Entre trois et cinq mille français d' Algérie se sont évaporés brutalement, sans que la France ne déploie le centième d'énergie et de moyens de ce qu'elle a utilisés pour la libération d'autres citoyens français dans un passé encore proche.
Pour ces trois ou cinq mille citoyens français de seconde zone victimes d'enlèvements, le gouvernement de la patrie des droits de l'homme ne jugea pas utile d'engager des procédures de libération. Entre 300 et 500 soldats de l'armée française subirent le même sort. Pour eux aussi du coté du gouvernement ce fut : " Silence radio ! "

Comme beaucoup de Pieds-Noirs je suis un traumatisé à vie. Je n'ai, en effet, jamais eu la chance d'avoir reçu l'aide d'un psychologue lors de mon arrivée à Marseille à l'Eté 62.
A chaque attentat terroriste, n'importe où sur la planète, à chaque enlèvement et prise d'otage, mes vieilles blessures saignent de nouveau.
L'accumulation récente de ces attentats et enlèvements barbares provoquent chez moi cet insoutenable " flash-back " sur le sort subi par nos milliers d'otages que d'autres appellent nos " disparus. "
Il faut dire que ces enlèvements sont en fait, pour moi, la cause principale (même si elle n'est pas la seule) de mon exode.

Ces enlèvements massifs commis à partir du 17 avril 1962, après un ordre central de la part du FLN et du GPRA et dans une période où l'Algérie était encore sous la souveraineté française, étaient prémédités et concertés.
Le général de Mendite, en mai 62, avait souligné dans une note que : "Le FLN cherchait à constituer un contingent d'otages. " Dans quel but ?
Il fallait, selon Masmoudi, " dépeupler…réduire considérablement le ramassis de Portugais, de Maltais, d'Espagnols et d'Italiens devenus Français d'Algérie. " Il fallait aussi, selon l'un des plus haut dirigeant du FLN interviewé par Jean Daniel : " que nous soyons entre nous, Algériens, Arabes, Musulmans… "
L'alliance entre les responsables français du Rocher Noir et le GPRA, la collaboration entre Si Azzedine (et ses ATO), Ossedik, Vitalis Cros et les barbouzes de la Mission C, tous complices dans les enlèvements d'Européens, avait pour but de terroriser leur communauté.

Pour le gouvernement français il fallait, dans un premier temps minimiser l'importance des rapts et faire le gros dos et dans un deuxième temps nier la possibilité de survie des otages et étouffer l'affaire.
Les milliers d'otages, la découverte des charniers de Hussein-Dey, la Bouzareah, Beau Fraisier, Maison Carrée et du Petit lac étaient considérés comme négligeables. (Dommages collatéraux dirait-on aujourd'hui.)
Le 18 juillet 62 Charles De Gaulle rassurait les Français en disant : " Pour la France, à part quelques enlèvements, les choses se passent à peu près convenablement. "
La France, dans son ensemble, se taisait car défendre les nôtres aurait pu nuire au grand dessein gaulliste qui était d'avoir les mains libres pour promouvoir une politique grandiose, mondiale et généreuse…

Il faut croire que la raison d'Etat a changé lorsque nous voyons aujourd'hui les moyens utilisés pour essayer de libérer nos deux journalistes prisonniers en Irak. Ils ont de la chance. Et c'est bien ainsi.
Bien que le Cardinal Lustiger ait dit un jour : " La raison d'Etat est une abomination. Le domaine politique n'est pas plus séparé de la morale que n'importe quel domaine de l'activité humaine. ", nous n'avons pas vu en 62 arriver en Algérie, afin de solliciter la libération de nos otages, une délégation de religieux Musulmans ni même de Chrétiens ou d'Israélites d'ailleurs.

Dès 1963 M. de Broglie avait eu le cynisme de déclarer : " Aujourd'hui l'aspect humain s'efface et il ne reste qu'une coopération entre Etats. "
Après l'accord secret du 27 août 1964 entre le gouvernement français et l'Etat algérien nos otages étaient définitivement abandonnés à l'arbitraire des algériens qui pouvaient déclarer en toute impunité : " Le gouvernement algérien estime que la libération des personnes actuellement incarcérées dans ses prisons est un problème qui relève essentiellement de ses propres autorités qui seules jugeront de l'opportunité d'une telle décision. "
La morale dans cette affaire ne pesait rien contre l'approvisionnement de pétrole ou de gaz.

