Indochine : les derniers jours de Diên-Biên-Phu. Mai 1954

Du 1er au 7 mai 1954 : les derniers combats à Diên-Biên-Phu.

1954 c'est l'année du début de la révolution algérienne. C'est aussi l'année d'une des plus grande bataille de notre histoire. Du 13 mars au 7 mai 1954, le camp retranché de Dien-Bien-Phu va se transformer en un théâtre dantesque, où va tomber la fine fleur de l'élite militaire française.

Les 10 813 hommes assiégés renforcés par 4 880 parachutés, vont vivre un enfer dans lequel ils multiplieront les actes de courage et de fraternité peu communs dans l'historique des conflits planétaires. Alors que tout était perdu, des hommes volontaires seront parachutés pour se battre à 1 contre 10 et mourir avec les leurs .

Les acteurs de cette tragédie, héros anonymes, doivent être honorés.
Le courage et l'abnégation dont ils ont fait preuve, méritent d'être rappelés.
L'accueil glacial que reçurent les survivants, fut indigne. Les Français ont renié ces engagés, et étrangers, partis à leur place pour que flotte le drapeau tricolore sur un territoire conquis à l'initiative de Napoléon III.

La bataille de Dien-Bien-Phu frappe de stupeur le monde entier, par sa durée, sa violence mais aussi, parce qu'elle montre le visage d'une France affaiblie et vaincue. Elle met un terme à la guerre d'Indochine qualifiée de " sale guerre ", entame le processus de décolonisation, avec à la clé, l'abandon des populations locales, ralliées et fidèles, livrées au pouvoir communiste, signant ainsi leur arrêt de mort.

Elle ouvrira la porte à d'autres conflits car dans l'esprit de ceux qui prôneront l'indépendance, ce qui a été possible au Vietnam le sera ailleurs.
La France affaiblie et déprécié depuis juin 1940, verra son prestige décliner encore, avec le désastre indochinois.

N'étant pas un spécialiste militaire, je me demande comment, des stratèges ou supposés tels, ont pu avoir cette idée saugrenue d'établir un camp retranché dans une cuvette. A cette absurdité, l'indécision et le silence des politiques ; les atermoiements, les rivalités et l'aveuglement des gradés en charge de l'opération seront les éléments qui conduiront au désastre. En France le quidam est indifférent. On alla même, dans certains milieux, jusqu'à saboter des armements destinés à nos soldats.

6 mois plus tard, c'est d'Algérie que se lèvera le vent de la toussaint. Les soldats rescapés d'Indochine se retrouveront face à une nouvelle rébellion. Mais cette fois, la victoire leur fut confisquée par un général de brigade à titre temporaire qui les avait enjoints de vaincre à tout prix.
La conclusion sera la même : abandon d'un territoire (français celui-là) et livraison des populations alliées aux nouveaux maîtres.

1er mai : Eliane 1 est tenue par une petite compagnie (environ 200h, ndlr) de parachutistes, la 3e du II/1er R.C.P., 80 hommes commandés par le lieutenant Leguerre. C’est peu face au régiment 165 qui se presse, au coude à coude en escalant les pentes.
Attaquée et perdue le 30 mars, reprise et reperdue le 31 mars, reconquise le 10 avril, la colline n’offre plus le moindre abri. Les tranchées sont de vagues fossés que les obus retournent sans trêve. Le sommet n’est plus qu’un tas de boue. Depuis vingt jours, relevées à chaque crépuscule, les deux dernières compagnies du II/1er R.C.P. tiennent le sommet. Sur la position, les patrouilles se sont étripées, chaque nuit. Les Viets y ont laissé l’effectif d’un régiment (environ 3000 h, ndlr) mais le II/1er R.C.P. a été décimé.

. A 20 heures 30, un régiment d'assaut attaque Eliane 1 et les parachutistes voient soudain débouler des centaines de silhouettes noires, avec des masques de gaze blanche devant leur visage. Après un quart d'heure de combat, la 3e compagnie du II/1er R.C.P. a cessé d'exister. Le lieutenant André Le guerre est grièvement blessé à la tête.
Pour soutenir les cinq survivants regroupés autour du sergent Lair, le commandant Jean Bréchignac envoie sa dernière compagnie commandée par le lieutenant Périou.

