les différentes mémoires sont indispensables car, en France et en Algérie, existent des " récits imbriqués, des écritures en miroir " qui ne favorisent pas une approche sereine de cette période, nous l'avons encore vu récemment. Mais beaucoup d'Algériens, notamment des historiens, tentent de se débarrasser d'une mémoire falsifiée de leur guerre d'indépendance. Un travail en commun sur cette période devrait donc être engagé. Autrement dit, il s'agirait de coopérer. Une telle démarche pourrait répondre aux interrogations et au mal-être de certains jeunes Français issus de l'immigration et de la jeunesse algérienne. Il s'agit également d'éviter que ne se construisent des mémoires " communautaires " qui s'affrontent et mettent à mal l'intégration républicaine.
La République a trop souvent failli sur le plan de l'intégration. La façon dont les harkis ont été traités est indigne de nos idéaux. Le principe d'égalité a été bien mis à mal. Il est temps d'agir. Si nous ne pourrons pas " réparer " pour les anciens, nous avons un devoir envers leurs descendants. Ceux-ci ont souvent vu leur avenir compromis par les conditions de vie particulièrement difficiles de leurs parents. Sur notre territoire, des camps et des cités d'accueil ont perduré jusqu'en 1976, pour des hommes, et leurs familles, qui s'étaient engagés au côté de la France. La République doit aujourd'hui donner plus à ceux qu'elle a laissés de côté. Le groupe de la coopération est favorable à des politiques ciblées d'aides à la formation et d'accompagnement à l'emploi, comme cela existe dans certaines régions, dispositifs qu'il conviendrait d'étendre, d'améliorer et de renforcer nationalement. Nous croyons aussi qu'il faut mettre en place des mesures plus ambitieuses visant à faciliter et à garantir l'accès au logement et à l'emploi, y compris dans le secteur public et au plus haut niveau, pour les descendants des harkis.
Le ministre des Affaires étrangères a dit, lors du récent voyage présidentiel en Algérie, que " l'histoire n'a pas de morale ". Pour autant, essayons aujourd'hui de lui donner un sens conforme au projet républicain

Groupe des entreprises privées
La question des rapatriés, bien que diverse, demeure toujours présente, notamment concernant les rapatriés d'Algérie. À travers cet avis, le rapporteur nous amène à regarder les conséquences de notre histoire et à étudier les moyens de remédier aux souffrances de certains de nos concitoyens.
Nous ne pouvons que féliciter le rapporteur de ne pas avoir réduit son avis à l'étude des aspects financiers des politiques menées en faveur des Français rapatriés mais de s'intéresser également aux aspects humains et de prôner un travail de mémoire. En effet, avant de solder le passif financier, il faut apprendre à mieux connaître cette période concernant notamment la présence française en Algérie.
Ceci favorisera un traitement impartial des situations individuelles.
Sur le point plus particulier des compensations financières dues aux rapatriés, on peut tirer plusieurs enseignements.

o Les différents dispositifs mis en place au fil des temps n'ont fait qu'accroître la complexité et retarder les indemnisations. o La réussite des politiques d'indemnisation repose également fortement sur la bonne volonté des pays, comme le démontrent les situations divergentes des rapatriés tunisiens et algériens. o Enfin, on peut sans se tromper affirmer qu'il est désormais temps de régler ce passif ; à cet effet, la mise en place de cellules destinées à traiter ces situations dans un temps imparti devrait favoriser ce travail.
À cet égard, une seule réserve peut être faite concernant les prêts de réinstallation et de consolidation ; si les banques doivent certes aider à ce traitement, la prise en compte des dossiers non éligibles, sur la base entre autre de la mauvaise foi, doit être différenciée. Il ressort de cet avis, comme le démontre le rapporteur, que l'État français ne peut pas tout pour régler cette situation, la coopération de l'État algérien est indispensable même au-delà des questions financières.
Par ailleurs, la question particulière des harkis doit être prise en compte et réglée concomitamment à celle des rapatriés. Les entreprises françaises participent à ce mouvement, certaines organisations mènent des actions pour favoriser leur intégration. Ainsi, toutes les composantes de notre nation ont pris conscience de la nécessité de solutionner rapidement la question des rapatriés.
Aussi, le groupe des entreprises privées a voté l'avis.

