Le réseau routier
Un travail de romain

L'Algérie de 1830 ne possède que des pistes. Pourtant les Romains, grands manieurs de pelles et de pioches, avaient tracé des voies qui permettaient de circuler rapidement de Cirta à Cherchell ou Tlemcen alors appelée Pomaria. Elles venaient de Carthage, de Tébessa, d'Hippone.
Faute d'entretien, elles n'ont pas résisté au temps. Au mieux, elles balisent encore le tracé de quelques cheminements.
En 1830, Alger ne dispose que de deux voies carrossables sur un très court parcours : Jusqu'à Fort-l'Empereur et aux jardins du Dey. Ailleurs rien si ce n'est une sente qu'empruntent piétons et cavaliers. Les ponts se comptent sur les doigts de la main.
A Constantine celui d'El-Kantara pour franchir le Rhumel, en partie restauré par les Turcs a la fin du XVIII' siècle, date des Romains. Il finira par s'effondrer en 1857. A Biskra, un autre pont romain dit également d'El-Kantara sera remis en état par les Français en 1862. Pour passer un oued, il faut chercher le gué ou attendre la décrue. Au Maghreb les cours d'eau se gonflent et se dégonflent très vite. Les eaux ruissellent sur une terre asséchée par la canicule lorsque surviennent les pluies hivernales. Leur montée brutale peut engendrer des catastrophes.

LA ROUTE

Tout est donc à organiser. Les français, à prime abord doivent pouvoir faire circuler les chariots porteurs de leurs impedimenta. Sans tarder, le génie se met à l'ouvrage et force des axes de pénétration. Les premières routes évidemment partent d'Alger afin de relier aux postes ou centres de colonisation qui sortent de terre. La colonne Voirol dressée en 1834 au point haut sur l'axe menant jusqu'a Birmandreis, quelques kilomètres au sud du centre-ville d'Alger, témoigne de ces travaux originels. La plaque apposée a sa base, aujourd'hui a l'Ecole du génie d'Angers, mentionne les artisans de cette réalisation :

LE 10e LEGER
LES 4e, 13e ET 67e DE LIGNE
LE 3e Bataillon D'AFRIQUE
LA LEGION ETRANGERE
Ont ouvert cette route sous la direction
DU GENIE MILITAIRE

Ces précurseurs eurent des émules. Durant la phase initiale, génie militaire et ponts et chaussées civils se partagent l'ouvrage.
La conquête qui se prolongera jusqu'en 1857 en Grande Kabylie attribue la priorité aux sapeurs.
Ce n'est qu'en 1867 que les ponts et chaussées prendront la direction générale des travaux de voirie.

Avant même de relier directement les grandes villes, Constantine, Alger, Oran, le génie travaille aux liaisons stratégiques essentielles dans l'arrière-pays.
(De 1830 at 1850 la voie maritime est de loin la plus sure et la plus rapide pour atteindre Oran, Mostaganem, Bougie et Bône au départ d'Alger.)
En 1839, il taille la route d'Alger à Blida a travers la Mitidja. Dès Constantine occupée le 13 octobre 1837, le commandement se soucie de relier la ville a la mer, choisissant finalement le site de Philippeville comme futur port de l'ancienne Cirta.
En juin 1857, il est décidé d'atteindre Fort-Napoléon (Fort-National avant Larbaâ Nath Irathen) depuis Tizi-Ouzou. La route sur 25 kilomètres sera construite en dix-huit jours par le génie après avoir avalé 700 mètres de dénivelé.
Ce ne sont la que des prémices. Très vite la route au départ d'Alger gagne Constantine via les portes de Fer et les hauts plateaux, empruntant l'itinéraire de Valée et du duc d'Orléans en 1840, Oran par la vallée du Cheliff et le sud des marais de la Macta.
De ces axes majeurs des bretelles rayonnent vers le nord ou le sud, gagnant La Calle, Collo, Djidjelli, Bougie, Dellys, Ténes, Mostaganem, Arzew, Nemours vers le nord ; Biskra, Bou-Saâda, Tiaret, Méchéria, Aîn-Sefra, Colomb-Béchar vers le sud.