. A 21 heures 10, la compagnie Périou entre dans la fournaise. Toute la nuit, les parachutistes luttent pied à pied pour conserver la position. A l'aube Eliane 1 est tombée. Les hommes du II/1er R.C.P. ne sont pas vaincus. Ils sont morts. Des cent quatre-vingt parachutistes, il ne revient que dix-huit blessés. Le lieutenant Yves Périou est mort pour la France.

. A minuit, après avoir agité une multitude de petits drapeaux rouges, les Viets repartent à l'assaut. La division 312 et la division 316 sont sur les collines de l'est.
Les Viets sont aussi au pied d'Eliane 2. Ils attaquent entre rivière et collines, sur Dominique3.Ce dernier P.A. est lui aussi submergé. Pour le tenir, il n'y a plus que les Thaïs du commandant Chenel et la compagnie de tirailleurs algériens du capitaine Filaudeau. Le commandant Thomas, nouveau patron du 6e B.P.C. a envoyé sa 3e compagnie du lieutenant Perret. Pendant six heures, Thaïs, Algériens et parachutistes vont tenir, sans appui d'artillerie, sans espoir de relève. Ils s'accrochent, farouches, ne cédant pas un pouce de terrain face à deux régiments ennemis. Mais leur sacrifice héroïque est inutile ; le lieutenant Robert Perret lance un dernier assaut avec une demi-section de parachutistes, et deux groupes de combat composés d'Algériens barbus et de Thaïs en loques claires ; les munitions sont épuisées ; Dominique 3 ne se rend pas ; le point d'appui tombe comme un fruit mûr à 4 heures du matin.

La division 308 mène à l'ouest deux attaques de diversion. La première contre Lily , point d'appui hâtivement créé à la fin d'avril à la chute d'Huguette 1 pour protéger le flanc découvert du réduit central.
Lily est tenu par deux compagnies du I/4e R.T.M. aux ordres du commandant Nicolas. Les Marocains supportent le choc et les unités d'assaut commencent à refluer hors des barbelés. La seconde diversion se produit juste au-dessus sur Huguette 4, occupée par la plus grosse fraction du B.M.E.P. du commandant Guiraud. Les Viets prennent pied dans le réseau défensif. Une contre-attaque menée par Luciani et sa compagnie de marche les repousse.

La division 308 porte alors son action contre le petit point d'appui isolé au milieu de la piste, Huguette5, le PA devenu le plus sensible au nord-ouest.
Un moment les Viets pénètrent dans la partie sud-ouest de la position avant d'être repoussés par le capitaine Jean Luciani, lui aussi promu capitaine à titre exceptionnel, qui a repris le commandement de la 1ère et de la 4e avec de Stabenrath pour adjoint. Le commandant Maurice Guiraud contre-attaque une fois de plus avec le dernier char du capitaine Harvouët.
Encore un baroud d'honneur. Huguette 5 est conservée. La division 308 a échoué.
Mais les points d'appui d'est et ouest sont aux mains des Viets.

. Dans la nuit du 2 au 3 mai, le régiment 36 sur la face nord et le régiment 102 sur la face ouest repartent à l'assaut d'Huguette 5, avec en réserve le régiment 88. Le capitaine Luciani est blessé. Douze mille hommes sont massés pour écraser une trentaine de légionnaires commandés par le lieutenant de Stabenrath. Un officier, le sous-lieutenant Boisbouvier et deux sous-officiers Zurell et Novak commandent des sections de dix hommes

. A 3 heures du matin, l’artillerie Viet s’arrête ; c’est la fin ; le régiment 102 arrive enfin au centre du P.A. après une heure et demie de combats pour réduire la poignée de bérets verts.
Il n’y a aucun prisonnier.

. A 4 heures du matin, une cinquantaine de légionnaires du I/2e R.E.I. partent depuis Huguette 2 pour contre-attaquer. Ils sont cloués dans les barbelés extérieurs par l'artillerie ennemie.

Alain de Stabenrath touché se traîne pour échapper à la capture ; le caporal Grana, lui aussi blessé, le découvre dans les barbelés du P.A. tenu par Brandon et donne l'alerte.

