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ALGER au XVIIe siècle

La figure de la Ville d'Alger n'est ni tout à fait triangulaire, ni tout à fait carrée. Comme tous les Bâtiments sont blancs & élevés presque en amphithéâtre, elle parait de loin comme un gros Vaisseau qui est sous voile.
Le sommet de la Ville sur lequel elle est bâtie, est occupé par l'Alcassabe. La pente se termine au rivage de la mer. Ses murailles suivent la disposition de la colline : elles sont simples, & sans autres défenses que quelques tours qui les flanquent d'espaces en espaces. Elles sont pourtant assez épaisses, bâties de pierres de taille & surmontées de créneaux. Celles du côté du Port paraissent les plus anciennes ; mais elles sont moins fortes, & tombent en ruine en bien des endroits.
Cette Ville a plusieurs portes. Je ne parlerai que des plus remarquables. Celle qu'on appelle Bal-Aazon est au Midi. Il y a au dehors une longue rue comme une espèce de Faubourg, où l'on vend la viande & les autres provisions de bouche qu'on apporte de la campagne. Les Maures qui y viennent vendre leurs denrées, logent en ce quartier-là.
Ce fut par cet endroit que la Ville fut assiégée par Aazon Prince de Mauritanie, & cette porte a retenu son nom. Il y a au-dessus de grands crochets de fer, qui servent de supplice aux traîtres & aux criminels d'État. Un peu au-delà on voit un grand Cimetière de Mahométans. Les Sépultures des Familles particulières sont enfermées dans des enclos de petites murailles. Celles des personnes de distinction ont de petits bâtiments carrés en forme de Chapelles, couvertes d'une voûte & d'un dôme. Celles du menu peuple sont répandues de côté & d'autre sans régularité. Il y a des Cimetières hors de toutes les autres portes, & un grand nombre de fourneaux à cuire de la brique. Ce font des bâtiments ronds & élevés comme les tours de nos moulins à vent. On voit aussi quantité de petits ermitages ou demeurent des Marabouts qui sont comme les Derviches de Turquie, & qui affectent plus de régularité que les autres.

La seconde porte se nomme Bab-el-Gedid, ou la Porte neuve. C'est par cette porte qu'on va au Château de l'Empereur. Elle n'a rien de remarquable.

La troisième est celle de l'Alcassabe, parce qu'elle est voisine de ce Château, qui est comme l'Arsenal & le Trésor de l'épargne de la République.
Il y a une Place tout après, où l'on faisait mourir autrefois les Chrétiens, & ceux qui l'avaient mérité, selon les lois du Pays. Le dernier qui y fut brûlé vif était un Italien qui ne se trouva pas en état de payer ses dettes.

La quatrième est Bab-al-Ouad, c'est-à-dire, Porte de la rivière, parce que ce côté qui est au Nord-Ouest est arrosé par un ruisseau ou torrent, qui se forme des eaux qui tombent des montagnes après les grandes pluies. Il y a hors de cette Porte une grande Place où l'on brûle les Chrétiens qui sont condamnés à ce supplice. Le bois y est tout porté ; car c'est le lieu où l'on le vend. C'est aussi en cet endroit qu'est le Cimetière des Chrétiens.

La cinquième est celle de la Marine. C'est par elle que l'on sort pour faire tour du Môle. C'est une grosse masse de pierres qui forme à peu près un demi-cercle. Il est large de quatre à cinq toises, long de plus de cent cinquante, & d'une toise & demie de hauteur, depuis le Château jusqu'à la Porte de la Ville. Ce Môle ou chaussée forme le Port, & met les Vaisseaux à couvert des vents du Nord, qui les incommodent beaucoup en toutes les saisons.

La sixième & dernière Porte est celle de la Pescaderie, parce que les bateaux des Pêcheurs se rangent de ce côté-là, & dans une vieille Darse à moitié comblée, qui entre dans la Ville par deux arcades fort hautes & fort larges, qui paraissent d'une grande antiquité. C'est en cet endroit qu'on bâtit aujourd'hui les Galères & les autres petits bâtiments, à cause de la facilité qu'on trouve à les mettre à l'eau.