En 1962, l'Algérie se couvre d'un maillage routier permettant de roquer d'est en ouest et du nord au sud. L'automobile circule de la frontière marocaine à la frontière tunisienne et s'enfonce pour gagner les oasis du Grand Sud saharien. Jadis ne s'y aventuraient que les caravanes remontant d'Afrique noire ou des tribus guerrières en quête de pâturages.

LES ROUTES NATIONALES - IMPERIALES DE 1864 A 1870 - ADOPTENT UN TRACE QUI VARIERA PEU

RN 1 1864 - 2 336 km D'Alger à Laghouat et Ghardaia par Médéa
RN 2 1864 - 147 km De Mers el-Kébir à Tlemcen
RN 3 1864 - 2121 km De Stora à Biskra, Touggourt et Ouargla par Constantine
RN 4 1864 - 384 km D'Alger à Oran par la vallée du Chéliff
RN 5 1864 - 481 km D'Alger à Constantine par Sétif
RN 6 1879 - 2130 km D'Oran à Géryville par Mascara
RN 7 1879 - De Relizane au Maroc par Mascara
RN 8 1879 - D'Alger à Bou-Saâda par Aumale
RN 9 1879 - De Bougie à Sétif par Chabet-el-Akra
RN 10 1879 - D'Ouled-Rahmoun à Tébessa par Aïn-Beïda
RN 11 1909 - 418 km. D'Alger à Mostaganem par Cherchell et Ténés
RN 12 1909 - D'Alger à la frontière tunisienne par Ménerville, Tizi-Ouzou, Bougie,
Philippeville, Bône et La Calle
RN 13 1909 - D'Arzew à El-Aricha par le Tlelat, Sidi-Bel-Abbés et Bedeau
RN 14 1909 - D'Affreville à Tiaret par Teniet el-Haâd
RN 15 1909 - De Tizi-Ouzou à Beni-Mansour par Fort-National
RN 16 1909 - 627 km. De La Calle à Tébessa par Le Tarf et Souk-Ahras
RN 17 1915 - De Mostaganem à Mascara par Perrégaux
RN 18 1915 - 160 km. D'Affreville à Bouira, par Berrouaghia et Bir-Rabalou
RN 19 1915 - De Ténés à Orléansville par Montenotte et Warnier
RN 20 1915 - De Bône à Constantine par Guelma et Oued-Zenati
RN 21 De Bône à Ghardimaou, par Duvivier et Souk-Ahras
RN 22 De Beni-Saf à El-Aricha par Tlemcen
RN 23 De Relizane à Aflou par Tiaret
RN 24 1929 - De Maison-Carrée à Félix-Faure
RN 25 D'Aomar à Dellys par Mirabeau et Camp-du-Maréchal
RN 26 1929 65 km D'El-Kseur à Maillot
RN 27 De Constantine à El-Ellis par le Hamma
RN 28 De Sétif à Biskra par Barika et Mac-Mahon
RN 29 1933 - De Blida à Palestro par Rovigo, l'Arba et Rivet
RN 30 1933 - De Dra-el-Mizan à Maillot
RN 31 1933 - De Batna à Biskra par Arris
RN 32 De Blida au col de Chréa
RN 33 Bouira-Tizi-N'Kouilal
RN 34 Tougana-Tizi-Tiourine
RN 35 Aïn-Témouchent-Montagnac
RN 36 D'Alger aux Quatre-Chemins par El-Biar et Douéra
RN 37 Blida au col de Chréa ??
RN 38 Birkadem-Maison-Carrée
RN 39 N'existe pas
RN 40 Tiaret-Boughezoul-M'Sila-Magra
RN 41 Alger-Staouéli
RN 42 Blida-La Chiffa-Bourkika-Desaix
RN 43 Souk el-Ténine-Ziama-Mansouria-Djidjelli-El-Milia-Saint-Antoine
RN 44 Philippeville-Jemmapes-Bône-Morris-La Calle
RN 45 Bordj-Bou-Arreridj-M'Sila-Aïn-Diss
RN 46 Biskra-Bou-Saâda-Djelfa
RN 47 Stile-El-Oued