. A l'aube, le commandant Guiraud voir surgir trois hommes hagards, couverts de boue et de sang : les sous-officiers Zurell et Novak et le caporal Grana, portant un quatrième, les jambes déchiquetées, le visage cireux, le lieutenant Alain de Stabenrath.
Sévèrement atteint, l'officier est brancardé jusqu'à l'antenne chirurgicale et opéré.
Huguette 5 est tombée

. Dans la nuit, une seule compagnie a été parachutée, la 2e du lieutenant Marcel Edme du 1er Bataillon de parachutistes coloniaux. Le colonel Pierre Langlais l'envoie aussitôt sur Eliane 2, tenue par les légionnaires du I/13e D.B.L.E. du commandant Coutant.

. Le 3 mai, le bataillon de marche étranger parachutiste ne compte plus que 360 hommes valides. La pluie est là. Les Viets occupent les hauts et la plupart ont relativement les pieds au sec. Les Français, dans les fonds, pataugent dans leurs tranchées. Les légionnaires paras occupent Huguette 2 et Huguette 3. Ils encaissent continuellement des harcèlements intenses.

Sur les six positions attaquées, trois sont irrémédiablement perdues :
Eliane1, Dominique3 et Huguette 3. Et la saignée est irréparable, la valeur d'un bataillon ; 28 tués certains dont le lieutenant Yves Périou, 168 blessés dont les lieutenants André Leguerre et Alain de Stabenrath, 303 disparus dont 6 officiers.

Dans la soirée, les bonnes conditions météorologiques permettent le largage de ravitaillement, en munitions et en sacs de riz ainsi que la 3e compagnie du capitaine Pouget du 1er B.P.C.

. Dans la nuit du 3 au 4 mai, à 3 heures du matin, le régiment 36, appuyé par deux bataillons des régiments 88 et 102 de la division 308, donne l'assaut aux quatre-vingt dix hommes du capitaine Jean Luciani. Une poignée de légionnaires parachutistes et Marocains mêlés. En 35 minutes, Huguette 4 est submergée. Un peu plus tard, le commandant Maurice Guiraud envoie un élément de contre-attaque. Il ne peut rien faire sinon récupérer quelques blessés tapis dans les barbelés.

. Au petit jour, la 3e compagnie du capitaine Pouget rejoint la 2e compagnie du lieutenant Edme, pour relever sur Eliane 2, le I/13e D.B.L.E. du commandant Coutant. Edme et ses hommes couvrent toute la partie est, face au Mont Chauve, Pouget et les siens, la partie sud, face aux Champs-Elysées. En bas et en retrait, sur Eliane 3, une position de fortune, reste le reliquat du I/13e D.B.L.E. avec le commandant Coutant qui n'a pas voulu quitter la colline, en réserve d'une contre-attaque. Les légionnaires voisinent avec les sections lourdes du 6e B.P.C., l'infirmerie des parachutistes et les blessés légers qui ont tenu à rejoindre leurs unités.

. Le 4 mai, le général de Castries sort pour la 1ère fois de son trou et rend visite à l'hôpital où les chirurgiens se dévouent : trop de blessés, abris exigus, matériel insuffisant. Il salue les lieutenants de Biré, Rollin, de Cacqueray qui vient d'être amputé d'une jambe, le caporal Heinz du 2e qui a perdu ses deux bras et une jambe avec sa 4e blessure. De Stabenrath hésite entre la vie et la mort. Bonnel est jugé perdu par le lieutenant Madeleine, médecin-chef du 2e B.E.P.

. Dans la nuit du 5 au 6 mai, sur Huguette 2 et 3, les Viets sont contrés par le Bataillon de Marche Etranger Parachutiste : 160 spectres se dressent pour un ultime baroud.

La 4e compagnie du capitaine Trehiou du 1er B.P.C. saute sur Diên-Biên-Phu. Un seul blessé, le capitaine Guy Bazin de Bezons, commandant le bataillon ; à peine au sol, un obus ennemi lui fracasse la cuisse. Le capitaine Jean Pouget le remplace.

. Le 6 mai, le nombre des défenseurs ne cesse de se réduire avec une pénurie de munitions. L’artillerie française n’a plus que deux heures de feu intensif. Sur Eliane 4, les survivants du I/2e R.C.P. et du 5e Bawouan sont regroupés face à l’est, tandis que la partie sud-est de la colline est confiée à la 4e compagnie du capitaine Trehiou du 1er B.P.C.