Toutes ces Portes sont gardées par des détachements de la Milice. On les ferme quelque temps après le coucher du Soleil, & on ne les ouvre jamais, quelque nécessité qu'il pût arriver, de sorte que ceux qui arrivent trop tard sont obligés de coucher dehors.
On compte environ cent vingt-cinq Fontaines dans la Ville. C'est un Aqueduc très ancien qui leur fournit de l'eau qui vient de deux lieues de la Ville. L'eau est très bonne & très nécessaire dans un Pays aussi chaud que celui-là.
On compte plus de cent mille habitants dans cette Ville. C'est ce qu'on en peut juger par la quantité prodigieuse de Peuples que l'on voit dans les rues. Il est vrai que comme elles font toutes extrêmement étroites, le Peuple y parait beaucoup plus que si elles étaient plus larges.
Elles font presque toutes obscures & incommodes. Ce qui les rend telles, ce sont les balcons fermés de jalousies qui avancent hors des maisons.

Le Peuple est mêlé de Turcs naturels, qui sont tous Soldats, & par conséquent les membres de la République, qui la gouvernent, & qui en changent assez souvent la face & le gouvernement. Outre ceux-là il y a des Renégats (1), qui sont de toutes sortes de Nations, & qui assurément ne sont pas les plus honnêtes gens & les plus tranquilles.
Les Coulouglis (2) sont les enfants des Soldats Turcs & des Mauresques.
Les Maures (3) qui sont les Naturels du Pays, sont en grand nombre ; mais ils n'ont aucune part dans le Gouvernement.
Les Morisques (4) descendent de ceux qui furent chassés d'Espagne & du Portugal. On les appelle Andalous ou Tagarins. Nous les nommons Grenadins, parce que les premiers qui s'y refugièrent venaient du Royaume de Grenade.

Il y a encore plusieurs races différentes de Juifs (5). On prétend qu'ils sont dix à douze mille âmes, & que les Esclaves Chrétiens sont à peu près en pareil nombre.
La plus grande & la plus large de toutes les rues est celle qui va de, la Porte de Bab-al-Ouad à celle de Bab-Aazon. Elle est dans l'endroit le plus, commode & le plus beau de toute la Ville.

Celles qui en approchent sont celles des marchés où sont les boutiques des Marchands. Mais quoiqu'assez, larges elles sont incommodes, par la quantité de gens & de bestiaux dont elles font toujours pleines. On en ferme les extrémités toutes les nuits avec de grandes portes, que l'on n'ouvre point dès qu'elles sont une fois fermées.
Cette précaution est tout à fait nécessaire pour empêcher les vols que l'on commettrait aisément sans elle ; car les Maures sont naturellement voleurs, & les Esclaves Chrétiens les imitent de bien près ; supposé même qu'ils ne les surpassent car tous les Esclaves ne sont pas enfermés dans les Bagnes. Il y en a beaucoup qui logent chez leurs Patrons, & ceux-là ayant la commodité de sortir la nuit, ils s'attroupent, & vont percer les murs des magasins & des boutiques, & en une couple d'heures ils vident les magasins les mieux remplis. Ce qui leur facilite ces vols, c'est que les Marchands & les Artisans ne logent point dans leurs boutiques. Ils n'ont que les gardes de nuit (6) à craindre, & quand la patrouille est passée ils ont tout le temps nécessaire pour faire leurs enlèvements. S'ils sont surpris ils n'ont que des coups de bâton à craindre ; car on est persuadé que tous les Esclaves Chrétiens sont voleurs de profession. La nécessité les y contraint, le mauvais exemple les entraîne ; & quand ils pensent que les Turcs les ont volés eux-mêmes, ils se mettent en tête aisément qu'ils peuvent leur rendre la pareille.