Groupe des Français établis hors de France, de l'épargne et du logement M. Clave :

" Je pense au temps du départ : la sirène du bateau, le quai qui s'éloigne inexorablement et l'image de notre terre natale, brouillée par les larmes, qui s'efface peu à peu. Tels sont les derniers souvenirs que garderont à jamais ces centaines de milliers de Français qui durent quitter l'Algérie à l'issue d'un conflit tout aussi horrible qu'incompréhensible. Jérôme, Monique, Paola, José, Mahmoud, Ali ou Leila, tous étaient devenus des Français rapatriés.
Aujourd'hui, quarante-cinq ans après, le gouvernement a décidé de refermer ce pénible et difficile dossier en sollicitant l'avis du Conseil économique et social.
Depuis la première loi d'indemnisation de 1961 jusqu'à ce jour, l'État français a contribué, sous différentes formes au titre de la solidarité nationale, à hauteur de trente-cinq milliards d'euros. Une multitude de lois se sont succédées pour essayer de répondre à l'attente des rapatriés, quelques-unes ont marqué des avancées notoires comme la loi Romani du 11 juin 1994 ou la dernière en date, la loi du 23 février 2005, qui reprend l'aspect matériel et l'aspect mémoriel.
À ce jour un certain nombre de dossiers subsistent, qui doivent rapidement trouver une solution définitive.
En ce qui concerne les retraites, le rapporteur rappelle à juste titre qu'il est urgent de parvenir à un règlement satisfaisant pour les derniers dossiers, compte tenu de l'âge avancé des éventuels bénéficiaires et ce d'autant que l'impact budgétaire serait faible. Les textes de février 2003 concernant la réouverture du fonds de retraite complémentaire des rapatriés doivent être appliqués avec plus de souplesse afin que ce dossier soit définitivement clos le 31 décembre 2009, comme la loi le prévoit.
Sur les problèmes liés aux prêts de réinstallation et de consolidation, un faible nombre de cas restent en litige. Les rapatriés agriculteurs se sont vus offrir, à leur arrivée en France, des terres que personne ne voulait exploiter en métropole. Ces terres ont été surévaluées par un mouvement spéculatif entraînant ainsi un endettement souvent impossible à résorber. Les commissions qui se sont succédées, surtout à partir de 1987, ont traité la plupart des dossiers et corrigé certaines procédures. Moins de 400 cas restent en suspens. Comme le préconise le rapporteur, il faut mettre fin à cette situation, situation des familles empêchant d'honorer les créances. Il est donc nécessaire de revoir des plans de refinancement au cas par cas en tenant compte du facteur social.
Pour les 27 dossiers de consolidation regroupés à la trésorerie de Châtellerault, il convient de trouver très rapidement une issue à ce harcèlement procédurier qui envenime la vie des rapatriés concernés et coûte cher aux contribuables.
Le projet d'avis suggère que la Mission interministérielle pour les rapatriés se saisisse des dossiers soit pour obtenir un remboursement partiel, soit pour effectuer une remise gracieuse pour ceux dont la situation est définitivement compromise. Au moment où la France et l'Algérie peuvent être appelées à être des acteurs et des partenaires majeurs dans le cadre d'une Union méditerranéenne, il conviendrait de revoir dans un climat dépassionné un contentieux qui a trop duré : celui de l'engagement pris par le gouvernement algérien lors de la signature des accords d'Évian du 18 mars 1962, d'indemniser de façon équitable tous ceux qui auront été dépossédés de leurs biens acquis sur son territoire avant l'autodétermination.
Ce geste permettrait de refermer une page pénible de notre histoire et regarder ensemble un avenir plus en rapport avec les relations privilégiées qui s'instaureraient durablement des deux côtés de la Méditerranée.
Le groupe des Français établis hors de France, de l'épargne et du logement soutient les préconisations de notre rapporteur qui fait référence également à l'étude que Mme Hafida Chabi avait brillamment présentée au CES. Les harkis sont et resteront à jamais une page noble de l'histoire de la France.
Sur le travail de mémoire, et en complément des mesures prises dans la loi du 23 février 2005, le groupe des Français établis hors de France, de l'épargne et du logement votera cet excellent projet d'avis ". Groupe des personnalités qualifiées