En bas, entre collines et rivière, le point d’appui Eliane 3 est tenu par deux grosses sections de parachutistes du 6e B.P.C. Les restes des 1ère et 2e compagnies : Le Page s’accroche sur les rives de la Nam Youm, Trapp le long de la R.P.41. Le point d’appui est aménagé comme un hérisson indépendant. Au centre, l’antenne chirurgicale secondaire où s’entassent quelques trois cent blessés des unités parachutistes de la Légion ; autour, les mortiers de 81 des bataillons paras, regroupés aux ordres du lieutenant Jacques Allaire.

Et pour boucler la périphérie, des boyaux où s’entassent pêle-mêle légionnaires de la 13e D.B.L.E., blessés en état de marcher, Thaïs, Algériens, voire des P.I.M. qui ont pris une place au combat.

Deux points d’appui assurent la couverture nord : à droite de la piste d’aviation, Epervier où s’accroche les parachutistes vietnamien du capitaine Alain Bizard, renforcés par des demi-sections du 8e Choc, et à gauche, Huguette 2 et Huguette 3, sous les ordres du commandant Guiraud, avec une vingtaine de légionnaires parachutistes, moins de cinquante Marocains et moins de cinquante légionnaires du I/2e R.E.I.

Dans la partie sud du réduit central, le point d’appui Junon entre le P.C. du général de Castries et la rivière, occupé par les Thaïs Blancs du capitaine Duluat, qui enserrent les mitrailleuses quadruples du lieutenant Redon, qui ont pris de flanc les Champs Elysées.

. Dans la nuit du 6 au 7 mai, la bataille est générale ; elle fait rage au nord sur les P.A. Eliane ; le colonel Pierre Langlais demande des renforts ; le commandant Maurice Guiraud lui envoie deux compagnies ; la compagnie du capitaine Michel Brandon est envoyée sur Eliane 4 ; la compagnie du lieutenant Jacques Le Cour Grandmaison, envoyée sur Eliane 10, est dispersée par les bombardements.

Le général Giap fait donner les orgues de Staline dont l’effet est dévastateur. La terre se soulève, les hommes tombent ; ils se font hacher en criant. C’est l’Apocalypse. Diên-Biên-Phu s’engloutit dans le fer et les flammes. Et cette nuit qui ne finit pas…

Les Viets attaquent à l’ouest Epervier et Huguette 3. Un assaut de plus. Mais ce n’est plus un combat à armes égales. Les soldats français se battent à un contre cent.

Les deux dernières unités du 6e B.P.C. sont anéanties ; les lieutenants Roland Corbineau et André Samalens, les deux officiers qui restaient à la 2e compagnie sont tués tandis que le capitaine Hervé Trapp lui-même, les deux jambes fauchées par une grenade, gît dans un trou. A cinquante mètres de lui, le capitaine René Le Page est dans une situation désespérée, entouré d’un petit groupe de cinq ou six parachutistes.

Alors les blessés de l’infirmerie d’Eliane 3 se lèvent de leurs couchettes, ramassent des armes abandonnées. Dans l’impossibilité de vaincre, ils choisissent de mourir. Mais mourir les armes à la main et non pas comme des rats dans l’obscurité des souterrains de l’infirmerie.

. A deux heures du matin, deux tonnes de T.N.T. sautent et le sommet d’Eliane 2 disparaît ; soufflé par un volcan. Dans le cratère noir, il ne reste plus rien de la 2e compagnie du 1er B.P.C.

. A quatre heures du matin, le capitaine Jean Pouget sur Eliane 2 espère toujours un renfort ; mais les instructions du chef de bataillon Michel Vadot sont claires : ‘’ Vous devez rester sur place. Après tout, vous êtes parachutiste et vous devez résister jusqu’à la mort ’’.

Le 7 mai, dès l’aube, les fantassins déferlent sur les points d’appui. Les derniers PA d’Eliane finissent par être submergés. Le lieutenant Le Cour Grandmaison et ses trois légionnaires ne répondent plus. Les hommes sont trop épuisés pour tenter une sortie. Diên-Biên-Phu s’engloutit dans le fer et les flammes. Mais aucune unité ne s’est rendue.

