Les exilés français en Espagne depuis la Seconde Guerre mondiale : des vaincus de la Libération aux combattants d'Algérie française 1944-1970

L'exil français en Espagne de 1944 à 1970 concerne deux populations différentes par leur nombre, la durée moyenne des séjours et leur évolution : il s'agit de condamnés de la Libération et de Français liés à l'Algérie par l'appartenance ou par l'engagement. Dans le premier cas, les retours l'emportent très largement après quelques années, seules quelques personnalités isolées - les plus compromises - s'installant de manière plus ou moins définitive : les réfugiés d'Algérie forment pour leur part une communauté qui, diminuée elle aussi par les rapatriements, est surtout intégrée à la colonie française expatriée à la fin des années 1960.

" L'exil est une bien triste chose. Nous voyons défiler... tout ce que Madrid et l'Espagne comptent encore de victimes de l'épuration anciens pétainistes ou anciens collaborateurs. Ils demeurent totalement enfermés dans leur passé, rabâchant leurs souvenirs... Les réalités françaises leur sont devenues absolument étrangères... Puisse notre destin ne pas, un jour, rejoindre le leur. " Ces lignes, extraites du témoignage de Jean Ferrandi sur ses 600 jours avec Salan et l'OAS, évoquent la rencontre en janvier 1961 des deux groupes d'exilés français en Espagne depuis la Seconde Guerre mondiale, les condamnés de la Libération et les combattants de l'Algérie française. Rencontre liée à la curiosité suscitée chez les premiers par leurs compatriotes ou, peut-être, à la quête d'informations contre les subsides clandestins que leur distribue l'ambassade (1). Rencontre occasionnelle, en tout état de cause, qui ne permet pas une approche autre que juxtaposée de ces deux milieux.

1. J.Ferrandi " 600 jours avec Salan et L'OAS ". Paris, Fayard 1969-p 99.
Différents par le nombre des exilés concernés et la durée moyenne de leur séjour péninsulaire, ils connaissent également une évolution divergente : dans le premier cas, les retours l'emportent très largement après quelques années, seules quelques personnalités isolées - les plus compromises -s'installant de manière plus ou moins définitive ; les réfugiés d'Algérie forment pour leur part une communauté qui, diminuée elle aussi par les rapatriements, est surtout intégrée à la colonie française expatriée à la fin de la décennie. Cette brève étude adopte par conséquent des angles très différents pour chacun. La consultation d'archives ministérielles et l'extrême rareté des échos personnels sur la période de l'exil (2) conduit à faire primer l'examen de la situation des partisans de l'État français, dont une typologie est néanmoins esquissée.
2. G.Scapini conclut " mission sans gloire ", Paris, Morgan, 1960, par ces lignes p. 315 " Les suites de cette aventure (après mai 1945) ne concernent que moi ; elles me sont personnelles. Elles étaient inévitables dans le climat politique de la Libération ; mais ceci est une autre histoire ".

Une analyse socio-culturelle de la population conduite dans la péninsule par la guerre d'Algérie peut au contraire être tentée à partir des fonds du Quai d'Orsay, des ouvrages historiques et des témoignages, avec le souci de ne pas accorder une place excessive à l'histoire de l'Organisation armée secrète (OAS) compte tenu de la place qu'y joue l'Espagne. Force est toutefois de constater que la nature de la documentation utilisée dans le cadre de cet article - première approche d'un objet de recherche en tant que tel - ne permet qu'imparfaitement d'apercevoir la masse des exilés derrière l'écran des militants de l'Algérie française.
À partir de l'été 1944, ceux que François Piétri appelle " les réfugiés de la libération " (3) trouvent asile en Espagne ; ce mouvement se poursuit en 1945. Il s'agit de personnalités ayant occupé des fonctions diplomatiques - dont, outre l'ambassadeur lui-même, le consul à Barcelone Pierre Héricourt - , de ministres vichystes - Abel Bonnard et Maurice Gabolde notamment, internés avec Pierre Laval à la forteresse de Montjuich où ils sont restés pour leur part plus de huit mois (4) - , de hauts fonctionnaires - comme Jacques Guérard -de miliciens et de membres du PPF, de journalistes collaborationnistes, de profiteurs...

