Dispositions des indigènes

Pendant les opérations de l'armée impériale contre Gélimer, un certain nombre de cavaliers appartenant à différentes tribus, attirés par l'appât du gain, s'étaient joints aux Vandales ; d'un autre côté, les chefs des tribus de la Mauritanie, de la Numidie et de la Byzacène, prévoyant la chute de Gélimer, s'étaient mis en rapport avec Bélisaire et lui avaient fait des promesses. Mais la masse des indigènes restait indécise et flottante, attendant l'événement pour se prononcer, impatiente d'être délivrée de la domination vandale, mais peu empressée à accueillir pour maîtres de nouveaux étrangers.
La victoire s'était à peine prononcée pour les Byzantins, que les tribus de la Tripolitaine commencèrent à les attaquer, et avant son départ d'Afrique Bélisaire dut envoyer des troupes pour les réprimer. Il avait aussi placé des garnisons dans l'intérieur du pays, sur les frontières de la Byzacène et de la Numidie. Parmi les instructions laissées à l'armée, il avait surtout recommandé de préserver les peuples soumis des incursions des Maures.

Expéditions de Salomon contre les indigènes

Bélisaire était à peine embarqué, que les Maures se levèrent en armes, et portèrent le pillage et la dévastation sur les frontières de la Byzacène et de la Numidie ; ils surprirent et massacrèrent deux officiers impériaux renommés par leur habileté et leur bravoure. Salomon marcha contre eux, les rejeta de la Byzacène dans la Numidie, et, guidé par deux chefs indigènes avec lesquels il avait fait alliance, il vint attaquer les Maures dans les monts Aurès, où ils s'étaient réfugiés. Mais, craignant de s'engager dans ces difficiles montagnes, sur la foi de ses nouveaux alliés, Salomon renforça les garnisons de la Numidie, et retourna passer l'hiver à Carthage (535). Au printemps une révolte des troupes força d'ajourner les opérations contre l'Aurès ; elles ne purent être reprises que quatre ans après (539), lorsque Salomon, revenu en Afrique avec des renforts de troupes, eut fait rentrer tous les rebelles dans le devoir, et ramené l'ordre et le calme dans les provinces les plus rapprochées de Carthage.

Les tribus de l'Aurès furent battues dans plusieurs rencontres, et durent chercher un refuge en Mauritanie et chez les peuplades du sud. Mais Salomon pénétra dans le pâté des montagnes, s'empara des forteresses où l'ennemi avait déposé ses trésors, et établit des postes fortifiés dans l'Aurès. Poursuivant ses succès, il s'avança vers l'ouest, chassant devant lui les tribus indigènes maures qui avaient envahi la Numidie pendant la décadence de la domination romaine. Il soumit le canton de Zaba (Msila) et toute la Mauritanie Sitifienne ; quant à la Mauritanie Césarienne, elle obéissait à un chef maure, et les Byzantins ne possédaient que Césarée, la capitale.

Nouvelle prise d'armes des indigènes

L'Afrique jouit d'un repos de quatre années. Mais un neveu de Salomon ayant fait assassiner quatre-vingt indigènes qui s'étaient rendus auprès de lui avec un sauf-conduit, toutes les tribus prirent les armes (543). Le mouvement de rébellion se propagea de l'est à l'ouest ; et parti de la Tripolitaine, il atteignit bientôt l'extrémité occidentale des possessions impériales. Salomon marcha contre les insurgés ; il leur livra bataille à Théveste ; il fut vaincu et tué. La révolte d'une partie des troupes, les dissensions entre leurs chefs vinrent compliquer les dangers de la situation. Pendant trois années le pays fut en proie à l'anarchie la plus violente. On vit cependant certaines tribus indigènes rester fidèles, parce qu'elles recevaient des Byzantins un subside annuel.

Expédition de Jean Troglita

En 546 le commandement de l'Afrique fut donné à Jean Troglita, qui avait servi avec distinction dans la guerre contre les Perses. Dès son arrivée il eut à combattre une confédération de toutes les tribus qui s'étaient réunies dans la Byzacène, et parmi lesquelles figuraient des nomades du désert. Après quelques échecs de peu d'importance, le général byzantin, par des manœuvres habiles, attira les indigènes dans la plaine, et répara par d'éclatants succès les revers subis jusque alors par les troupes impériales.
La guerre ne fut terminée qu'en 550, par la mort des principaux chefs des tribus. Jean Troglita rentra triomphant à Carthage, et s'appliqua à faire jouir l'Afrique des bienfaits d'une paix profonde. Nous devons faire remarquer cependant que les événements que nous venons de raconter eurent pour théâtre les provinces orientales et une partie seulement de la Numidie. Ils ne se rapportent qu'indirectement à l'intérieur des Mauritanies, qui depuis l'invasion des Vandales semblaient s'être détachées des possessions impériales et se gouverner le plus souvent d'une manière indépendante, sous l'autorité de plusieurs chefs indigènes.
La civilisation, qui avait avancé de l'Orient à l'Occident, se retirait devant la barbarie. Nous aurons occasion de remarquer plusieurs fois par la suite des mouvements de réaction semblable des peuplades indigènes de l'ouest contre les civilisateurs arrivés d'Orient.

Fin de la domination byzantine

Après quinze années de paix les tribus indigènes des frontières de la Numidie se soulevèrent pour venger un de leurs chefs qui avait été assassiné à Carthage par ordre du gouverneur (564). Cette révolte fut promptement réprimée, mais elle fut suivie d'insurrections nombreuses, qui se succédèrent à de courts intervalles. En 568, en 569, en570, en 577, en 591 et jusqu'à l'invasion arabe, les populations indigènes attaquèrent les Byzantins sans relâche. Elles trouvèrent un chef redoutable, du nom de Gasmul, qui, devenu tout puissant par ses victoires, avait donné des établissements fixes aux tribus et dirigea même une expédition contre la Gaule.

Cette tentative avorta, mais elle prouve que le roi Gasmul avait organisé les indigènes et avait discipliné leurs forces. Chaque jour les Maures gagnaient une nouvelle part de territoire sur la civilisation, et quoique les Garamantes eussent embrassé le christianisme, la masse des indigènes qui combattaient les Byzantins ramenèrent le paganisme et la barbarie jusque sur le littoral. De 647 à 697, les Arabes achevèrent l'œuvre des tribus indigènes et portèrent le dernier coup à la domination byzantine. Dans la seconde moitié du septième siècle, l'Afrique perdit une partie considérable de sa population européenne et civilisée ; ses villes, un instant relevées après l'invasion vandale, tombèrent de nouveau; tous les progrès, tous les embellissements qu'elle devait aux efforts successifs des Phéniciens, des Romains et des Grecs, disparurent. Un ordre nouveau de faits, de croyances et d'institutions allait s'implanter sur le sol africain.
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Mis en ligne le 04 juin 2012

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