Eliane 10 est tombée à l’aube. Il n’y avait plus que deux officiers, retranchés sur le toit d’un abri. Les lieutenants Bailly du 8e Choc, envoyé en renfort, arrivé seul, et Le Boudec. Grièvement blessés, les Viets les laissent brancarder jusqu’à l’antenne chirurgicale. Le Boudec est le dernier opéré du commandant Grauwin.

Dans la plaine Eliane 3 est investie, casemate après casemate, abri après abri, par des Viets circonspects, qui nettoient le terrain à la grenade, sans égard pour les légionnaires et les parachutistes blessés, impitoyablement exterminés.

Le général Christian de Castries ordonne le cessez-le-feu à 17 heures 30.

Dans le réduit central, tous les officiers du P.C. ont dans la bouche le goût amer de la défaite.

. A 17 heures 30, un silence de plomb fait place au tumulte de la bataille ; les bo-dois investissent prudemment les P.A. Aucun drapeau blanc ne flotte sur le camp retranché.

Toute l’artillerie Viet s’acharne sur Isabelle. Le centre de résistance du 3e R.E.I., commandé par le colonel André Lalande, à cinq kilomètres au sud de Diên-Biên-Phu, est le plus coriace, le mieux fortifié mais à 18 heures, il ne reste plus rien du camp retranché. Cependant, le 3e bataillon du 3e R.E.I. tient toujours. Les barbelés ne sont plus qu’une défense dérisoire ; des centaines de Viets se lancent sur les positions du 3e R.E.I.

Les légionnaires sont emportés par le rouleau compresseur. Ils défendent leur vie à l’arme blanche contre la deuxième vague d’assaut. Pourtant à minuit, les légionnaires résistent encore. Vers 1 heure, une tentative de sortie par le sud échoue. La plupart des soldats d’Isabelle, harassés par cinquante-huit jours de bataille continue, tombant d’embuscade en embuscade, finissent par être repris et ramenés, les bras attachés haut dans le dos, dans les colonnes de prisonniers.

Seule une poignée de légionnaires parvient à s’enfuir avec quelques cavaliers et quelques Thaïs.Une centaine d’hommes vont parvenir à forcer le blocus ennemi dans les jours à venir et, au prix de souffrances indicibles, triomphant de la faim, da la soif, de la maladie, de l’épuisement, réussiront à rallier Muong Saï, deux cents kilomètres à l’ouest, ultime bastion français au Nord Laos. D’autres, dont le nombre est ignoré, vont tourner, des jours, des semaines durant, dans le labyrinthe de la jungle. Ils y mourront solitaires, abandonnés de tous. Ceux-là n’auront été vaincus que par la mort.

Les médecins Grauwin et Gindrey sont autorisés à s’occuper de leurs patients. A leur grande fureur, Rondy et Madeleine, les deux toubibs des B.E.P. doivent abandonner leurs blessés ; incohérence : deux infirmiers, Réale et Di Lorenzo sont autorisés à rester sur Diên-Biên-Phu.

. 7 mai 1954 : la chute de Diên-Biên-Phu en Indochine est ressentie en Algérie comme une défaite des Français face à une révolution populaire.

L’épopée de la Légion en Indochine prend fin à Diên-Biên-Phu avec 4 000 légionnaires et parachutistes, à la fin des combats, face à 40 000 soldats du Vietminh.

3 500 volontaires ont rejoint Diên-Biên-Phu avant la chute et 709 non parachutistes ont été largués pour la première fois dans la cuvette.

Les tirailleurs algériens et marocains, - leurs officiers ayant été tués pour la plupart -, se sont réfugiés, les bras ballants, dans des abris avant la fin de la bataille ; les nerfs brisés, le moral atteint, ils ont cessé de se battre sauf quelques unités toujours encadrées.

La garnison du camp retranché compte 1 571 morts au combat et plus de 4 000 blessés ; 1 161 hommes sont portés disparus, déserteurs, dont 907 supplétifs locaux ; 12 137 hommes partent en captivité ; 3 290 hommes seront rendus aux autorités françaises. Manquent environ 9 000 hommes. Que sont-ils devenus ?

La centaine de combattants échappés du réduit central et les quelques légionnaires du III/3e R.E.I. qui sont parvenus à briser l’encerclement, tentent, par petits groupes, de rejoindre les troupes franco-laotiennes et les maquis thaïs. Ils devront payer leur liberté de nouvelles souffrances, car la jungle est quasi impénétrables, l’ennemi invisible et les recherches difficiles.