Boumedienne, reçu par Mitterand, s'est incliné sur la tombe de De Gaulle, Chirac et Bouteflika s'échangent honneurs et médailles et le silence sur nos otages à jamais disparus persiste……

Contra spem in spem ! Contre toute espérance, espérons quand même !
Jean-Claude Lahiner

Rapport de la mission spéciale du comité international de la Croix Rouge en algérie 1963.

I -GÉNÉRALITÉS

Pendant le conflit d'Algérie le Comité International de la Croix Rouge (C.I.C.R.) s'est efforcé de secourir, dans les deux camps, toutes les victimes des événements, étendant son assistance non seulement aux détenus militaires et civils mais, aux Algériens réfugiés au Maroc et en Tunisie, puis aux populations qui, par suite des hostilités, furent concentrées dans les zones de regroupement. Le C.I..C.R. a également exercé son action en faveur des prisonniers internés sur territoire métropolitain et, dans la dernière phase du conflit, en faveur des détenus activistes en Algérie et en France. Il s'est aussi efforcé, mais le plus souvent sans succès, de retrouver la trace des personnes disparues. La proclamation du cessez le feu le 19 mars 1962 n'a pas cependant pas mis un terme à cette activité. Parallèlement aux attentats commis par l'O.A.S., les disparitions et les enlèvements de personnes d'origine européenne s'étaient multipliés en Algérie.
La Croix Rouge française et le C.I.C.R. ont été assaillis de demandes. Le 22 août 1962, le Comité International faisait part au président Ben Bella des Préoccupations que lui causait cette situation.
Cependant, à l'exception d'une soixantaine de personnes dont les délégués du C.I.C.R. ont pu retrouver la trace en septembre 1962, les démarches entreprises n'ont guère donné de résultats. Le nombre de personnes disparues demeurait considérable, environ 1500. Aussi, le Comité International a-t-il pris connaissance, avec le plus grand intérêt, des déclarations par lesquelles le chef du gouvernement algérien annonçait, en janvier 1963, que toutes les portes seraient ouvertes à la Croix Rouge. Peu après, un accord était conclu entre le gouvernement algérien et le gouvernement français qui convenaient de faire appel au C.I.C.R. en vue de rechercher la trace des personnes disparues en Algérie après le cessez le feu et de visiter les personnes détenues dans ce pays, en raison de faits commis en relation avec le conflit. Le comité international a aussitôt délégué à Alger son vice président, M. Samuel Gonard, qui a jeté les bases de l'action du C.I.C.R. d'entente avec le president Ben Bella. Il etait entendu que le C.I.C.R. acceptait les tâches qui lui étaient confiées et que, de leur côté, les autorités algériennes faciliteraient l'activité des délégués du Comité, et leur accorderaient en particulier toute liberté de mouvement sur l'ensemble du territoire.

Il -COMPOSITION ET ORGANISATION DE LA MISSION SPÉCIALE :

En exécution de l'accord conclu avec le gouvernement algérien, le C.I.C.R. a mis en place, dès le début du mois de mars, une mission composée d'un certain nombre de délégués chargés de procéder aux enquêtes et de visiter les lieux de détention, et d'une antenne de son Agence centrale de recherches, spécialisée dans les opérations de fichage, de pointage et de confrontation des renseignements recueillis.
Ce dispositif, dont l'effectif a varié entre 13 et 20 personnes, était subordonné à un chef de délégation, assisté d'un adjoint. Plusieurs relèves ont été organisées afin d'assurer la continuité de l'action.
(...) Les délégués ont déployé leur activité principalement à Alger, Constantine et Oran, puis Tlemcen, Orléansville, Blida et Médéa et dans les régions voisines de ces villes. Ils se sont en outre rendus une semaine par avion à Ouargla. Le vice président Gonard a effectué en juin l'inspection de la mission spéciale qui a pris fin le 31 août; les derniers délégués du C.I.C.R. ont regagné Genève le 12 septembre. L'activité de la mission spéciale a porté sur :
- La recherche des personnes disparues sur le territoire algérien depuis le 19 mars 1962 et pour lesquelles le C.I.C.R. avait été saisi d'une demande individuelle,
- La visite des personnes détenues en raison de faits commis en relation avec le conflit, principalement des anciens membres des forces supplétives de l'armée française (harkis ou assimilés).

