Harkis : l'abomination gaulliste

" Avril 62, Daniel, un soldat Français fait son service dans la Marne. Il se voit confier la mission de ramener en Algérie des harkis réfugiés en France depuis plusieurs mois. "

Témoignage :
         « Nous les avons descendus jusqu’au port de Marseille dans les fameux camions FIAT et lorsqu’on est arrivé, on a vu arriver d’autres camions qui venaient de plusieurs villes de France dont Tours, Orléans et Clermont-Ferrand et qui transportaient, aussi, des harkis à renvoyer en Algérie. On s’est retrouvé avec 400 ou 500 harkis. On a eu beaucoup de mal à les canaliser pour les faire monter dans le bateau, le soir même sur « Le ville d’Alger ». C’est sûr que là, il y en a qui reculaient… Il y a eu des regards qui étaient terribles…

On a passé avec difficulté la nuit de la traversée parce qu’ils ne voulaient pas rentrer. C’était une décision militaire et politique à laquelle, nous, nous étions obligés d’obtempérer. D’ailleurs, on nous a imposé un comptage régulier de l’effectif la nuit, pendant le voyage en mer. On n’avait jamais le même nombre. On ne savait pas forcément où ils étaient.

La traversée de nuit a été angoissante parce qu’il y avait là plusieurs centaines de types couchés, debout, accroupis dans des conditions pas toujours très propres et nous avions une trouille terrible car nous étions seulement une dizaine d’hommes de troupe et trois sous-officiers pour tout ce monde. S’ils s’étaient rebellés, je l’aurais compris.

On sentait chez ses hommes une certaine rancœur. Ils étaient prêts à se révolter. Avec un copain sous-officier, on a vraiment eu la trouille et ça nous prenait aux tripes. Les harkis nous disaient mais pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ils nous renvoient ?          Et le problème est que nous avions les PM (des pistolets mitrailleurs) armés. Nous les avions parce que c’était un ordre. S’il avait fallu tirer… J’avais 20 ans et je ne sais pas ce que j’aurais fait… Je n’aurai sûrement pas tiré… mais avec la peur ?...

On ne sait jamais quelle attitude adopter dans ce genre de situation surtout à 20 ans… On a eu la trouille parce qu’on a senti une espèce de haine… On était devant un fait…

Ce qui a été terrible, c’est lorsqu’on les comptait dans la nuit et que l’on ne retrouvait pas un que l’on avait repéré, on nous disait« Il n’est plus là… ». On demandait « Mais il est où ? ». On nous répondait : « Il a sauté du bateau ». Je répliquais « Ce n’est pas possible ! ».
On avait du mal à croire qu’ils s’étaient suicidés. Lorsqu’on était au trois quart du voyage, on s’était rendu compte, qu’il en manquait vraiment…

On ne pouvait pas dire le nombre exact parce que c’était une ruche… Ça bougeait de partout dans la cale… On était ébahi, étonné que plusieurs aient sauté dans l’eau… C’était très triste…

J’ai voulu raconter cette expérience. C’était une injustice, même à l’époque… Et pourtant on ne parlait pas de politique à 20 ans… Mais cette injustice… Que de Gaulle prenne la décision de renvoyer des harkis, des gars qui normalement nous ont aidés certainement du mieux qu’ils pouvaient et de leur avoir promis de les loger, de les accueillir puis les renvoyer six mois après… Moi, j’ai trouvé ça, là maintenant, parce qu’à l’époque je ne savais pas… pour être clair… J’ai trouvé ça dégueulasse… C’est pas normal, … C’est tout !

Nous sommes arrivés à Alger dans la matinée et ils ont été débarqués purement et simplement. Et là, vogue la galère, on ne sait pas trop ce qu’ils sont devenus. On n’a jamais eu de nouvelles particulières. »

Le témoignage complet de Daniel est à retrouver dans le numéro 666 de la revue « Les Temps Modernes » de décembre 2011. "
Ce qu'ils sont devenus. Lettre de Voltaire.

https://www.seybouse.info/seybouse/infos_diverses/mise_a_jour/maj260.html

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Mis en ligne le 12 juin 2025

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