Quant aux prisonniers, un calvaire les attend. La captivité chez Ho Chi Minh est plus dure que les combats ; quatre mois d’internement feront quatre fois plus de victimes que six mois de combats. A la C.E.P.M.L., sur 42 ayant pris le chemin des camps, 16 seulement s’en sortiront.

Des six bataillons et trois compagnies de mortiers lourds de la Légion engagés dans la bataille, 2 000 hommes sont récupérés. Les 1er et 3e bataillons de la 13e D.B.L.E., le I/2e R.E.I., le III/3e R.E.I., le 2e B.E.P. disparaissent. Pour la deuxième fois, le 1er B.E.P. est mort. Unies dans le sacrifice, les deux C.M.M.L.E. des 3e et 5e R.E.I. et la C.E.P.M.L. des B.E.P. sombrent à Diên-Biên-Phu.

Du 13 mars au 7 mai, la Légion perd 318 tués, 738 disparus et 2 322 blessés.

Le 1er B.E.P. accuse 316 tués et disparus, le 2e B.E.P. 99. Les prisonniers décédés par la suite s’ajoutent à ces chiffres. Un tiers seulement des légionnaires rentrera de captivité.

Le 1er B.E.P. déplore 609 blessés, le 2e B.E.P. 334.

Tous ces prestigieux et héroïques soldats tombés là-bas à Diên-Biên-Phu s’en sont allés en pleine jeunesse, qu’ils ont fait don à la France. Leur sacrifice mérite admiration, fierté et reconnaissance de la France.
Jean Balazuc P.P.P.
http://clan-r.org/portail/Jean-Balazuc-Indochine-les?artsuite=0

Plus de 10 000 hommes sont capturés, ils seront emmenés à marche forcée sur les camps de la mort viets, un peu plus de 3000 survivront.
prisonniers : 10 300 hommes dont 4 436 blessés.
Du 13 au 28 mai, les viets rendent 858 blessés grave.
9 442 hommes emmenés en captivité, seuls 3 290 seront rendus à la fin de la guerre.
Soit 7 708 morts ou disparus.

http://www.histoquiz-contemporain.com/Histoquiz/Lesdossiers/guerreindochine/dien/Dossiers.htm

La captivité
(7 mai à septembre 1954)

Le vietminh n'avait jamais encore fait autant de prisonniers. Les capturés de Diên Biên Phu représentent le tiers de tous ceux appréhendés au cours des huit années de guerre écoulées.

Les hommes jugés valides, y compris les blessés légers, ou considérés comme tels, encore qu'épuisés physiquement et moralement par le siège furent, dès le 7 mai au soir regroupés et encadrés pour prendre, à pied, le chemin des camps. Les distances à parcourir, à raison d'étapes quotidiennes de 20 à 30 Kms, variaient de 400 à 600 Kms.

Ces prisonniers formeront pendant des semaines, sur les pistes se dirigeant vers la Haute Région ou le nord Annam, des processions pitoyables de squelettes barbus, épuisés, appuyés sur des cannes de fortune. Ces hordes misérables de captifs escaladeront les cols, dévaleront les pentes glissantes, dormiront dans la boue. Les déplacements auront lieu de nuit et les feux seront souvent interdits aux bivouacs pour échapper aux avions. Ces marches forcées, assorties de privations et de l'absence de soins, favoriseront les maladies de toutes sortes et l'apparition de troubles, dont certains entraîneront la mort. De plus en plus vulnérables au fil des kilomètres, les prisonniers mourront par centaines, parsemant leur hallucinant trajet de cadavres.

Les blessés, au nombre de 4.436, seront regroupés dès le 8 mai dans l'enceinte du camp et parqués, par groupe de 10 à 20, sous des toiles de parachutes érigées en tentes à la façon de chapiteaux de cirque.

Un tri des blessés, jugés les plus graves, permettra l'évacuation entre le 14 et le 26 mai, de 858 d'entre eux sous le contrôle de la Croix Rouge.

Les 3 578 restants, considérés comme blessés moins graves (selon les critères vietminh...) seront incorporés au flot des captifs aptes à la marche et ceux jugés incapables de se mouvoir, transportés en camions.