3. F. Piétri, Mes années d'Espagne 1940-1948, Paris, Pion, 1954, p. 275.
4. Le sort de P. Laval, détenu du 2 mai au 31 juillet 1945, date à laquelle il est renvoyé dans la zone américaine d'occupation de l'Autriche, sort à l'évidence du cadre de cet article.
Sur les deux à cinq mille personnes concernées, seules quelques centaines s'installent durablement dans l'exil la majorité a obtenu fin 1946 soit une amnistie permettant le retour en France soit une régularisation du séjour en Espagne, quelques-uns ont émigré en Amérique latine. Les chiffres fournis par l'ambassade en 1949 permettent de préciser cette évaluation : 13 471 Français résident alors dans la Péninsule, expatriés légalement dans leur énorme majorité ; seul un petit dixième n'est pas immatriculé dans les consulats, en particulier les exilés pour raisons politiques dont le nombre est estimé à 357 ; ces derniers se comptent en centaines dans les circonscriptions de Madrid - 200, soit près du dixième de la colonie recensée - et Saint-Sébastie n -100 -, en dizaine dans celles de Barcelone - 31 - et Bilbao - 20 - (5). La camarilla bien introduite auprès des responsables franquistes les plus radicaux (6) " n'est pas un observatoire pertinent pour toute la population qui a cherché refuge en Espagne.
5. Archives du ministère des Affaires étrangères (AMAE), série Europe 1 944-1 970, sous-série Espagne, d. 217, f. 13. Il convient d'ajouter quatre résidents clans la circonscription de Valence, un dans celles de Seville et Las Palmas.
6. Entretien avec François de Rose, alors conseiller d'ambassade, le 4 mars 1997.
La compréhension prônée d'emblée par la délégation française envers les moins compromis est du reste mue par la crainte que ne se constitue une "colonie de seconde zone " sous influence collaborationniste ; elle constate en effet que la précarité de leur situation matérielle conduit certains exilés à avoir recours au Secours national français, l'organisation d'entraide des réfugiés de Vichy dirigée par Pierre Héricourt et l'ancien attaché de presse, ralliée à l'" État français d'Allemagne " et sans doute financée par lui (7).
7. Le délégué J. Truelle s'exprime plusieurs fois à ce sujet durant l'automne 1944 ainsi que début 1945 (AMAE..., dossiers 1, f. 6 et 45, et 100, f. 9-11 et 36) ; c'est également le cas de son successeur B. Hardion le 8 novembre suivant (Dossier 101, f. 113-115).

Premier volet de cette typologie, assez bien cerné grâce aux archives des ministères des Affaires étrangères et de l'Éducation nationale, les professeurs nommés par Vichy puis destitués à la Libération. Face au mouvement de dissidence des établissements culturels français, encouragé par le service des Œuvres à partir du débarquement allié en Afrique du nord, en novembre 1942, et devenu formel en mars 1943, le ministre de l'Éducation nationale Abel Bonnard avait confié à son chef de cabinet la mission de relever de leurs fonctions les directeurs des deux Instituts et d'installer des professeurs " loyaux et collaborationnistes " (8) ; Jean Mouraille était parvenu à imposer un autre titulaire à Barcelone, mais pas dans la capitale où le nouveau personnel vichyste fut contraint d'accepter l'hospitalité de l'université franquiste.

8. AN, dossier F1 7 13359. Mission de J. Mouraille en Espagne du 30 avril au 15 mai 1943.
Lors de la liquidation des " Instituts fantômes de Vichy ", début septembre 1944, les pouvoirs publics se penchent sur la situation des enseignants qui ne se sont pas ralliés à Alger ils sont quatre à Madrid et sept à Barcelone (9) que le Quai d'Orsay remet à la disposition de leur administration d'origine.
9. CAC, archives du ministère de l'Éducation nationale (AMEN), dossier 770508 art. 4. Liste du 8 septembre 1944 comptabilisant les professeurs présents en Espagne au 1er septembre et dépendant les uns de Vichy, les autres du GPRF. Ces derniers sont dix-neuf à Madrid et cinq à Barcelone.
L'épuration menée dans ce cadre prononce la révocation de quatre d'entre eux pour indignité nationale et leur interdit d'enseigner (10) ; destitués, ils demeurent en Espagne de même que leurs collègues qui préfèrent attendre avant de solliciter leur réintégration.
10. Ibid. De la direction générale des Relations culturelles (DGRC) au service des Relations universitaires et culturelles avec l'étranger, le 11 décembre 1946
Ces derniers, suspendus mais non révoqués, par conséquent privés de traitement et réduits à la misère alors que leur " attitude de l'avis général n'a pas prêté à critique ", avaient attiré dès octobre 1944 l'attention du délégué Jacques Truelle, favorable à un prompt rapatriement (11).
11. AMAE..., dossier 100. De J. Truelle à la direction d'Europe (DE), le 25 octobre 1 944, f. 9-1 1
Finalement, la procédure de régularisation par la mise en position de non-activité, avec demi-traitement, à la date du 9 septembre 1944 et, le cas échéant, par une nouvelle affectation (12) - est accomplie par les uns et par les autres entre 1946 et 1951. Ils avaient pu subsister dans la Péninsule en collaborant à des recherches universitaires ou en effectuant des traductions.
12. CAC, AMEN, dossier 770508 art. 4. Procédure fixée par la note de la DGRC au ministre de l'Éducation nationale, le 24 février 1945.
Deuxième segment, la masse des fugitifs anonymes que les autorités franquistes ont refusé de prendre en charge et, hésitant longuement entre refoulement, internement en camp, mise en résidence surveillée, expulsion, ont incité au départ.
Dès le printemps 1944, Jacques Truelle craint qu'ils ne se fondent parmi les résistants en transit vers Alger et détenus au camp de Miranda de Ebro ; malgré l'interdiction de procéder à une épuration en territoire péninsulaire, il juge donc nécessaire d'y " établir des listes contenant déjà des indications sommaires " permettant un contrôle efficace à l'arrivée (13).
13. AN, dossier F9 3116. De J. Truelle à R. Massigli, le 1er mai 1944.