Au total 46 routes nationales numérotées drainent la circulation routière. Des doublons, catalogues A, B, C, D, E, les complètent.
Une grande partie de cette nomenclature a été conservée. Les chiffres sont apatrides.
En 1962, les habitants, qu'ils soient européens ou musulmans, ne peuvent guère profiter de ce maillage hormis la circulation aux abords des grandes agglomérations. Les débuts de l'usage populaire de la " bagnole " coïncident avec ceux de l'insécurité née progressivement à partir du 1er novembre 1954. Il devient dangereux de s'aventurer sans escorte sur une route d'Algérie.
Les embuscades frappent les imprudents. L'Algérie française des dernières années n'aura pu exploiter à des fins touristiques ou commerciales son réseau routier qui verra surtout défiler des convois militaires.

Cette infrastructure implique des ouvrages d'art aussi bien en ville qu'en campagne. A Constantine le majestueux pont de Sicli-Rached décrit une longue courbe pour unir le centre urbain à la gare. L'une de ses arches franchit les gorges du Rhumel à 107 mètres de hauteur.
Dans le bled les franchissements d'oueds ne se comptent plus. Leur construction oblige de prévoir large.
Un mince filet d'eau, à la suite de pluies diluviennes, peut se transformer en vague impétueuse débordant de ses rives habituelles.
Les eaux en furie emportent tout et les culées doivent prouver leur solidité. Les inondations de l'hiver 1957-1958 dans le Constantinois frappent les réseaux routiers et ferroviaires, causant de graves coupures.

Au total l'Algérie traditionnelle, celle au nord de la limite saharienne, comptait en 1962 :
- 8 000 kilomètres de routes,
- 14 000 km de chemins départementaux,
- 13 000 km de chemins vicinaux
- 18 000 km de chemins ruraux. Plus les 26 000 kilomètres de pistes sahariennes.

LES ROUTES SAHARIENNES

L'exploitation des hydrocarbures a précipité la construction de routes goudronnées menant aux sites. Etant donné le positionnement des gisements les principaux itinéraires se situent dans la frange saharienne orientale.

Les Algériens du XXIe siècle ont amorcé des autoroutes. La principale est destinée a se déplacer rapidement d'ouest en est.
Pour le reste, ils roulent sur les routes coloniales. Il suffit de comparer deux cartes, l'une de 1962, l'autre de 2020.
Les itinéraires d'hier conduisent d'Oran à Tlemcen, de Ténes à Orléansville, de Bougie à Sétif.
Seuls les poteaux indicateurs des entrées de ville ont changé. Ils indiquent les localités en arabe et en français, lecture plus accessible pour la grosse majorité. Les bonnes vieilles bornes kilométriques marquent toujours les distances.

Pierre Montagnon
Le Legs Français - Algérie 1830 -1962.
Bernard Giovanangeli-Editeur

54 000 kilomètres de routes et pistes (80 000 km avec les pistes sahariennes) ; 31 routes nationales dont près de 9 000 kilomètres étaient goudronnés. (Bernard Lugan)

Viaduc Sidi Rached à Constantine. Il enjambe les gorges de l'oued Rhummel. Construit de 1907 à 1912. Inauguré 19 avril 1912.
Il constitue à l'époque, le plus haut pont en maçonnerie de pierres au monde.

Sources https://www.cdha.fr/le-sauvetage-du-pont-de-sidi-rached-en-1952

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Mis en ligne le 20 janvier 2025

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