Ils seront entassés à raison de 25 à 30 par camion russe Molotova sans considération de la nature et de la gravité de leur blessure. Ils seront répartis dans les différents camps de la Haute Région. Bardés de pansements souillés et fétides, ils entameront le 26 mai, date de leur départ du camp de Diên Biên Phu, par des pistes monstrueusement défoncées, un long chemin de croix au cours duquel ils seront secoués, traités sans ménagement, exposés aux intempéries, privés des soins les plus élémentaires pendant l'interminable route. Des plaies se rouvriront, s'infecteront. Des blessés du ventre se videront et souilleront leur entourage. Les cahots provoqueront des hémorragies et des vomissements de sang, un véritable calvaire physique et moral qui provoquera, pendant la route et dans les camps, un taux très élevé de décès.

Le répertoire des maladies qui toucheront tous les prisonniers valides et blessés est éloquent : dysenterie, ictères, paludisme, tuberculose, scorbut, béri-béri, ascaris, dénutrition et affections neuro-psychiatriques, pour ne citer que les maladies les plus courantes. Il faudra y ajouter les mouches, les poux, les tiques, les puces, les rats, la gale, la crasse, les moustiques, les vers, la vermine, la faim, la soif, les escarres, les brimades et les tortures morales. Les insultes aussi.

Les vietminh ont des camps de prisonniers une conception totalement différente de l'idée traditionnelle que l'on s'en fait en Europe au travers des expériences vécues et des films ou récits de guerre, avec baraquements, barbelés, miradors, projecteurs, rondes et sentinelles. Chez les viets, rien de tout cela : pas de sentinelles, pas de miradors, pas de barbelés. Aucune clôture. Aucune surveillance particulière, si ce n'est une garde sommaire pour l'ensemble du camp et des escortes pour les corvées. Le camp type est constitué de sommaires paillotes dans un coin dégagé de forêt ou de jungle. Dans le Tan Hoa, les prisonniers sont regroupés dans des pagodes ou des écoles désaffectées.

Car le prisonnier est avant tout prisonnier de la nature. Toute tentative d'évasion est d'avance vouée à l'échec. La nature inhospitalière, l'hostilité de la population locale, les risques de mauvaises rencontres avec les animaux de la jungle, le manque de nourriture, la fatigue, une blessure accidentelle viendraient à bout des plus téméraires. Les tentatives furent nombreuses. Mais les évasions réussies furent très rares. On en recense une centaine, toutes unités confondues. La plupart des évadés furent en effet repris, enchaînés, châtiés physiquement, souvent livrés par les villageois, soucieux d'être bien considérés par les viets.

Les prisonniers valides seront contraints à des corvées : transport de riz ou de bois sur des distances, parfois longues de 10 à 15 Kms, avec trajets quotidiens. Des travaux de construction de cagnas ou de paillotes aussi. Et il faut survivre avec une poignée de riz cuit à l'eau, jetée deux fois par jour dans un misérable récipient de bambou ou une vieille boîte de conserve de récupération. Comme boisson, une dose mesurée d'infusion de feuilles de goyave, préalablement bouillie et chichement distribuée.

A cela, il faut ajouter les cours d'éducation politique et les séances d'autocritique: les prisonniers sont contraints de dénoncer "leur sale guerre", à coups de souvenirs accusateurs, de signer des manifestes, d'avouer des fautes commises contre la population vietnamienne, d'accuser son voisin de mauvaises actions et de s'accuser même, pour le plaisir de leurs geôliers, de méfaits qu'ils n'ont pas commis. Ils sont invités à réclamer la clémence du vénéré président Ho Chi Minh pour mettre en valeur sa grande bonté.

Les prisonniers sont systématiquement insultés, rabaissés, toutefois sans colère apparente. Ils sont posément traités de bourgeois décadents, de soldats impérialistes, de criminels de guerre, de mercenaires sanguinaires, de valets de l'impérialisme américain, de chiens colonialistes... Il faut qu'ils deviennent des combattants de la paix, qu'ils rachètent leurs fautes, qu'ils soient rééduqués politiquement. Cela prendra le temps qu'il faudra.