Début juillet, les services d'accueil sont rattachés au commissariat aux Prisonniers, déportés et réfugiés et placés sous l'autorité du délégué. C'est pourquoi la correspondance diplomatique permet de mesurer l'acuité conférée à cette question par la libération de l'hexagone ; la spécificité de cette source exclut cependant toute évaluation globale d'une population de réfugiés sans contact avec les consulats, le plus souvent acculée à la misère, et ne permet d'éclairer réellement qu'une de ses facettes, la centaine de personnes encore regroupées à Miranda en septembre 1945 après que les Français entrés en Espagne avant août 1944 eurent été rapatriés. Chargé de les secourir, Jacques Truelle incite en avril 1945 son administration à proposer aux ministères concernés un principe de discrimination : soit les intéressés font acte de soumission et sont rapatriés, au prix d'un examen approfondi de leur situation à la frontière et de mesures de rétorsion éventuelles, soit ils sont privés de toute protection nationale. Mais l'enquête effectuée à partir de l'automne 1945 conduit à distinguer, outre les rapatriables - 32 noms - et les réfractaires - 39 -, un troisième groupe de " réfugiés spéciaux " (14) - 24 -, désirant conserver leur nationalité française mais préférant attendre que les pouvoirs publics aient statué sur leur passé militant, leur activité dans la Milice ou leur engagement dans la Légion des volontaires français (15) ;

14. AMAE..., dossier 100. La formule est employée dans un rapport de la Croix Rouge, le 25 janvier 1946, f. 301-303.
15. Ibid. DeB. Hardion à la DE, le 18 janvier 1946, f. 255-257.
il s'accroît ensuite de ceux qui refusent au dernier moment de se joindre au convoi vers l'hexagone. Le rapatriement n'est finalement effectif que pour la minorité qui a traversé les Pyrénées " par esprit d'aventure " (16), pour raison familiale ou professionnelle, enfin par peur mal fondée de représailles...
16. AMAE..., dossier 101. De B. Hardion à la DE, le 12 avril 1946, f. 54-55.
L'état de dénuement induit par cette situation transitoire, l'amorce d'un regroupement de la colonie réfugiée et la crainte d'une contagion collaborationniste, enfin les pressions en faveur d'un engagement dans la Légion espagnole - suivies d'effet dans 21 cas à Miranda -, conduisent la délégation à suggérer des solutions, retenues par le Quai d'Orsay, applicables à l'ensemble des exilés.
Début 1946, Bernard Hardion préconise d'introduire une distinction en fonction de la gravité des accusations ainsi les jeunes - détournés vers la collaboration - ne seraient-ils pas traités comme les accusés aux antécédents chargés mais acceptés en France sous certaines conditions, par exemple un engagement clans la Légion étrangère (17).
17. Ibid., le 4 février 1946, f. 4-6.

En novembre suivant, le consul à Madrid Alfred Parent de Curzon se prononce également en faveur d'une relative mansuétude, adaptée aux deux catégories qu'il isole : pour la majorité, le " troupeau... de parfaits " Français moyens "... ne désirant qu'une chose, la paix, le retour chez eux, la reprise de leur petite vie sans bruit, sans éclat ", l'amnistie ; pour les jeunes égarés qui refusent d'opter pour la Légion mais, par leur âge et leur énergie, sont " les plus intéressants... au point de vue français ", une amnistie locale fondée sur les précédents de 1848 et 1871, leur permettant de " se rendre utiles dans l'Union française " (18).

