Jean Collaine séjourne depuis 15 ans à La Machine, Nièvre (ville minière située dans la forêt domaniale des Minimes) lorsqu’il est arrêté en 10/1851 comme Démocrate rouge et expulsé vers l’Algérie, sa famille déplacée dans la Loire et ses biens confisqués.

La foret Domaniale des Minimes s’étend entre Decize et La Machine. Dans cette forêt se trouve le Couvent de Minimes, racheté en 1629 par l’Ordre des Minimes et reconstruit sur l’ancien Prieuré.

Les Houillères de la Forêt des Minimes exploitées en 1690 appartenaient aux Ducs de Nevers et à l’ordre des Minimes. La Machine et Decize furent des lieux d’extraction de ces mines. Au 19ème siècle, autour de ces villes minières, vont se construire des cités minières pour héberger les ouvriers et les cadres des mines (environ 900 logements répartis sur 3 cités) .

Jean Collaine arrive donc seul dans la Nièvre (soit après 1825 ou 1836) et va résider 15 ans dans cette ville. Il est déjà Maître Maçon et Tailleur de Pierre et a certainement participé aux constructions des cités minières de La Machine. Il fait la connaissance de sa femme Anne Joly vers 1836.

A-t-il quitté le séminaire depuis longtemps ou bien au moment où il rencontre sa future femme à qui il fait 2 enfants avant de se marier. Barthélemy (né en 1837) et Jeanne (née en 1839) seront reconnus lors du mariage de leurs parents en 1841. 2 autres fils naissent : Claude (en 1842) et Louis (en 1844).

Etait-il Compagnon ? : Le fait qu’il soit Maître Maçon pourrait indiquer un grade dans le Compagnonnage (exécution d’une œuvre), sa signature particulière (inscrite dans un cercle et se termine par une croix elle-même encerclée) pourrait être la marque d’un compagnon et un rappel de son passé de séminariste.

Activités politiques de Jean Collaine vers 1848-1852

La Nièvre est un département " rouge " où les républicains se sont organisés en sociétés secrètes (réunions d'association interdites) comme dans toute la France, pour défendre la jeune république de 1848.

Jean Collaine doit faire de la politique à cette époque ou être en rapport avec ces groupes politiques qui s'organisent pour les futures élections de 1852.

Les documents de police relatant son arrestation en 12/1851 indiquent : " est souvent dans les cabarets " (pour des réunions politiques) et dans une lettre de demande de grâce rédigée en 5/1852 il dit : " avoir refusé de voter en 48 pour Cavaignac, et avoir distribué des bulletins pour Louis Napoléon Bonaparte " sans doute parce que Cavaignac venait de faire tirer sur les manifestants à Paris. Mais l'élection de LNB en 1848 sera immédiatement suivi de mesures de restrictions du suffrage universel (obligation d'être domicilié 3 ans, ce qui excluait les itinérants soit environ 3 millions d'ouvriers..) et sera certainement la cause de son engagement avec les républicains.

Arrestation à 51 ans

Jean Collaine est arrêté le 28/10/1851 en tant que chef de Société Secrète en prévision du coup d'état de Louis Napoléon Bonaparte de 12/1851. Il est conduit à la prison de Nevers le 29/10/1851 (selon le registre d'écrou de la prison). [1].

Son habillement est indiqué lors de son entrée en prison : 1 casquette de drap bleu, 1 blouson de coton rayé, 1 veste de coton bleu, 1 gilet de coton à rayures blanches et noires, un pantalon de coton à rayures noires, 1 chemise de coton blanc et des souliers.

Ainsi que son aspect physique : bouche grande, cheveux grisonnants, menton pointu, sourcils châtains, visage large, front couvert, teint coloré, yeux gris.

Le registre de la Commission Mixte de Nevers fait mention de : " ...les preuves abondent contre ceux qui ont organisé la société secrète de La Machine principalement contre Bardet et Colenne ". [2]

Pendant ce temps, sa femme et ses enfants sont déplacés à Firminy et leurs biens confisqués. Au moment du coup d’Etat du 2/12/1851, il passe (à nouveau ?) devant la Commission Mixte de la Nièvre statuant sur les insurgés de 12/1851 et sur les "renégats" appartenant à une société secrète et est condamné à l’Algérie Plus c.a.d. à être transporté en Algérie dans un camp pénitencier.