On prétend qu'il y a quinze mille maisons à Alger. C'est beaucoup ; mais il faut savoir qu'il est très rare qu'il y ait plus d'une famille dans une maison, & que les plus grandes sont petites. Elles sont toutes de brique, posées avec un mortier de simple terre & blanchies dehors & dedans avec de la chaux, Cette propreté leur donne quelque chose de fort agréable, & elles en ont besoin pour plaire ; car elles font peu capables d'attirer la vue, surtout par le dehors. Elles n'ont qu'un étage au-dessus du rez-de-chaussée. Elles n'ont du côté de la rue d'autre ouverture que la porte, sans fenêtres, & tout au plus quelques ouvertures étroites comme des meurtrières fermées d'une Jalousie, par le moyen desquelles les femmes, aussi curieuses que partout ailleurs, peuvent voir ce qui se passe dans la rue sans être vues.
La plupart ont des Kiosques, qui sont de petits cabinets en saillie sur la rue, où les femmes vont se reposer : ils gâtent absolument les rues, les rétrécissant & leur ôtant l'air & le jour. Elles sont toutes bâties dans le même goût.
Le dedans des plus grandes & des plus belles, consiste en une cour carrée, environnée de chambres étroites & longues qui composent quatre corps de logis. L'étage du rez-de-chaussée a des portiques comme nos cloîtres, celui de dessus une galerie sur Laquelle donnent les portes des chambres & les fenêtres quand il y en a ; car il y en a beaucoup qui n'ont du jour que par les portes. Leurs escaliers sont assez commodes, ils sont de pierres ou de briques dans les grandes maisons, & de bois dans les autres. Les galeries sont portées sur des colonnes de pierres ou de briques, & même de marbre dans quelques unes, que l'on regarde comme des Palais. Toutes les maisons sont couvertes en terrasses bien pavées de briques.

C'est une promenade le soir, & l'on y va prendre le frais & jouir de la vue de la mer dans la plupart ; car comme la Ville est bâtie en amphithéâtre, que les maisons sont de même, elles ne se dérobent point l'air & la vue les unes aux autres.
Les terrasses sont bordées de murs assez hauts pour ne pas tomber, & pour empêcher qu'on ne passe aisément de l'une à l'autre, & qu'on ne se voie ; car la jalousie est extrême dans tous ces Pays. Les portes des chambres font aussi hautes que toute la chambre & se ferment à deux battants, & les murs jusqu'à la hauteur de six pieds sont incrustés de carreaux vernissés comme notre faïence, qui font un fort bon effet, & donnent de la fraîcheur & un air de propreté aux maisons. La Maison du Roi où s'assemble le Divan (7), & où est le logement du Pacha, est grande & assez bien bâtie. On entre d'abord dans une très grande cour, au fond de laquelle est un grand vestibule soutenu par des colonnes les murs sont couverts de nattes de jonc fort propres jusqu'à la hauteur de six pieds, & le dessus est tapissé d'armes & de grosses massues de bois propres à assommer des bœufs. Le dessus du vestibule est en terrasse, & fait partie du logement du Pacha.
Un des piliers qui la soutiennent est creux, & renferme un corps de pompe qui porte l'eau dans un bain où il y a quelques jets d'eau. La Salle du Divan est environnée d'une estrade de pierres où la Milice se place dans les jours d'assemblée.
Au reste tous ces bâtiments ont si peu de symétrie, qu'il serait fort difficile d'en faire un plan un peu juste, & d'ailleurs la plupart des pièces sont inaccessibles.

Les Bagnes sont de vastes maisons où l'on met les Esclaves pendant la nuit. Ce sont des prisons affreuses ou ces pauvres gens sont plutôt entassés les uns sur les autres que logés. Ce sont des lieux d'horreur, où la fumée des cuisines que l'on fait de tous côtés, le bruit, les cris, les coups & le tumulte règnent de toutes parts.
Il y a cependant une Chapelle & une chambre pour le Prêtre qui y réside, & qui dit la Messe avant le jour aux Esclaves, afin qu'ils puissent l'entendre avant d'aller au travail, où on les conduit au point du jour. La porte de ces Bagnes est gardée par un Turc qu'on appelle Gardien Bachy, & par les gens qu'il a sous ses ordres : il tire un revenu considérable de la permission qu'il donne aux Esclaves de tenir cabaret, & de vendre des viandes cuites, du tabac & autres choses. Ce sont les lieux d'assemblée, où les soldats, les matelots & le menu peuple viennent boire manger & fumer, & où ils passent les journées entières. On ne saurait mieux comparer ces lieux & le commerce qui s'y fait qu'à la vie & au négoce de nos Forçats sur les Galères.