III -RECHERCHE DE DISPARUS
Recherches antérieures :
Le délégué permanent du C.I.C.R. en Algérie s'était déjà efforcé, avant l'arrivée de la mission spéciale, de retrouver la trace des personnes dont la disparition lui avait été signalée.
Dans plusieurs cas, il avait appuyé les recherches en se rendant personnellement sur place.
La population avait, en outre, été invitée par radio à donner des renseignements et à faciliter les investigations, qui sont néanmoins demeurés vaines dans la majorité des cas. L'Agence centrale de recherches se trouvait ainsi en possession, au début de 1963, de 1 200 demandes, dont 75 % concernaient des disparus à Alger ou à Oran. Les dossiers étaient constitués sur la base soit de demandes individuelles des familles, soit d'avis de recherches publiés dans la presse. Une liste fournie en février par le gouvernement français contenait les noms de 762 disparus dont 16 n'avaient pas encore été portés à la connaissance du C.I.C.R.
(...)

Fiches et rapports individuels :

Pour chaque cas de disparition, l'Agence a établi trois fiches: l'une restait entre les mains de l'Agence centrale à Genève, une autre était classée au fichier de la mission spéciale à Alger, la troisième étant remise aux délégués chargés de l'enquête. Au fur et à mesure que les délégués achevaient leurs recherches, en concluant soit au décès, soit à une présomption de décès, ou soit encore que le disparu était en vie, ils retournaient les fiches correspondantes à l'antenne de l'Agence centrale à Alger. Ce service était chargé de contrôler les résultats de l'enquête - éventuellement de demander un complément de recherches - et de rédiger le rapport qui était ensuite transmis par les soins du C.I.C.R.à Genève au gouvernement français, seul habilité à informer les familles.
Le Comité International n'a pu faire état de certitudes que dans une faible proportion des cas dont il a été saisi. Chaque fois que l'enquête aboutissait à une très forte présomption de décès, il s'est efforcé d'indiquer sur quels indices les délégués s'étaient fondés pour conclure à une issue mortelle. Il s'est principalement référé à ce propos, aux circonstances générales découlant du déferlement de violence qui existait au moment des disparitions. Il était ainsi de notoriété publique - et de nombreuses enquêtes l'avaient établi -que l'arrestation d'Européens par des éléments incontrôlés, à une époque et en un lieu donnés impliquait que le disparu avait été tué. De même, il a été établi qu'à un certain moment, les passagers européens de voitures volées n'étaient qu'exceptionnellement épargnés. Il est, en revanche, arrivé, dans d'autres cas, que les éléments réunis par l'enquête se soient révélés si fragiles, qu'il n'a pas paru possible de conclure, ou encore que les témoins ayant quitté l'Algérie pour la France, les investigations ne pouvaient être poursuivies utilement que par les autorités françaises.
Quelles qu'aient été les circonstances particulières à chaque cas, le Comité international a été conscient qu'il s'agissait avant tout de fournir des renseignements permettant, dans la mesure du possible, de tirer les familles d'une cruelle incertitude, mais aussi d'apporter au tribunal français compétent les éléments de déclaration de décès nécessaires à la liquidation des successions laissées ouvertes. La mission spéciale s'est abstenue de procéder elle-même à aucune notification aux familles, en dépit des nombreuses demandes dont elle était directement saisie.

Enquêtes :

Chaque équipe de délégués a été affectée au début de la mission à un secteur géographique déterminé en fonction du nombre des demandes de recherches. Cette répartition a ensuite été modifiée pour tenir compte de l'avancement des recherches, et pour permettre d'accélérer les enquêtes entreprises dans les grandes agglomérations urbaines comme Alger (600 cas) et Oran (300 cas, dont près de 250 disparitions entre le 5 et le 7 juillet 1962).
Les délégués ont considéré la visite systématique des lieux de détention comme l'un des points de départ de leurs enquêtes. Cependant, si l'accès des établissements dépendant de l'administration pénitentiaire leur a été assuré sans difficultés, il n'en a pas été de même pour les camps et autres lieux d'internement relevant d'autres départements. Au moment où le présent rapport est rédigé, le C.I.C.R. n'a pas encore été autorisé à faire visiter environ vingt camps placés sous l'autorité de l'armée. Un doute subsiste par conséquent en ce qui les concerne.
Parallèlement aux visites de camps, les délégués se sont efforcés d'interroger le demandeur et les membres de la famille encore présents en Algérie, les employés du disparu, ses voisins, les autres personnes de son entourage, les témoins de la disparition.
Enfin, la mission spéciale s'est, pour chaque cas, adressée aux autorités algériennes elles-mêmes qui ont, la plupart du temps, déclaré qu'elles ne détenaient aucun renseignement, les enlèvements incriminés étant le fait d'éléments incontrôlés. Les recherches, qui portaient principalement sur les disparitions de civils, comportaient en outre 80 cas de disparus militaires, dont 30 ont pu être élucidés jusqu'ici. La liste des 50 autres a été adressée au gouvernement algérien qui a donné l'assurance que tout serait mis en œuvre pour retrouver leur traces.