18. Ibid., le 4 novembre 1946, f. 116-119. Cette analyse est relayée le 8 par B. Hardion, f. 113-115.
La situation est effectivement clarifiée par l'amnistie des uns, l'immatriculation en Espagne d'autres qui peuvent ainsi s'insérer dans la collectivité expatriée, enfin l'établissement de papiers réguliers permettant aux derniers de s'établir ou d'émigrer outre-mer.
Il convient enfin d'évoquer les élites de l'État français qui bénéficient d'un asile durable et protégé. Certains demeurent à l'écart de la colonie collaborationniste pour devenir des membres honorablement connus de la communauté française. À en croire ses mémoires, François Piétri a joui pendant ses quatre ans d'exil de la considération de ses compatriotes et, en dépit de sa position difficile d'" ambassadeur désavoué, déchu,... d'une sorte de droit de cité " clans son pays de refuge ; l'hospitalité offerte en septembre 1944 par le comte de Mayalde, petit-fils du comte de Romanones, la fréquentation quotidienne d'anciens parlementaires comme lui au cercle de la Gran Pena enfin son élection en 1948 au nombre des membres étrangers de l'Académie royale d'histoire, reflètent son insertion sociale (19).
19. F. Piétri, Mes années d'Espagne..., op. cit., p. 256-260.
Les textes qu'il publie après son retour sont un plaidoyer pro domo au nom du " respect de l'État " et de la " discipline " qui doit à son sens en découler (20). La majorité - dont plusieurs ont fait le détour par Sigmaringen avant de gagner la péninsule - partage une culture politique caractérisée par l'apologie de Vichy et de la collaboration (21), qui n'est pas sans trouver un écho dans l'idéologie franquiste et un appui dans les milieux les plus germanophiles.
20. F. Piétri, Hors du forum, Paris, Editions de Paris, 1957. Allocution " Aux Français de Madrid " le 1er janvier 1944. 21. À l'image de l'ouvrage de J. Guerard, " Criminel de paix ", Paris, Nouvelles éditions latines, 1953, 159 p., écrit à Séville.
Il est probable qu'en raison de son engagement en faveur de l'Espagne nationale pendant la guerre civile, il fut le premier journaliste étranger à s'exprimer en ce sens sur les ondes de Radio-Séville le 4 septembre 1936 et l'un de ses ouvrages fut préfacé par le général Franco (22) -, Pierre Héricourt a bénéficié d'accointances particulières. De manière générale, la tolérance dont bénéficia " l'ambassade de Vichy " durant les mois qui séparèrent la libération française de la défaite nazie a reflété l'ambiguïté officielle (23).
22. P. Héricourt, Pourquoi Franco a vaincu, Paris, Editions Baudinière, 1939, 318 p.
23. AMAE..., dossier 100. Plusieurs documents font état des protestations françaises devant le refus des autorités franquistes à contraindre l'attaché de presse, qualifié de " vrai porte-parole de l'Allemagne au sein de l'ambassade de Vichy ", à retirer la plaque " ambassade de France " des locaux de ce service, à les évacuer, enfin à restituer le matériel détenu, f. 49 et 117-128.

L'assistance espagnole, nombreuse et prestigieuse, présente lors des cérémonies organisées début 1945 en mémoire de Jacques Doriot puis, six ans après, en hommage au maréchal Pétain par " des réfugiés français dont certains (sont) condamnés à mort " atteste une sympathie persistante et constitue un point de friction avec la République française. En 1951, des services funèbres sont demandés par Maurice Gabolde et Georges Scapini à Barcelone, le général Bridoux, Abel Bonnard et Pierre Héricourt à Madrid, Jacques Guérard et Christian du Jonchay à Seville ; le premier rassemble le gouverneur civil, le maire, le chef de la police et le responsable des jeunesses phalangistes ; celui de Séville est dit par monseigneur Segura. Il est célébré avec solennité clans la chapelle royale de la cathédrale alors que l'ambassade a obtenu que les autres cérémonies aient lieu dans une chapelle privée ou se limitent à une messe basse (24).

24. AMAE..., dossiers 155 et 217, f. 60-64. De B. de Chalvron à la sous-di rection d'Europe méridionale (SD EM), les 23 et 29 août 1951.
Dernière illustration de l'insertion espagnole de cet exil collaborationniste, le cas de ce journaliste condamné à mort par contumace sous deux chefs d'accusation et pas amnistié qui, dans les années 1960, dirige le service de documentation du Consejo superior de investigaciones scientíficas (CSIC) et bénéficie de la protection des autorités universitaires (25).
25. AMAE..., dossier 367, le 28 octobre 1966.
Cette même décennie est marquée par la présence en Espagne de Français liés à l'Algérie, par l'appartenance ou par l'engagement. Les deux premières vagues, antérieures à l'exode, concernent des acteurs essentiels clans l'histoire de l'OAS, créée à Madrid début 1961, mais dont les choix et les stratégies politiques - objets de diverses publications (26) - n'ont pas leur place dans cette brève étude.
26. Citons Duranton- Crabol, Le temps de l'OAS, Bruxelles, Complexe, 1995 R. Kauffer, OAS. Histoire d'une organisation secrète, Paris, Fayard, 1986 ; A. Déroulède, OAS. Etude d'une organisation clandestine, Hélette, Editions Jean Curutchet, 1997.

Leurs séjours ne sont bien souvent que temporaires, parfois suivis d'un exil plus durable à partir de 1962. L'année 1960 a vu l'arrivée de Joseph Ortiz en mai, du général Salan et de son aide de camp Jean Ferrandi en novembre, enfin des inculpés après la semaine des barricades - Pierre Lagaillarde, Marcel Ronda, Jean-Jacques Susini... - qui ont profité de la liberté provisoire pendant le procès. Le clan espagnol se constitue à partir du printemps 1961 avec, outre les hommes qui n'ont pas participé au putsch, le renfort de ceux qui - à l'instar des colonels Argoud et Lacheroy - préconisent après son échec une autre voie que la seule défense patriotique ; son " Appel aux Français " lancé en septembre fonde la mobilisation morale qu'il juge nécessaire face au " déclin de l'Occident " sur un " ordre nouveau " de nature corporatiste et autoritaire (27).