On appelle Casseries, de grandes & vastes maisons faites comme nos Cloîtres, où logent les Soldats. Elles ont une vaste cour, au milieu de laquelle il y a plusieurs fontaines & des bassins pour leur commodité. Les chambres qui sont tout autour sont distribuées de manière qu'il y a huit hommes dans chacune. Ce grand nombre d'hommes qui logent dans le même lieu, n'empêche pas que tous ces appartements ne soient fort propres par les soins de quelques Esclaves, qui payent un tribut au Divan pour y demeurer, & pour y vendre du vin, du tabac & des viandes cuites.

Les Fondouks sont de grands bâtiments carrés où logent les Marchands Étrangers. Quoiqu'il y en ait plusieurs, on n'y est jamais à son aise, à cause du grand nombre de gens qui s'y retirent, & de la quantité de marchandises que l'on y apporte continuellement.
La Maison Consulaire de France est une des plus grandes. Il y a une Chapelle où l'on fait le Service Divin avec toute la solennité & la liberté dont on jouit dans les Villes Chrétiennes.

Les Juifs, quoiqu'en grand nombre, ont très peu de Synagogues. Les Turcs qui les méprisent au souverain degré ne leur permettent pas volontiers ces lieux d'Assemblées, & leur en font payer un tribut considérable.

Les Turcs ont quantité de très belles Mosquées, avec des tours ou minarets très magnifiques. Il est difficile de rien ajouter à la délicatesse de ces ouvrages, & c'est des galeries saillantes de ces Tours que les Marabouts appellent le Peuple à la prière. Il y a une hampe ou bâton de pavillon au Sommet de ces Tours : on y élève une bannière blanche tous les jours de la semaine, & une bleue ou verte le Vendredi, dès que le Marabout commence les cris, & on l'amène aussitôt qu'il a achevé ; c'est ce que je n'ai jamais vu pratiquer dans les autres Pays des Turcs. Il n'est pas permis aux Chrétiens d'entrer dans les Mosquées, excepté quand ils y sont nécessaires pour travailler à quelques réparations ; mais ils n'empêchent pas qu'on n'y jette les yeux en passant.