Difficultés :

Les investigations ainsi conduites se sont heurtées aux difficultés prévisibles.
Les délégués ont rencontré des personnes réticentes, parfois hostiles, ou qui se refusaient à parler. Le refus de témoigner était souvent dicté par la crainte, soit de représailles, soit des poursuites judiciaires qui pouvaient être entamées sur la base d'une déposition faite devant les représentants du C.I.C.R.
Sans oublier que la population a subi sept ans d'une guerre dont les traces ne pouvaient s'effacer en quelques mois, les délégués ont constaté que les autorités locales n'ont pas, partout, donné leur entier appui aux recherches qu'ils étaient chargés d'entreprendre.
Dans quelques cas, heureusement demeurés exceptionnels, les représentants du C.I.C.R. ont été l'objet de menaces. Souvent, les noms des rues ont changé, les numéros également. Il n'y avait plus de plaques indicatrices, ou encore les plans de la ville ont été détruits. Enfin, le départ massif des Français pour la métropole a fermé un grand nombre de sources de renseignements et ceux qui sont restés ont préféré généralement se taire.
Il est aussi arrivé que des familles françaises recherchant l'un des leurs, ont été sciemment trompées, par des individus sans scrupule, qui leur ont transmis, contre rémunération, des renseignements fabriqués de toutes pièces. Les rumeurs propagées notamment dans la presse au sujet de soi-disant camps clandestins, où nombre de disparus seraient retenus prisonniers, n'ont pas non plus résisté à l'examen, chaque fois que les délégués du C.I.C.R. ont pu procéder aux vérifications nécessaires.
Ces faux bruits ont contribué à entretenir dans de nombreuses familles, le sentiment, malheureusement erroné, que beaucoup de disparus étaient encore en vie et que, pour des raisons qui leur échappaient, on s'efforçait de leur cacher la vérité. Le C.I.C.R. souhaite que les recherches qu'il lui a été donné de conduire en Algérie aient pu contribuer à dissiper cette incertitude, même s'il a fallu dans la majorité des cas, se borner à conclure au décès ou à la très grande probabilité d'une issue mortelle.

Documents d'état civil :

Dans tous les cas où il avait été établi que les personnes disparues étaient décédées, la mission s'est employée à obtenir la communication des pièces d'état civil. A l'exception d'un nombre insignifiant de cas, elle a dû cependant constater que ces documents n'existaient pas, les archives d'état civil ayant été détruites. Et lorsque la mission a cherché à se procurer les constats de décès ordinairement établis par des gendarmeries, il lui a été répondu que ces documents avaient été envoyés en France. Il appartient donc aux autorités françaises de compléter, sur ce point, autant que faire se peut, les renseignements recueillis par le C.I.C.R. en Algérie.

Résultats :

La progression des opérations de recherches peut être résumée de la manière suivante: enquêtes terminées, début mai: 35; fin mai: 200; 25 juin: 400; 15 juillet: 550; 15 août: 1.040; début septembre: 1.200. Les résultats obtenus, exprimés en pourcentage, sont les suivants: décédés 70 %; présomption de décès - résultats négatifs 20 %; retrouvés 10 %. D'entente avec la Croix Rouge et le gouvernement français, le C.I.C.R. avait envoyé, dès le début de la mission, une communication aux familles pour les prévenir que, dans de nombreux cas, le sort des disparus ne pourrait être élucidé de manière définitive. Les résultats des enquêtes ont confirmé que tel a malheureusement été le cas pour un certain nombre de disparus, en dépit des efforts qui ont été faits pour réduire cette marge de doute dans les investigations du C.I.C.R. en territoire algérien.