27. A. Déroulède, OAS..., op. cit., p. 85-87 et 278-279.
Un clivage idéologique, stratégique et structurel oppose donc les " madrilènes " à l'état-major de l'OAS mais ils sont placés en détention le 6 octobre, puis assignés à résidence le 26 ; la branche espagnole est paralysée. Les témoignages rendent compte de ce qu'a été jusqu'alors l'action clandestine de la " poignée " d'hommes déterminés qui en constituait le noyau (28), confrontés à l'" agitation " conspiratrice des uns, à la démotivation des autres ; ils évoquent également la présence de forces de protection espagnoles, trop " pressante " pour n'avoir pas été le signe d'une collaboration entre les deux pays (29). De fait, l'opération de police, dont il a été démontré qu'elle résultait de pressions françaises (30), met un terme à la politique d'attente du pouvoir franquiste et en révèle l'ambiguïté.
28. La formule est d'A. Argoud, " La décadence, l'imposture et la tragédie ", Paris, Fayard, 1974,13. 311. A. Déroulède, OAS..., op. cit., p. 140, les évalue entre 15 et 25.
29. Ainsi A. Argoud, La décadence., op. cit., etj. Ferrandi, 600 jours..., op. cit.
30. M. Otero, L'Algérie dans les relations franco-espagnolle 1954-1964, mémoire de DEA présenté à l'IEP en 1995.
Certes, ce dernier n'a pas exigé le respect des conditions posées à l'asile de facto - ni activité ou prise de position politiques, ni utilisation du territoire péninsulaire pour se rendre en Algérie - et a offert des protections particulières à certains, dont le général Salan. Mais il semble que les appuis fournis par des membres du parti unique et de l'armée, par des personnalités comme Ramón Serrano Suñer (31), aient été un moyen pour les décideurs espagnols de ne pas s'engager tout en disposant d'une monnaie d'échange ultérieure avec le gouvernement français.
31. J. Ferrandi, 600 jours..., op. cit., relate l'entretien accordé au général Salan par le beau-frère du Caudillo - tout en se demandant " de quelle autorité " il jouit encore -, p. 61-63, évoque les relations suivies entretenues par les deux hommes, p. 91-92 et 109, souligne enfin l'aide décisive qu'il apporte lors du départ clandestin d'avril 1961 vers Alger en s'appuyant sur son " réseau d'anciens fidèles, survivants de la guerre civile ", p127-132.
" On comprendra que sur de tels sables mouvants, l'action soit malaisée pour ceux, fugitifs ou retraités qui, mettant le pied sur le sol de l'Espagne, pensaient trouver un tremplin ", conclut l'ambassadeur Roland de Margerie (32).
32. AMAE..., dossier 241, les 15 novembre et 19 décembre 1960, f. 192-193 et 201-204.

Du reste, quel que soit le " romantisme franquiste " des activistes les plus politisés, fondé sur les origines du régime - comme l'atteste la référence de Pierre Lagaillarde à la mythologie des cadets de l'Alcazar -, le choix de l'Espagne comme terre d'asile venait moins d'une parenté idéologique que de l'accueil libéral offert par un pays voisin de la France et peu éloigné des côtes algériennes. N'est-ce pas aussi une proximité d'ambiance qu'évoque Joseph Ortiz en soulignant que, de sa villa de Palma de Majorque, " la vue rappelle celle qu'on a depuis le balcon Saint-Raphaël à El Biar " ? (33)