Il y a plusieurs Forteresses ou Châteaux pour la défense de la Ville. Elles sont toutes bien pourvues d'artillerie de fonte, mais leurs fortifications font peu de choses & fort irrégulières.
Le principal Château est appelé l'Alcassabe. Ses murailles font une partie de celles de la ville. Il est situé sur le sommet de la colline, il a un large fossé qui se termine des deux côtés de la pente. Autrefois on y tenait le Divan quatre jours de la semaine : on le tient à présent à la Maison du Roi comme en un lieu plus commode pour le Dey & pour ceux qui ont affaire à lui.
Le Dey n'y monte qu'aux deux Fêtes du Baïram, ou quand on doit traiter des affaires d'une extrême conséquence. L'entrée en est à présent défendue aux Chrétiens. Les Turcs même n'y vont qu'avec, peine, à cause de l'incommodité qu'ils ont à y monter & parce qu'ils y voient les mortiers & les pilons dont on s'est servi & dont on se sert encore quelquefois pour piler des hommes tout vifs, & d'autres instruments de supplices qui sont exposés à la vue du public.
Le penchant de la colline derrière le Château est si raide, qu'il rend ce Château entièrement escarpé & hors d'attaque. Il y a près de la Ville deux éminences qui la commandent, & d'où on la pourrait battre en ruines on y a bâti deux Châteaux, pour empêcher les ennemis de s'en rendre maîtres. Le plus proche est une Etoile à sept angles : il n'est ni fort grand ni capable d'une grande résistance.
Le second qu'on appelle le Château de l'Empereur, est beaucoup plus grand. C'est un carré dont les angles sont couverts de quatre petites Tours rondes, avec un Donjon carré au milieu : il n'est pas d'une grande défense.
Le quatrième Château porte le nom de la Porte de Bal-al-Ouad. Il en est éloigné d'environ trois cents pas. Ce n'est qu'une grosse Tour ronde, avec une espèce de Bastion ou batterie fermée qui en est proche. Le cinquième est hors de la porte Bal-Aazon. C'est un octogone assez régulier. Celui-ci & le précédent ne sont bons que pour s'opposer à une descente, & ne valent presque rien. Le sixième n'est qu'un boulevard bâti auprès de la porte du Môle. Le septième est bâti sur un écueil dans la mer au bout de la première face du Môle. Il est octogone : son rempart est chargé de gros canons pour défendre l'entrée du Port. Le huitième est à l'autre bout du Môle : il a une batterie à fleur d'eau. Toutes ces forteresses ont des garnisons, & sont assez bien fournies de canons & en munitions pour se bien défendre dans le besoin. Elles n'ont pas beaucoup coûté à bâtir : on y a employé les Esclaves Chrétiens, & même les Juifs & les Maures de la campagne. Avec toutes ces précautions on ne peut pas regarder Alger comme une ville forte & d'une longue défense : si on était une fois descendu à terre, & qu'on se fût retranchée, tous ces petits Forts tomberaient aisément d'eux-mêmes, & la Ville serait bientôt réduite aux dernières extrémités.

Les environs de la Ville ne présentent qu'une chaîne de collines à peu près de même hauteur & de même figure qui font un assez beau paysage, & qui s'abaissent insensiblement jusqu'au rivage de la mer. Elles sont en valeur par le travail des Esclaves : ce sont des jardins, des terres labourables, des vignes & des plans d'arbres fruitiers ; mais il n'y a point d'autre eau que celle des puits que l'on y a creusés de tous côtés.
On donne environ seize lieues d'étendue au territoire d'Alger, & on compte plus de dix-huit mille maisons de campagne que l'on appelle Maceries. Elles font à peu près le même effet que les Bastides qui font aux environs de Marseille.

Les Maures qui cultivent les terres plus éloignées, campent sous des tentes qu'ils transportent de côté & d'autre, selon que le besoin des pâturages le demande. On appelle une tente Dar & Douar au pluriel. Ainsi un Douar est un amas de plusieurs tentes, ce qui fait un village portatif & ambulant.

La diversité des Nations Chrétiennes que cette Ville retient toujours dans l'esclavage, a formé peu à peu une Langue dont tout le monde se sert surtout les Patrons, pour se faire entendre de leurs Esclaves. C'est proprement un composé corrompu de l'Espagnol, de l'Italien, du Provençal, & autres qui ont du rapport avec celles-là.
On appelle ce langage la Langue Franque. Les Maures Naturels du Pays ne se servent entre eux que de l'Arabe Mauritanique fort différent de l'Arabe Oriental. Les Soldats ne parlent jamais entre eux que la Langue Turque. On s'en sert au Divan, dans les assemblées, & parmi les personnes de considération.
Il y a un Trucheman au Divan, pour expliquer aux Maures qui ne l'entendent pas les résolutions qu'on y prend. Les Soldats se font surtout un point d'honneur de ne pas se servir de l'Arabe, & les Maures ont un éloignement infini de celle des Turcs, parce qu'ils les regardent comme les usurpateurs de leur Pays.

Nota : Les populations indigènes véritables qui regroupaient les autochtones du pays avaient pour nom : Les Baranis ou gens de l'intérieur du pays :

- Kabyles, ouvriers, maçons. Journaliers.
- Biskris, Arabes originaires de Biskra et des oasis des Zibans, porteurs d'eau, portefaix, chargés également de la police de nuit.
- Mzabites, originaires des oasis du Sud, pourvoyeurs d'esclaves noirs, avaient le monopole des bains maures, boucheries, et moulins.
- Laghouatis, de Laghouat, spécialisés dans l'épuration et le trafic de l'huile.
- Nègres, esclaves, domestiques, manœuvres, âniers.