IV -LA VISITE DES LIEUX DE DÉTENTION ET LE PROBLÈME DES HARKIS

Visites et recensement :
Dans l'ensemble, les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires visités ont paru satisfaisantes. Le C.I.C.R. n'est, en revanche, pas en mesure de se prononcer sur les camps relevant de l'armée qu'il n'a, jusqu'ici, pas été autorisé à faire visiter. Une liste des camps militaires que le Comité souhaiterait faire visiter a été remise le 12 août au gouvernement algérien, mais les permis de visites sont encore attendus.
Après la libération des détenus européens, les Algériens ayant servi dans les forces armées ou dans l'administration française (communément appelés harkis), composaient l'une des plus importantes catégories de prisonniers. Certains faisaient l'objet de poursuites judiciaires pour avoir pris les armes contre l'Algérie, et des avocats ont été autorisés à les défendre. D'autres étaient internés, dans les mêmes locaux, en application d'un arrêté administratif.
La visite systématique des lieux de détention a permis de recenser 2500 harkis dans les établissements pénitentiaires relevant du ministre de la justice. 1300 d'entre eux se sont inscrits en vue de leur transfert en france. Il semble que, parmi les harkis demeurés libres, un certain nombre aient été requis pour l'exécution de travaux d'utilité publique. La réintégration dans la communauté algérienne ne semble pas s'être faite sans heurts, au moins dans certaines régions, ce qui explique les hésitations du gouvernement algérien à rendre la liberté à un grand nombre de harkis détenus.

Libérations :

Donnant suite à la proposition du C.I.C.R., le gouvernement algérien avait néanmoins accepté, en février, de libérer les Harkis. Une centaine devait effectivement sortir peu après de la prison de Maison-Carrée.
Cependant, si le retour dans leurs douars d'origine s'est passé sans grandes difficultés pour la majorité, 5 % des libérés ont été tués, en sorte qu'un certain nombre ont été incarcérés à nouveau pour leur propre sécurité.
Le C.I.C.R. n'en a pas moins poursuivi ses démarches afin que les Harkis soient progressivement libérés avec la possibilité de choisir, à leur sortie de prison, soit d'être transférés en France, soit de rester en Algérie. Dans le premier cas, ils étaient aussitôt conduits dans un centre d'accueil de l'armée française. Dans le second, ils étaient laissés libres de se rendre où bon leur semblait, à leurs risques et périls.
Les délégués du C.I.C.R ont aussi assisté en juillet, à la libération d'environ 300 Harkis de la Maison Centrale de Lambèze, et des maisons d'arrêt de Constantine, Sétif, Maison-Carrée et Oran. Ils se sont chaque fois assurés que les intéressés pouvaient librement exercer leur option.
Il apparaît que ces libérations ont continué, sporadiquement, sans que les délégués du C.I.C.R. aient été invités à y assister. Plusieurs Harkis en détention préventive à Blida ont bénéficié de décisions de mise en liberté provisoire. Il est arrivé cependant que certains prévenus, ainsi élargis, ont aussitôt fait l'objet d'un décret d'internement administratif qui les a ramenés dans la même prison, de crainte que leur présence en liberté sur le territoire algérien ne trouble l'ordre public.
Les transferts en France posent maintes questions de caractère indéniablement humanitaire. Les Harkis désirent en général être accompagnés de leurs familles qui hésitent à quitter l'Algérie; ils attendent des nouvelles de leurs proches qu'ils ont de la peine à atteindre ; ou s'ils partent, ils tentent de faire venir leur famille en france.
Le Comité international a considéré que ces problèmes devaient être résolus, d'entente entre les deux pays intéressés. Après le repli de sa mission spéciale en Algérie, il a transmis au Croissant-Rouge algérien les requêtes individuelles qui lui sont encore adressées. Le C.I.C.R. a renouvelé, en revanche, sa demande de visiter les camps militaires dont la liste a été présentée le 12 août au gouvernement algérien.