33. J. Ortiz, Mon combat pour l'Algérie française, Hélette, Editions Jean Curutchet, 1998, p. 248.
C'est durant le printemps et l'été 1962 que s'est produit l'exil massif pieds-noirs liés à l'Espagne par la nationalité ou l'origine, militants de l'Algérie française - les commandos Delta, la majorité des colonels... -, " les émigrés venaient en masse clans tous les ports du Levant espagnol, souvent démunis de ressources, utilisant toutes sortes d'embarcations. Parfois de simples chaloupes débarquaient leur contenu sur la côte, au hasard de la traversée ".
La façade orientale accueille la moitié des réfugiés, estimés par l'ambassade à 25 000 en 1964, Madrid 15 % et Saint-Sébastien 20, le millier restant se répartissant entre Bilbao, Séville et Palma de Majorque ; Alicante - pendant historique d'" Oran, origine plus qu'Alger de ces nouveaux venus " - en est le pôle les quelque 500 ressortissants français qui y vivaient fin 1961 voient arriver des centaines de réfugiés d'Algérie - compatriotes, mais aussi Espagnols et titulaires de la double nationalité nombreux dans la population oranaise - dès le début de l'année sui vante, des milliers à partir du printemps, jusqu'à atteindre 25 000 ; selon le consul, le nombre de Français - réduits par les départs en métropole - tourne autour de 9 000 en novembre 1962, parmi lesquels 3 000 à 5 000 au moins choisissent de s'installer (34).
34. AMAE..., dossier 367. Toutes les citations du paragraphe qui précède sont tirées d'un message du consul général à Valence à la DE, le 6 septembre 1965.
Les exilés forment un " milieu marqué par la politique " et divisé en factions rivales. Les chefs de l'OAS regroupent leurs troupes clans des centres d'entraînement installés en Catalogne, à Arénys de Mar et Reus, à Saint-Sébastien et à Alicante, sur le modèle des organisations d'exilés cubains ; pour les autorités françaises, le risque était grand que les arrivants, " inoccupés et souvent découragés ", ne soient embrigadés clans ces commandos par " quelques responsables irréductibles... avec l'intention de mener des actions subversives " dans l'hexagone. Aussi poursuivent-elles un double objectif isoler les éléments les plus dangereux et obtenir leur éloignement ; réintégrer la majorité dans la communauté nationale.
Le premier volet suppose la coopération du pouvoir franquiste qui accepte seulement en octobre 1962 de refouler les unités combattantes de Saint-Sébastien vers Alicante ; pour prendre des mesures d'expulsion, il exige des contreparties. C'est pourtant lui qui est à l'origine de l'ouverture décisive, le 18 janvier 1963, en direction d'une République gaullienne affermie par les consultations électorales de l'année précédente. Accompagné des directeurs techniques compétents, le ministre de l'Intérieur Roger Frey se rend en Espagne dès la fin du mois à l'invitation de son homologue Camilo Alonso Vega et obtient de lui une contribution active à " la répression des complots activistes " (35).
35. AMAE..., dossier 351, le 4 février 1963, f. 78-79. La formule est extraite du message espagnol daté du 18 janvier.
Cet accord est compensé par des concessions aux dépens des républicains réfugiés en France : des poursuites sont menées contre plusieurs dizaines de militants communistes et anarchistes, la Fédération ibérique des jeunesses libertaires est mise hors la loi...
Comme le note Roland de Margerie, cette " double action parallèle, dont il restera peu de traces clans les dossiers mais qui a donné lieu à de multiples et délicates démarches, a beaucoup fait pour diminuer le contentieux surtout psychologique qui subsistait entre Paris et Madrid " et a servi " la cause de l'amitié franco-espagnole " (36).
36. AMAE..., dossier 381. De R. de Margerie à la DE, le 29 mai 1962.
Jean Gardes est expulsé en mars 1963, Jean-Claude Pérez en mai 1964 ; plusieurs assignations sont demandées cette même année contre des meneurs " irréductibles " - entre autres le colonel Château-Jobert - que l'entreprise de régularisation en cours rend plus aisément repérables (37). L'opération Réconciliation constitue en effet le second volet de la stratégie officielle (38).
37. AMAE..., dossier 351. Note des RG sur le rapatriement des Français d'Algérie installés en Espagne pour la visite de M. Couve de Murville, le 21 mai 1964, f. 328-330.
38. Ce paragraphe est fondé sur la note des RG du 21 mai 1964 (AMAE..., dossier 351, f. 328-330; le rapport à la DE du consul général à Valence, le 6 septembre 1965 (Dossier 367i ; l'ouvrage de R. Kauffer, OAS..., op. cit., p. 329-338.

Elle s'appuie sur le climat d'insécurité créé par les autorités espagnoles - contrôles policiers, tracasseries administratives - et consiste en une campagne de persuasion en faveur de la réintégration dans la communauté nationale des Français d'Algérie compromis et exilés, c'est-à-dire sous le coup d'une procédure judiciaire. Sous l'autorité du sous-directeur des Renseignements généraux Henri Boucoiran, le commissaire principal Michel Baroin est chargé du cas espagnol. Il prend contact en juin 1963 avec Tassou Georgopoulos, ancien responsable du réseau OAS d'Oran et désormais patron d'une discothèque à Torremolinos ; celui-ci associe les réfugiés algérois en la personne de Camille Vignau, frère de l'ancien élu de Medea. Deux rencontres secrètes début juillet, à Madrid puis Paris, fixent les conditions - un désarmement intégral est exigé, les crimes de sang sont réservés - et les modalités de la régularisation : une notice est préparée sur chaque individu concerné qui rentre en France pour se mettre à la disposition de la justice, recevoir des papiers d'identité et percevoir les allocations réservées aux rapatriés. Le premier convoi est organisé en août 1963. Dix mois après, la procédure a fonctionné pour 65 personnes dont plusieurs sont restées dans l'hexagone ; la confiance qui s'est établie - du fait notamment de la légèreté des peines et de l'aide à la réinsertion - suscite un afflux de demandes et, parallèlement, la désagrégation des commandos : ils comptaient 200 hommes en juillet 1963, quelque 30 seulement en octobre suivant. Une fois leur dossier judiciaire classé, Tassou Georgopoulos et Camille Vignau ont entretenu cet effet d'entraînement. Rejoints par Michel de la Bigne et Robert Tabarot - un responsable oranais de l'OAS devenu une personnalité influente d'Alicante, patron de pizzeria -, ils ont en effet créé une amicale, Solidarité et union française celle-ci a une fonction d'intermédiaire en Espagne et poursuit en France un rôle d'entraide sociale et morale. Au printemps 1964, 45 Français condamnés par contumace demeurent en Espagne, dont 33 à plus de 10 ans de prison (39) ; plusieurs ont sans doute profité de l'opération ultérieurement puisqu'à son terme, en 1965, elle a concerné un total de 250 personnes dont plusieurs criminels de sang.