MÉMOIRES DU CHEVALIER D’ARVIEUX ENVOYÉ EXTRAORDINAIRE DU ROY
À la Porte, Consul d’Alep, d’Alger, de Tripoli, & autres Échelles du Levant.

Livre numérisé en mode texte par : Alain Spenatto. 1, rue du Puy Griou. 15000 AURILLAC.
http://www.algerie-ancienne.com
Photos : http://www.algerie-ancienne.com/Salon/Turque/023.htm

(1) Les esclaves chrétiens capturés par les Barbaresques pendant leurs opérations de piraterie étaient incités très fortement à abjurer leur foi chrétienne pour devenir musulmans. Germain Moüette rapporta ainsi que la femme de son maître lui avait promis la main de sa nièce s'il abjurait, ce qu'il refusa. Mais de nombreux autres motifs, tels que le désir d'adoucir une condition particulièrement pénible, ou d'échapper à un châtiment, pouvaient amener la conversion à l'Islam De nombreux chrétiens réduits en esclavage en Afrique du Nord se convertirent alors, et devinrent des " renégats " (renegados) ; certains se joignirent alors aux pirates barbaresques pour les faire bénéficier de leur expertise technique, comme ce fut le cas pour les corsaires de Salé, dont le renégat le plus célèbre est le Hollandais Jan Janszoon, connu aussi sous le nom de Murad Reis Il faut aussi mentionner l'espagnol connu sous le nom de Yuder Pacha qui conquit en 1591 l'Empire songhaï pour le compte d'Ahmed al-Mansur Saadi le sultan du Maroc. http://fr.wikipedia.org/wiki/Ren%C3%A9gat#Ren.C3.A9gats_en_Barbarie
(2) (Coulouglis ou Kouloughlis issus de mariages de Janissaires avec des Mauresques, n'étaient pas considérés comme Turcs. Ndlr)
(3) Mores ou Maures ou Hadhrs, Algérois d'origine, ou réfugiés espagnols, surtout artisans : arquebusiers, serruriers, charpentiers, maçons, cordonniers, potiers ou commerçants. Un quartier d'Alger portait le nom des " Tagarins ", Maures de Catalogne, qui en 1612, s'installèrent hors de la ville.
(4) Morisques : Nom donné aux Maures d'Espagne après la ruine de leur empire. Ils furent convertis de force puis expulsés au XVIIème siècle.
(5) Aux Juifs autochtones, fixés en Afrique du Nord depuis des siècles, le grand exode de 1609 ajouta des immigrants espagnols qui " apportaient, avec l'intelligence, la richesse, la science, l'aptitude au commerce et à l'industrie ". (Lespès). Ils étaient tailleurs, bijoutiers en corail, orfèvres, frappeurs de monnaie, etc. Les Juifs d'Alger devaient porter des vêtements de couleur sombre, payer un impôt collectif ou djezya, s'abstenir de monter à cheval ou de porter des armes, etc. - Ils pouvaient cependant se livrer aux diverses activités artisanales ou commerciales et vivre selon leurs lois religieuses. http://www.algerie-ancienne.com/Salon/Turque/023.htm
(6) La garde de la ville d'Alger est confiée à la tribu des Biscaras ou Biscris (originaires de Biskra), que leur Emir répartit tous les soirs dans les rues où ils se couchent devant les boutiques des marchands soit sur des nattes, des matelas ou sur le pavé. Ces boutiques sont sur leur surveillance spéciale ; et si par hasard il arrive que l'on parvienne à y voler, ils répondent de la valeur des objets enlevés, paient et sont sévèrement punis. Shaw http://www.algerie-ancienne.com/Salon/Turque/023.htm
(7) Divan : Conseil suprême, tribunal, assemblée de notables, de l'empire ottoman, qui siégeaient sur des coussins.

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Mis en ligne le 01 mar 2011
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