V- CONCLUSIONS

En mettant un terme à l'activité de la mission spéciale en Algérie, le C.I.C.R. ne prétend pas avoir réussi à élucider tous les cas de personnes disparues dont il était saisi. Il s'en faut de beaucoup car, même si l'insécurité qui régnait alors en Algérie permet de penser que les disparus dont on n'a pas retrouvé la trace sont effectivement morts, il n'est malheureusement pas possible, dans nombre de cas, d'asseoir cette conviction sur des indices suffisamment précis pour être absolument concluants.
Le Comité international est une organisation privée. En acceptant d'entreprendre en Algérie les recherches qui lui ont été demandées, il n'a pas estimé pouvoir se substituer aux autorités, seules responsables de la conduite d'enquêtes officielles et détentrices des pouvoirs de coercition nécessaires à cet effet. Ne disposant par conséquent que de l'autorité morale qui peut s'attacher à une institution humanitaire comme la sienne, le Comité international pense avoir épuisé les possibilités d'investigation qui lui ont été offertes en Algérie.
Il importe de renouveler à ce sujet la réserve qui a déjà été faite à propos des camps militaires auxquels ses délégués n'ont pas encore eu accès. Le Comité international souhaite que le gouvernement algérien veuille bien donner suite rapidement à la requête présentée à ce sujet le 12 août et rappelée le 7 octobre 1963.
Quant au problème des anciens supplétifs algériens de l'armée française, le C.I.C.R. considère qu'il appartient aux deux pays intéressés de le régler eux mêmes par une entente directe, et il n'a pas l'intention de s'immiscer dans les négociations qui devront avoir lieu à ce sujet. Il estime cependant de son devoir d'attirer l'attention des deux parties sur l'aspect humanitaire de cette question. Si les Harkis emprisonnés bénéficient généralement de conditions de détention relativement satisfaisantes, la sécurité de ceux qui sont libres doit encore être assurée. Ceux qui s'expatrient sont des déracinés qui justifient toute la sollicitude des autorités du pays d'accueil, spécialement lorsqu'ils partent seuls et que se pose le problème des regroupements de familles.
Le comité international de la Croix Rouge saisit cette occasion pour remercier les autorités algériennes et française de la compréhension dont elles ont témoigné à l'égard de ses délégués, et des facilités qu'elles ont bien voulu leur accorder dans l'accomplissement de leur mission.

En addition au rapport général, un grand nombre de fiches individuelles étaient jointes. Ces fiches ont été CACHEES par le gouvernement français, le gouvernement algérien et la croix rouge jusqu'en 2004.


Disparus en Algérie 3000 français en possibilité de survie.

Nous ne reviendront pas sur ce que l'on à appelé hypocritement "les événements d'Algérie ". Seulement ils ont une suite, ces événements, les représailles les vengeances commençaient à s'organiser alors que les troupes françaises, qui avaient reçu l'ordre de ne pas intervenir à Oran sur l'ordre du général Katz, les troupes étaient encore là bas. Ce fut pire lorsque le dernier soldat eut été rembarqué. Dés 1963 on pouvait dresser un bilan : des milliers de personnes hommes femmes enfants, juifs chrétiens, musulmans, même des militaires en uniforme avaient disparu. Plusieurs associations d'aide furent créer. On peut le dire elles remuèrent ciel et terre pour recueillir des renseignements et que le gouvernement français intervienne. Tous les efforts se heurtèrent à un mol édredon. Que faire il est vrai lorsque l'on a admis que l'usage de la force est exclue ? . Et puis s'opposer à une nation disposant de pétrole, de gaz naturel était ce raisonnable ? . Aux silences gênés succédèrent des pressions administratives sur les familles : " si votre parent est seulement "porté disparu " vous pourrez percevoir de pension (on ne pourra pas ouvrir la succession). Il serait plus simple pour vous d'admettre son décès ".
Des cas précis furent portés à la connaissance des pouvoirs public par les associations. On avait retrouvé une française prostituée dans les rues chaudes de Hambourg ; tel homme avait été revu au pays avant que l'on n'entende plus jamais parler de lui, ô ! Combien rapidement ? On peut comprendre, mais pas admettre, jamais admettre que ces disparus aient été gênants pour tout le monde. On ne peut ni comprendre ni admettre qu'un pays de la taille de la France abandonne certains de ces enfants sans tout faire pour éclaircir les mystères, dissiper les équivoques contraindre aux investigations. On objectera que un quart de siècle après l'indépendance bon nombre d'individus concernés sont morts. Sans doute il n'y à pour tant pas si longtemps que l'on nous signalait en Algérie des camps ou survivaient des prisonniers français. Nous voulons que ce livre soit la clameur de nos frères disparus.

Marc LECLAIR , Disparus en Algérie, Ed. Jacques Grancher, 1986.

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Mis en ligne le 10 sept 2010

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