39. AMAE..., dossier 351. Note des RG du 21 mai 1964, f. 328-330. Sur ces trente-trois cas, sept sont condamnés à des peines comprises entre 10 et 20 ans, six à plus de 20 ans, trois à perpétuité et quatre à mort.
Dans la péninsule, elle s'est traduite par des immatriculations ; pour d'autres, jusqu'alors " dans l'impossibilité d'obtenir un emploi faute de pou voir produire des titres authentiques ", elle a permis la délivrance d'attestations destinées aux autorités franquistes ainsi que de passeports valables en Espagne et hors d'Europe (40).
40. AMAE..., dossier 367. Note pour le ministre, le 1er mai 1964.

Cette population en exil a donc manifesté dans sa majorité, au fil de la décennie, une volonté de réintégration dans la nation, si ce n'est en France même avec laquelle la guerre d'Algérie a créé une rupture affective, du moins en Espagne où sa situation s'est progressivement légalisée. À Alicante, elle s'est structurée en une véritable communauté création d'un tissu associatif, publication d'un journal Le courrier du soleil, rassemblement à l'église des Augustines où la messe est célébrée par un prêtre pied-noir d'expression espagnole. Le profil économique général est modeste, faute de capital et de ressources ; mais les facilités offertes - en terme de prêts notamment - par la province d'accueil qui espère que les arrivants stimuleront son développement leur permettent de s'installer le consul a répertorié en mai 1965 170 commerces, dont 62 bars-restaurants, une vingtaine de boulangeries et autant de garages... Cette détermination a son revers, l'endettement, et pour conséquence une difficulté à financer l'éducation française des enfants qui alimente " une inquiétude, une agitation sourde, l'impression de ne pas être traité comme des Français de France " (41).

41. Ibid. Du consul général à Valence à la DE, le 6 septembre 1965.
En effet, le " quartier général de cet exil silencieux " est la Nouvelle école française d'Alicante (42).
42. Les éléments contenus dans le paragraphe qui suit sont tirés des AMAE..., dossier 308. Une école française a existé à Alicante jusqu'à la guerre civile, d'où le recours au qualificatif de nouvelle.

Cet établissement privé entre dans la catégorie des petites écoles françaises à l'étranger, c'est-à-dire créées à l'initiative de parents ou d'associations en vue de distribuer un enseignement français ; en l'occurrence, il a répondu dans l'urgence à un état de fait, l'absence de structure scolaire susceptible d'accueillir les enfants de la " très nombreuse colonie... décidée à rester fidèle à sa culture ".
L'initiative revient dès la rentrée 1962 à Fernand Ferai qui héberge 32 élèves ; en 1965-1966 l'école en compte 300 - dont 208 boursiers - et 13 enseignants, et elle accueille à l'automne 1967 80 enfants de familles fuyant le Maghreb en raison de la guerre des Six jours. D'abord axée sur le primaire, avec seulement une amorce de secondaire, elle a étendu son programme jusqu'au baccalauréat.
Alors que le ministère de l'Éducation nationale se limite en général à verser aux institutions de ce type le montant des bourses et une contribution financière très réduite, il lui a au contraire accordé des subventions d'une " importance... exceptionnelle " qui traduisent " l'obligation morale et... l'intérêt de maintenir ces jeunes Français dans l'allégeance " nationale ; en contrepartie, elle est soumise à un " contrôle pédagogique " et budgétaire. Ce soutien libéral devait cesser quand l'école serait susceptible d'assumer un fonctionnement autonome, une étape retardée par la crise que traverse sa direction au milieu des années soixante sur fond de difficultés financières. La clarification n'intervient qu'en 1967-1968 quand sont éliminées les deux factions rivales - celle du fondateur et directeur, appuyé par des hommes d'affaires et des éléments plus politiques comme Pierre Lagaillarde, nommé responsable de l'économat fin 1966 ; celle des colonels en retraite chargés du comité de gestion institué en 1965 conformément aux vœux de l'inspection générale - , la prise en charge revenant conjointement à un entrepreneur, M. Pradel, et au docteur Costes, ancien élu de l'Union française. Les responsabilités assumées jusqu'alors par d'anciens activistes illustrent le rôle pivot auquel ils aspirent dans la communauté, sans qu'il soit possible en l'état d'éclairer les sentiments qu'ils y suscitent. L'École est au cœur de la culture de l'exil alicantin à bien des titres. Par son origine, où se rejoignent " un impérieux et soudain besoin de scolariser " et " des conditions... exceptionnelles ".
Par la sociabilité qu'elle permet, symbolisée par la fête franco-algérienne qu'elle organise annuellement. Par le réseau qui l'entoure, structuré dans l'association des Amis de la Nouvelle école française d'Alicante : créée en décembre 1966 à Paris, elle rassemble, outre les associations de rapatriés, des académiciens, des lauréats de prix littéraires, des élus, des directeurs de journaux dont L'Aurore et Le Parisien libéré qui lancent immédiatement un appel à la générosité publique. Par l'interrogation sur son avenir et sa clientèle, enfin, puisque la colonie alicantine est, comme toute population exilée, à la croisée des chemins entre l'intégration dans la société espagnole et le retour dans la communauté nationale. Certes, les autorités franquistes semblent désireuses de " faire entrer tôt ou tard au sein de la nation espagnole ces réfugiés dont le comportement est très apprécié ", et les relations de ces derniers avec la représentation française restent longtemps ténues. Pourtant, convaincu que " la mentalité des Pieds-noirs d'Alicante reflète un attachement très ancré à leur pays et à leur culture ", le consul Georges Ostroga conclut son rapport de septembre 1965 sur la faible probabilité d'une hispanisation massive (43).