M. Nouvion :
" Je constate que depuis quarante-cinq ans, la France évoque avec plus ou moins d'acuité les problèmes des rapatriés d'Algérie, mais aussi du Maroc et de Tunisie qui, pour plus d'un million d'entre eux, ont rejoint la mère patrie dans des conditions indescriptibles, voire inacceptables.
Six présidents de la République se sont penchés sur leur situation ; le sixième, Nicolas Sarkozy, était âgé de sept ans en 1962. Sensible aux problèmes des Français rapatriés, il a demandé à son Premier ministre de saisir le Conseil économique et social, le 31 juillet 2007, afin que soit rédigé un rapport sur Les politiques financières conduites en faveur des Français rapatriés.
Le travail présenté par le rapporteur s'articule autour de deux grands chapitres, l'un sur les aspects matériels, l'autre sur les aspects mémoriels, auxquels les rapatriés de toutes origines sont très sensibles. Il est grand temps de régler définitivement les problèmes matériels des rapatriés, qu'il s'agisse des retraites, de la réinstallation ou de l'indemnisation.
Au-delà de ces problèmes concrets analysés avec justesse, un certain nombre de solutions sont proposées. En décembre 2006, l'étude d'Hafida Chabi sur La situation sociale des enfants de harkis, a éclairé l'assemblée sur les problèmes d'intégration de ces enfants dont les pères s'étaient battus pour la France.
Pour des raisons personnelles, je tiens à insister tout particulièrement sur l'aspect mémoriel. Je remercie vivement la section des finances, qui est allée au-delà de la mission fixée par le Premier ministre, pour traiter les problèmes mémoriels auxquels sont confrontés les rapatriés. De 1954 à 1962, ces derniers ont subi les conséquences d'une guerre révolutionnaire, avec tout ce qu'elle a comporté d'épreuves et de souffrances pour les populations civiles, enjeu de ce conflit. Les derniers mois de la présence française, surtout à partir du 19 mars 1962, ont été terribles. Les populations ont fui, par peur, car elles n'étaient plus protégées par l'armée française, qui avait reçu l'ordre de rester l'arme aux pieds. Les harkis et leurs familles ont payé un trop lourd tribut. De nombreuses familles européennes ont vu certains des leurs disparaître à jamais.
On recense aujourd'hui plus de 2 600 disparus et la liste n'est malheureusement pas close, l'orateur en parle en connaissance de cause... En outre, 500 soldats français manquent toujours à l'appel et leurs familles sont elles aussi dans l'attente. Trop de malentendus et de silences obscurcissent encore aujourd'hui cette période de l'Histoire de France. Aussi, le projet d'avis invite-t-il le gouvernement à engager un travail collectif sur cette période avec des historiens et des acteurs encore vivants.
On peut espérer que l'Algérie respectera la signature qu'elle a apposée en bas des accords d'Évian, en ce qui concerne sa participation à l'indemnisation, d'autant qu'elle dispose actuellement de 150 milliards de dollars de réserve financière grâce au gaz et au pétrole découverts lors de la présence française.
S'agissant des problèmes de désendettement et de retraite, le président de la Mission interministérielle aux rapatriés aura à cœur de résoudre les cas en souffrance. Il faudra aussi qu'il mène à bien l'insertion des enfants de harkis. Quarante-cinq ans après, il est grand temps de clôturer ce dossier douloureux et trop souvent méconnu, afin que les rapatriés d'Algérie de toutes origines ne se considèrent plus eux-mêmes comme des Français de seconde zone ".

Groupe de l'UNAF
Le groupe de l'UNAF remercie très sincèrement le rapporteur, notre collègue Yves Zehr, pour la diligence et l'écoute dont il a fait preuve sur un sujet chargé d'histoire et de souffrances pour les deux rives de la Méditerranée, celui des Politiques financières conduites en faveur des Français rapatriés. Ce travail, effectué au sein du Conseil économique et social, démontre, s'il en est besoin, que certains débats peuvent avoir lieu à condition d'être menés en dehors d'un climat passionnel bien compréhensible, et d'être conduits dans un esprit de compromis et de recherche de consensus.
Les trente-cinq milliards d'euros déboursés en quarante-cinq ans par l'État français en faveur du million de rapatriés, notamment d'Algérie, représentent bien entendu un effort non négligeable de la nation. L'examen attentif des difficultés relatives en matière de droits à la retraite, de prêts de réinstallation et de consolidation, et d'indemnisation pour solde de tout compte, fait apparaître la possibilité d'un règlement rapide de ces dossiers, avec, pour certains, l'utilité d'une négociation avec l'État algérien.
La situation des harkis est sans doute plus délicate. Ils ont été durement marqués pendant et après le conflit et leur indemnisation a été plus tardive. Leurs conditions de vie dans des camps ont été trop longtemps insupportables. Leurs descendants ont sans doute encore plus de difficultés que d'autres jeunes à s'insérer dans notre société. Ils revendiquent aussi le droit de pouvoir circuler librement avec visas dans leur pays d'origine.
Le groupe de l'UNAF approuve sans réserve cette demande légitime car elle correspond à un nécessaire lien avec l'histoire de chacun et de sa famille ; elle illustre aussi l'indispensable travail de mémoire collectif et privé. Pouvoir s'incliner sur des lieux symboliques ou personnels, accorder une reconnaissance morale aux victimes des affrontements, demander la restitution des archives et, plus simplement, retrouver pour un temps les lieux de vie de sa jeunesse, constituent la manifestation de droits légitimes dans des États respectueux des personnes.
Le groupe de l'UNAF soutient que la Déclaration universelle des droits de l'Homme constitue le socle de droits fondamentaux pour ces populations marquées par les souffrances d'une période délicate vécue dans ces deux pays.
Tout ce qui pourra y contribuer sera le bienvenu.
Il s'est exprimé en faveur de l'avis

