Transportation des Insurgés de Juin 1848 (Décret du 19 septembre1848)
REPUBLIQUE FRANCAISE LE MINISTRE DE LA GUERRE, Article Premier. Les colonies agricoles ont pour but la mise en valeur, sous la direction et l'appui du Gouvernement et de l'Administration, des terres qui seront concédées gratuitement par l'Etat en Algérie, aux familles appelées à jouir du bénéfice du décret de l'Assemblée nationale du 19 septembre 1848;
Elles seront composées de citoyens français, chefs de famille ou célibataires, divisés en deux catégories, savoir :
Article 2 : L'admission des citoyens dans les colonies, soit comme cultivateurs, soit comme ouvriers d'art, sera prononcée par le Ministre de la Guerre, sur la proposition de la Commission spéciale instituée par le chef du Pouvoir exécutif, en exécution de l'article 9 du décret de l'Assemblée nationale. Article 3 : Les citoyens qui désireront être admis dans l'une ou l'autre catégorie, devront justifier, par la production de pièces authentiques, de leur nationalité, de leur âge, de leur profession, de leur moralité et de leur aptitude physique, et fournir les mêmes renseignements sur les divers membres de leur famille qu'ils auront l'intention d'emmener avec eux. Les certificats d'aptitude physique pourront être délivrés, et dans tous les cas seront visés par les médecins attachés à la Commission.
Nul chef de famille ou célibataire ne sera admissible au delà de 60 ans. Article 4 : Lorsque le cadre d'un détachement sera rempli, l'état nominatif de tous les citoyens qui en feront partie comme cultivateurs ou comme ouvriers d'art, sera transmis par la Commission au Ministre de la Guerre. Aussitôt que le Ministre aura statué, la Commission fera dresser des états de filiation de tous les membres de ce détachement, pour régulariser le service des départs et des embarquements, et elle fera délivrer à chaque famille un livret constatant le signalement et l'état civil des membres de la famille. Article 5 : Les colons seront transportés aux frais de l'Etat, eux et leurs effets mobiliers, depuis le lieu de leur résidence jusqu'à celui de leur destination. Article 6 : Un membre délégué par la Commission assistera au départ de chaque convoi, qui comprendra, autant que possible, les colons à grouper dans la même commune. Article 7 : Immédiatement après leur arrivée en Algérie, les colons cultivateurs ou ouvriers d'art seront provisoirement installés sous la tente, ou dans des baraques préparées pour les recevoir, et mis en mesure de commencer leurs travaux. Article 8 : Les colons cultivateurs, mariés ou célibataires, recevront gratuitement : Article 9 : Pendant la morte-saison, les colons cultivateurs seront employés aux travaux d'utilité publique, et recevront un salaire dans les conditions fixées par l'article 10 ci-après. Article 10 : Les colons ouvriers d'art seront immédiatement employés à l'installation définitive des cultivateurs et à l'établissement des centres, constructions d'habitations, enceintes, routes et autres travaux publics. Article 11 : Les colons qui, après avoir été classés dans la catégorie des ouvriers d'art, voudraient se fixer comme concessionnaires dans un des centres des colonies agricoles, en obtiendront l'autorisation, jusqu'à concurrence du nombre nécessaire à chaque industrie et des terres encore disponibles dans la localité. Article 12 : Les prestations de toute nature délivrées, soit aux colons cultivateurs, soit aux ouvriers d'art, seront successivement inscrites, par les soins du fonctionnaire civil ou militaire chargé de l'administration de la colonie, sur les livrets mentionnés dans l'article 4 ci-dessus. Article 13 : Les colons concessionnaires recevront, au moment de leur mise en possession, un titre provisoire, signé par le fonctionnaire civil ou militaire chargé de l'administration de la colonie, et indiquant les numéros correspondant au plan général du territoire, ainsi que la contenance des lots concédés. Article 14 : En cas de décès d'un concessionnaire, chef de famille ou célibataire, le titre provisoire qui lui aura été délivré, conformément à l'article précédent, sera transmissible à ses héritiers, conformément au droit commun, sous la réserve de l'accomplissement des obligations de culture. Article 15 : Sauf les exceptions mentionnées dans l'article 14, le titre provisoire de concession ne pourra, sous peine de nullité, être l'objet d'aucune substitution, aliénation ou hypothèque. Article 16 : A l'expiration d'un délai de trois ans, à partir du jour de la mise en possession du concessionnaire, il sera procédé, par les soins d'un géomètre et d'un inspecteur de colonisation, à la vérification de l'état de culture des terres concédées.
Le résultat de cette vérification sera constaté par un procès-verbal, dont la communication sera faite au concessionnaire, qui aura le droit d'y faire consigner ses dires et observations. Article 17 : Si les colons ont mis en valeur la totalité des terres arables comprises dans leur concession, ou si n'en ayant mis en valeur qu'une partie, ils justifient régulièrement d'empêchement de force majeure, tels que maladies graves, décès du chef de la famille ou de quelques-uns de ses membres, le Ministre autorisera la conversion des titres provisoires en titres définitifs, et des lots qui leur auront été affectés. Article 18 : Les titres définitifs de propriété, indiquant la date de l'approbation ministérielle, seront délivrés et signés par les généraux commandant les provinces, ou par le chef de l'administration civile de la province, suivant le territoire. Article 19 : Pendant un délai de trois ans, à partir de la date de leur titre définitif de propriété, les concessionnaires ne pourront aliéner les immeubles compris dans leur concession qu'à la condition de rembourser préalablement à l'Etat le montant des dépenses effectuées pour leur installation, et dont le chiffre sera indiqué dans le titre lui-même. Article 20 : Tant que les titres de concessions définitives n'auront pas été délivrés, l'administration pourra disposer, sans indemnité, sauf le cas de récolte pendante, des parcelles de terrain dont elle aurait besoin pour la construction des routes, rues, fontaines, canaux ou autres travaux d'utilité publique, à effectuer sur le territoire des colonies. Article 21 : Préalablement à l'installation de chaque colonie, l'administration réservera, dans l'intérieur des villages, les emplacements nécessaires pour les besoins actuels et futurs des divers services publics, et, à l'extérieur, un cinquième du territoire pour la commune, et un dixième pour l'Etat. Article 22 : Les colonies jouiront, en ce qui concerne les besoins du culte, de l'instruction et de la santé publique, de la protection et de tous les avantages accordés aux autres centres de population établis en Algérie. Paris, le 27 septembre 1848. Signé : De La MORICIERE http://emigrationalgerie.centerblog.net/5772532-Decret-du-19091848 |