43. AMAE..., dossier 367. Du consul à Valence à la DE, le 6 septembre1965.

De fait, dans la seconde moitié des années 1960, cette communauté apparaît partagée entre particularisme et intégration dans la colonie française expatriée qui font également obstacle au processus d'assimilation à la société d'accueil. Le premier est illustré par les cérémonies autour des statues de Notre-Dame d'Afrique et de Notre-Dame de Santa Cruz qui ont marqué le dimanche de Pâques 1968 (44).

44. Ibid. Récits du consul adjoint A. de Laluisant, le 17 avril 1968, et de l'ambassadeur R. de Boisséson, le 29 avril.
Organisée par l'Association des amis de Notre-Dame de Santa Cruz de Nîmes et, localement, par un comité présidé par le docteur Parés, ancien député et maire de La Sénia, elles ont rassemblé près de 3000 personnes dont plusieurs centaines de rapatriés venus de Nîmes et Perpignan ; en présence de représentants de la municipalité et sous le patronage du consul, ce premier rassemblement des Français d'Alicante depuis 1962 a témoigné d'une fidélité aux traditions oranaises et - par l'appel du prêtre à l'amnistie, par la messe en hommage aux morts d'Algérie - de la vitalité d'une mémoire. Dans le même temps, la normalisation progressive de la colonie a pour objectif dela conduire vers une complète allégeance : l'ambassadeur Robert de Boisséson lui rend une visite annuelle à partir de 1965 ; une chancellerie détachée est instituée en 1967 ; le contact est noué avec les personnalités de la communauté madrilène tandis que sont fondées des sections locales de l'Union des Français de l'étranger et d'associations d'anciens combattants ; enfin une paroisse française est créée en 1970.

Du point de vue officiel, la loi d'amnistie du 24 juillet 1968 a mis un terme à cet exil : non seulement, pour la minorité concernée, elle a été synonyme de régularisation collective et prélude à de nombreux retours, mais elle a plus largement rendu le terme d'exil caduc ; elle constitue l'aboutissement d'une politique qui a tendu à faire rentrer dans le giron national, par le rapatriement ou la légalisation de l'expatriation, une population en désarroi afin d'éviter toute dérive activiste. Ambassadeur et représentants consulaires ont été sur place les acteurs de cette réintégration, sans pour autant que disparaissent toujours sous leur plume les clichés sur le caractère " passionnel " et " émotif " de ces Méditerranéens (45).

45. On trouve à plusieurs reprises ces qualificatifs ou d'autres du même ordre sous la plume de l'ambassadeur. R de Boisséson (AMAE, dossiers 308 et 367).

Pour les réfugiés eux-mêmes, " Français non pratiquants " selon la formule par laquelle se définissent certains rapatriés en métropole (46), cette période a correspondu à la structuration d'une colonie installée dans une " Nouvelle Algérie en terre d'Espagne " (47) et, à ce titre, a été prolongée plus ou moins durablement (48).

46. Elle est tirée de J. Verdès-Leroux, Les Français d'Algérie de 1830 à aujourd'hui, Paris, Fayard, 2001.
47. AMAE..., dossier 367. Du consul général à Valence S. Roux, le 30 juillet 1968.
48. Plusieurs retours - A. Georgopoulos, M. Ronda, A. Tabarot - n'ont lieu qu'en 1969, certains - comme J.Giner dit Jésus de Bab-el-Oued, J.Kay - se fixent professionnellement dans la Péninsule. Il faut enfin mentionner la participation d'au moins deux anciens membres de l'OAS à la constitution des GAL anti-ETA Jean-Louis Chérid, exilé en Espagne de 1964 à 1967 puis au début des années soixante-dix, est ainsi mort en 1984 dans un attentat anti-terroriste.

Anne Dulphy
École polytechnique / CHEVS / IEP
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mat_0769-3206_2002_num_67_1_402399

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Mis en ligne le 03 août 2013

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