Pourtant Pierre Volut dans son livre " Decize et son canton au 19e " indique que Jean Colenne était " condamné à être transporté à Cayenne " [3]. Il a sans doute bénéficié d'une mesure de clémence.

Convoi vers Brest puis vers l'Algérie

Après avoir été détenu 4 mois 1/2 à Nevers, il quitte la prison de Nevers le 11/3/1852 pour être conduit au Fort d'Ivry. De là, il est transporté vers Le Havre puis sur le bateau-prison le Duguesclin en rade de Brest. C'est sur le bateau-prison qu'il rédige sa 1ère demande de grâce le 10/5/1852 où il sera détenu environ 2 mois.

De là il a peut-être été transféré le 22/5/1852 du Duguesclin vers le bateau le " Mogador " pour être convoyé vers l'Algérie et arriver le 28/5/1852 (selon l'histoire racontée par un autre déporté dans " Les Bagnes d'Afrique "). [4].

A Alger, il a du, comme de nombreux transportés, être détenu à La Maison Carrée ou au Lazaret.

Détention au Camp de Douéra

Là il participe, comme les 6000 autres " transportés " aux travaux de construction des camps agricoles. Ces " proscrits " seront les " bras " des nouveaux colons arrivés en Algérie vers 1830. Puis il est convoyé vers le Camp de Douéra (2ème demande de grâce en 8/1852 rédigée dans le camp).

Détention à Boufarik

Puis il est transféré à Boufarik vers 4/1853.

Un passeport lui est délivré le 16/8/1854 par le Maire de Boufarik pour retourner à La Machine, plus d'un an après sa grâce !!!. [5]

Au sujet de ce passeport

En comparant la description physique de Jean Collaine à celle de son entrée en prison en 1851 on se rend compte que 3 ans de bagne l'on vieillit : le visage large est devenu anguleux, les sourcils châtains se sont éclaircis (gris ?) et la barbe est grisonnante.

Il est également indiqué " délivré sur la demande et l'insistance du Sieur Fonteix Antoine Maitre-maçon à Boufarik ".

Or, après recherches dans les registres d'état civil de Boufarik [6] il apparait d'une part que ce Fonteix est originaire de Rougnat (village de la grand-mère paternelle de Jean Collaine) et d'autre part, que Jean Collaine a été témoin de la naissance d'un fils d'Antoine Fonteix en 3/1854.

A Boufarik, Jean Collaine travaillait donc pour Antoine Fonteix, certainement en attente de son autorisation de retour en France.

Retour de Jean Collaine dans la Nièvre (1854-1856)

Le retour sous surveillance à La Machine entre 1854-1856

Il reste à La Machine jusqu’en 4/1856 (sans sa famille, à moins qu’Anne Joly et ses enfants ne le rejoignent ?) . A cette date, il demande l’autorisation au Préfet de la Nièvre et de la Loire de partir rejoindre son fils (Barthélemy ?) qui travaille sur le chemin de fer au Nord de la Loire à St Martin d’Estreaux. Cette demande est refusée et Jean Collaine "disparaît" sans laisser d’adresse (selon son dossier de police).

La promesse « de ne plus s’occuper de politique » est uniquement faite dans le but d’obtenir sa grâce, car il est resté en relation avec les « proscrits de 1851 » : Son fils Claude se marie à St Jeannet (06) avec la fille d’un conseiller municipal (conseil municipal où apparaissent d’anciens déportés de 1851)

Le départ pour la Loire

[1] Registre d'écrou détenu par les Archives du Cher Cote 2Y177.
[2] Document détenu par les AD du Cher, communiqué par généalogiste de Decize, fondateur du forum/Yahoo Transportés 1851.
[3] Pierre Volut " Decize et son canton au 19e " page 135 communiqué par un généalogiste de Decize, fondateur du forum/Yahoo Transportés 1851.
[4] Itinéraire de Gaspard Rouffet - "Les Bagnes d'Afrique - 3 transportés en Algérie après le coups d'état de 1851".
[5] Passeport transmis par Françoise Moreau (fille d'Irène Veyrier).
[6] Registres d'état civil d'Algérie en ligne sur le site du CAOM - Centre d'Archives d'Outre Mer.

Il rejoint certainement sa famille, car on le retrouve en 1857 au moment du recrutement miliaire de son fils Barthélemy à Firminy.

http://levy.veyrier.daniele.free.fr/spip.php?article8

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du dossier " Les transportés de 1848 "


Mis en ligne le 29 novembre 2012

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