ANNEXE À L’AVIS
SCRUTIN

Scrutin sur l’ensemble du projet d’avis
Nombre de votants...............................197
Ont voté pour.......................................160
Se sont abstenus.....................................37
Le Conseil économique et social a adopté.
Ont voté pour : 160

Groupe de l’agriculture - MM. Aussat, Bailhache, Barrau, Baucherel, Bayard, de Benoist, Boisson, Canon, Cazaubon, Chifflet, Mme Cornier, MM Ducroquet, Giroud, Gremillet, Guyau, Mme Lambert, MM. Lemétayer, Lucas, Marteau, Meurs, Pelhate, Pinta, Rougier, Sander, Thévenot, Vasseur.

Groupe de l’artisanat - MM. Dréano, Griset, Lardin, Liébus, Martin, Pérez, Perrin.

Groupe des associations - Mme Arnoult-Brill, MM. Da Costa, Leclercq, Pascal, Roirant.

Groupe de la CFE-CGC - Mme Dumont, MM. Garnier, Labrune, Saubert, Van Craeynest, Mme Viguier, M. Walter.

Groupe de la CFTC - MM. Coquillion, Fazilleau, Louis, Mme Simon, MM. Vivier, Voisin.

Groupe de la CGT-FO - MM. Bilquez, Bouchet, Mme Boutaric, MM. Daudigny, Devy, Mazuir, Noguès, Mmes Peikert, Perray, Pungier, MM. Rathonie, Reynaud, Veyrier, Mme Videlaine.

Groupe de la coopération - Mme Attar, MM. Budin, Fritsch, Gautier, Grallet, Prugue, Ségouin, Thibous, Verdier, Zehr.

Groupe des entreprises privées - Mme Bel, MM. Bernardin, Buisson, Mme Clément, MM. Creyssel, Daguin, Didier, Mme Felzines, MM. Gardin, Gautier- Sauvagnac, Ghigonis, Gorse, Jamet, Kessler, Lebrun, Lemor, Marcon, Mariotti, Mongereau, Pellat-Finet, Placet, Roubaud, Salto, Schilansky, Simon, Tardy, Veysset, Mme Vilain.

Groupe des entreprises publiques - MM. Ailleret, Bailly, Blanchard-Dignac, Brunel, Chertier, Duport, Mme Duthilleul, M. Gadonneix, Mme Idrac.

Groupe des Français établis hors de France, de l’épargne et du logement - Mme Bourven, MM. Cariot, Clave, Feltz.

Se sont abstenus : 37

Groupe de l’agriculture - MM. Boisgontier, Cartier, Lépine.

Groupe de la CFDT - Mmes Azéma, Boutrand, Collinet, MM. Heyman, Jamme, Mme Lasnier, MM. Le Clézio, Legrain, Mme Pichenot, M. Quintreau, Mme Rived, M. Toulisse, Mme Tsao, MM. Vandeweeghe, Vérollet.

Groupe de la CGT - Mmes Bressol, Chay, Crosemarie, MM. Dellacherie, Delmas, Durand, Mmes Geng, Hacquemand, Kotlicki, MM. Larose, Mansouri- Guilani, Michel, Muller, Prada, Rozet, Mme Vagner.

Groupe des personnalités qualifiées - MM. Obadia, Slama, Steg.

Conseil Economique et Social"



Mis en ligne le 08 mai 2011
Introduction  -   Périodes-raisons  -   Qui étaient-ils?  -   Les composantes  - L'attente  -   Le départ  -  L'accueil  -  Et après ? - Les accords d'Evian - L'indemnisation - Girouettes  -  Motif ?  -  En savoir plus  -  Lu dans la presse  -   -