Dans les camps, les prisonniers de Diên Biên Phu sont les plus récents. En 4 mois de captivité, ils seront évidemment moins sollicités par les viets pour les exercices d'autocritiques que leurs compagnons de captivité, dont certains croupissent depuis deux, quatre, voire huit ans (c'est le record détenu par un administrateur civil, monsieur René MOREAU, capturé fin 1946 et qui ne sera libéré qu'en septembre 1954).

Pendant tout ce temps, il aura fallu aux prisonniers glorifier le marxisme, supporter les insultes, les injures, les brimades, les litanies vietminh contre l'armée française, sans cesse ridiculisée, scander des slogans anticolonialistes, c'est moralement épuisant.

Les lavages de cerveau sont quotidiens, sournois, lancinants, à tout propos. Les corps et les esprits affaiblis offrent moins de résistance. Les perfides méthodes vietminh qui dosent savamment les tortures morales, les espoirs, les déceptions, les brimades en tous genres brisent les plus forts qui capitulent parfois, résignés. C'est alors le désespoir. Les bien-portants deviendront malades, les malades grabataires et les grabataires mourront. Un engrenage.
Maximilian Stemp
http://www.dienbienphu.org/francais/captivite/captivite.htm

« J’ai appris avec émotion le décès du Général Giap. Ce fut un grand patriote vietnamien, aimé et respecté par tout son peuple pour le rôle éminent et fondateur qu’il a joué pour l’indépendance de son pays » ; « Il était profondément attaché à la culture française et parlait d’ailleurs parfaitement notre langue. Le Général Giap fut un grand patriote et un grand soldat. Alors que la France et le Vietnam sont devenus désormais des partenaires stratégiques, je salue aujourd’hui la mémoire d’un homme exceptionnel et présente mes profondes condoléances à sa famille et au peuple vietnamien ».
Laurent Fabuis, ministre français des Affaires étrangères, hommage rendu au général Vo Nguyen Giap, décédé le 4 octobre 2013, à l’âge de 102 ans à Hanoî

Quelques chiffres

LES EFFECTIFS :

4 195 parachutistes ont été largués sur Dien Bien Phu entre le 20 et le 22 novembre pour l’opération Castor.

4 880 parachutistes ont été largués en renfort entre le 14 mars et le 6 mai 1954. Nombre d’entre eux avaient déjà sauté en novembre et y revenaient pour la 2è fois. Parmi les renforts parachutés figurèrent, à partir du 1er avril, 709 volontaires non brevetés, choisis parmi les plus de 1 800 qui s’étaient présentés dont 30% de Vietnamiens qui sautaientpour la première fois.

La garnison de DBP comptait au 13 mars 10 813 hommes plus 4 880 reçus ultérieurement en renfort.

Total théorique maximal 15 693 hommes. Compte tenu des pertes enregistrées pendant la bataille estimées à 5 393 (tués, blessés, disparus, déserteurs, évacués sanitaires).

L’effectif de la garnison au 8 mai 1954 était de 10 300 hommes, soit 4 436 blessés et 5 864 hommes valides. Entre le 13 et le 27 mai, le Vietminh restitua 858 blessés jugés graves à la Croix Rouge sous le contrôle du professeur Huart, laissant au camp 3 578 blessés et 5 864 hommes valides. Soit un total de 9 442 hommes de l’Union française qui prirent le chemin des camps. A ce total, il faut ajouter les 1 606 disparus pendant la bataille.

9 442 1 606 = 11 048

De ces 11 048 hommes, il faut soustraire une centaine d'évasions réussies.

11 048 – 100 = 10 948 prisonniers.

Seuls 3 290 hommes furent libérés quatre mois plus tard. On estime à 7 658 le nombre de décès en captivité soit environ plus de 70%. La bataille de Dien Bien Phu aura coûté 17 bataillons et leur matériel (armement, transmissions, véhicules, parachutes, ambulances) un groupement d’artillerie, 10 chars et 62 avions, 2 hélicoptères ainsi que nombre d’unités EM,GCMA, GMI, SM, GAP, ACM, ACP, SDECE, DOP…..etc…..
Association Nationale des Combattants de DIEN BIEN PHU (extrait)

http://paras-colos.over-blog.com/article-dien-bien-phu-quelques-chiffres-54679004.html

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Mis en ligne le 16 mai 2014

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