Pour apprécier les circonstances qui préparèrent et favorisèrent l'établissement des Turcs dans l'Afrique septentrionale et la fondation de la Régence d'Alger, il est nécessaire de jeter un coup d'œil rapide sur l'ensemble de la situation de ces contrées au commencement du seizième siècle, telle qu'elle ressort des développements qui précèdent. L'histoire des provinces constituant aujourd'hui les possessions françaises dans le nord de l'Afrique va devenir entièrement distincte de celle des États musulmans de l'est (Tripoli et Tunis) et de ceux de l'ouest (Maroc).

On a vu que la famille des Hafsides, en proie à des dissensions intestines, se disputait à Tunis la possession d'une autorité plus nominale que réelle ; les tribus arabes des provinces de Tunis, de Constantine et de Bougie, tiraillées en sens divers par les différents prétendants au pouvoir souverain, étaient continuellement en révolte, refusaient l'impôt et entretenaient le pays dans une agitation des plus violentes. Les dépendances de l'ancien royaume des Beni Zian situées à l'est de Tlemsen avaient secoué le joug et obéissaient aux Mehals, depuis Mostaganem jusqu'à Alger. Dans l'ouest, les Beni Merin, fractionnés en petites souverainetés sans importance, ne pouvaient dominer les troubles qui divisaient la population berbère. Ainsi, de la frontière de l'Égypte jusqu'au rivage de l'océan Atlantique, nulle part l'autorité ne se trouvait concentrée entre des mains vigoureuses ; nulle part on ne rencontrait un véritable pouvoir, un état régulièrement constitué, une société calme et assise.

Aux relations amicales qui avaient existé par le commerce entre les Européens et les Musulmans, des hostilités avaient succédé sur toute l'étendue des côtes. Les Portugais étaient maîtres, dans le Maroc, de Ceuta, d'Arzilla, de Tanger, d'Azemmour, de Safi, de Mazagran et de toute la province de Dekkala. Les Espagnols occupaient le Penon de Velez, Melilla, Mers-el-Kebir, Oran, le Penon d'Alger, Bougie, le fort de la Goulette devant Tunis. Les Génois s'étaient emparés de Djidjéli.

Malgré le grand nombre des établissements européens, la piraterie des musulmans exerçait des ravages considérables sur les côtes de l'Italie et de l'Espagne, et les navires de commerce européens ne pouvaient naviguer dans la Méditerranée que réunis en convoi et sous l'escorte de galères armées en guerre.

Ces corsaires arabes, dont le principal repaire avait d'abord été dans l'île de Djerba, puis à Tripoli, s'étaient recrutés, comme on l'a vu, d'une grande quantité de musulmans chassés d'Espagne par Ferdinand le Catholique. Ils avaient formé dans l'ouest, à Cherchell, un centre de piraterie, non moins redoutable que celui établi à Djerba.

Il n'est pas inutile de rappeler aussi que la population de l'Afrique septentrionale était en ce moment dans un grand état de confusion. Les races berbères s'étaient usées et affaiblies dans des luttes incessantes, soit contre les souverains, soit contre les Arabes. Ceux-ci, qui avaient relevé depuis peu la suprématie de leur race dans les provinces du centre, n'avaient pas su constituer un État. La présence des négociants européens dans quelques villes, des esclaves chrétiens, des troupes européennes entretenues par plusieurs princes, enfin des descendants des anciennes hordes kurdes, augmentaient encore le morcellement et les divisions de la population. Il était impossible de trouver au milieu de tant d'éléments si divers, hostiles les uns aux autres, un point d'appui pour un mouvement de reconstitution. C'est du dehors que vint la force qui, en donnant une impulsion plus énergique au fanatisme et aux instincts de rapine et de brigandage, parvint à fonder une puissance nouvelle.

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Mis en ligne le 11 février 2013

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