Franchet d'Espérey
Un maréchal méconnu

Si l'on vous demande: "Citez-moi un maréchal de France "pied-noir", la réponse jaillira aussitôt: "Alphonse Juin". Mais si l'on ajoute: "Citez-en un second", combien pourront alors dire "Franchet d'Espérey". Voici, extrait de sa biographie à paraître prochainement aux Nouvelles Éditions Latines, le récit de sa naissance à Mostaganem.

Quelle belle journée que ce dimanche 25 mai 1856 à Mostaganem ! Au-delà du port, vers le large et la France, la Méditerranée apaisée scintille sous un soleil généreux reflétant un ciel d'un azur sans nuage.

La ville, ceinturée d'un mur crénelé, construite sur deux mamelons, domine la côte d'une centaine de mètres. Les eaux de l'oued Aïn Sefra ont creusé un ravin qui sépare la ville en deux parties; sur la rive gauche de l'oued se blottissent les maisons aux toits de tuiles rouges du quartier européen d'où émerge le clocher de l'église Saint-Jean-Baptiste alors que, près des remparts, s'étalent les bâtiments à trois étages des casernes.

On croirait découvrir une calme bourgade du Midi inondée de soleil si l'on n'apercevait sur la butte, longeant la rive droite de l'oued, les cubes blancs des maisons du quartier arabe de Tygit et son cimetière où, entre les stèles marquées du croissant, poussent les agaves et les iris.

Au centre de la cité, une place bordée de platanes et de bâtisses à arcades rassemble, dans une fraîcheur relative, des boutiques et de nombreux cafés. On trouve aussi les bâtiments, plus prestigieux, de la sous-préfecture, de la mairie et du tribunal civil. Une rue descend vers le port: deux simples jetées protégeant des terribles coups de vent du nord-ouest, un modeste débarcadère agrémenté d'un hangar et quelques baraques en planches.

Voilà vingt-cinq ans que l'armée française a débarqué sur cette côte d'Afrique. En un quart de siècle, le pays a été transformé, tant par la troupe et l'administration que par les émigrants venus de France, d'Espagne, d'Italie et de plus loin.

Ce sont d'abord les soldats qui ont pourvu à tout: ils ont relevé les ruines romaines ou byzantines, construit les casernes, les hôpitaux, les murs d'enceintes, des maisons, des églises. Puis autour des bourgs ainsi recréés, ils ont tracé des routes, édifié des ports, asséché des marais, endigué des oueds, creusé des puits, canalisé des sources.

Il est loin le temps où Mostaganem ne regroupait que quelques gourbis de torchis et de roseaux. Mais comme cette mechta se trouvait entre Alger et Oran, l'armée y avait édifié en 1833 un débarcadère et installé une garnison.

Des cantiniers juifs avaient suivi puis des paysans du Midi des jardiniers et maçons des Baléares, des pêcheurs espagnols, tous gens frugaux, durs à la peine, accoutumés à la sécheresse, s'étaient installés.

Toute une population bigarrée d'indigènes, de soldats, de fonctionnaires et émigrants du bassin méditerranéen animaient les rues de la cité.

Quelle vie, quel mouvement, quel bruit, quelle couleur et odeur les jours de fêtes et de marchés !

Mais en cet après-midi du 25 mai 1856, nul trafic dans les rues, ni carriole, ni char à bancs, ni araba (1) ou lourde fourragère du train des équipages.

Les rues appartiennent aux colons, boutiquiers, femmes et enfants endimanchés, Chasseurs d'Afrique, turcos, tringlots, jardiniers, pêcheurs et marins; tous se dirigent vers la place. Car aujourd'hui on célèbre la Fête-Dieu et la procession doit partir de l'église Saint-Jean-Baptiste.

Dans cette foule animée, débonnaire, heureuse, on peut remarquer un capitaine de trente-deux ans en grande tenue de chasseur d'Afrique: ample culotte rouge se terminant en bottes évasées, tunique bleue aux manches soutachées de noir portant la triple torsade d'or des galons de son grade.

Sensible au spectacle qui se déroule sous ses yeux, il mesure le chemin parcouru depuis 1842, date de son arrivée, comme engagé au 3e Chasseurs d'Afrique à Constantine. Ce pays, il l'a sillonné pendant plus de quatorze années du Tell aux Hauts Plateaux, de la province de Constantine à celle d'Oran. Treize campagnes en toutes saisons, par tous les temps et maintenant la vie de garnison comme dans n'importe quelle ville de France.

Il se nomme Charles, Marie Franchet d'Esperey. A ses côtés, sa jeune femme, née Marie-Louise de Dion, originaire de l'Artois; elle doit être très pieuse pour vouloir participer à la Fête-Dieu car sa large robe ne peut dissimuler un état de grossesse très avancée.

Mais voici que s'approchent, précédés d'enfants de choeur, l'un portant haut la croix d'argent, le curé de Saint-Jean-Baptiste en habits sacerdotaux et l'aumônier de la garnison. Le cortège parcourt les rues décorées de branches de palmiers et d'oliviers, escorté par des "yaouleds" en chéchia et suivis par tout un peuple en liesse qui s'égosille à chanter des cantiques.

Malgré la fatigue, la chaleur de cette fin d'après-midi malgré la poussière et l'inconfort de sa position, Marie-Louise Franchet d'Esperey a tenu à suivre la procession jusqu'au bout. Maintenant, c'est terminé, la foule se disperse, le couple s'engage dans la rue conduisant au port, mêlé aux pêcheurs et marins qui regagnent leurs barques ou leurs tartanes.

Le capitaine et son épouse s'arrêtent devant une modeste maison blanche élevée d'un étage, couverte de tuiles rouges de Marseille. Sitôt rentrés, est-ce la fatigue, l'émotion ? Marie-Louise ressent les premières douleurs de l'enfantement.

L'ordonnance du capitaine s'active à prévenir la matrone et un médecin militaire qui arrivent juste à temps pour accueillir un gros garçon.

Tout à la joie de la naissance de leur premier enfant, le capitaine et sa jeune femme ne peuvent imaginer que, cent ans plus tard, une plaque apposée sur leur maison indiquera: "Ici le 25 mai 1856 est né Louis, Félix, Marie, François Franchet D'Esperey, Maréchal de France".

Franchet d'Esperey reviendra sur sa terre natale en qualité d'officier de Tirailleurs. Il participera à la campagne de Tunisie en 1881, à celle du Tonkin en 1885 et à l'expédition de Chine en 1900. Il est promu général en 1908.

Appelé par Lyautey en 1912 au commandement des troupes du Maroc occidental, il conduira les opérations d'établissement du Protectorat. Inspecteur général des troupes d'Afrique du Nord en 1921, il fondera les "Amitiés Africaines", institution destinée à aider les anciens militaires autochtones.

Pendant la Grande Guerre de 1914-1918, commandant le ler Corps d'armée, il gagne la bataille de Guise (29 août 1914). Placé à la tête de la Ve Armée, il est considéré par Joffre comme un des principaux artisans de la victoire de la Marne. Commandant des Groupes d'Armées de l'Est puis du Nord de 1916 à 1918, il prend la tête de l'Armée d'Orient en juin 1918. Il accule la Bulgarie et la Turquie à l'armistice, libère la Serbie, campe sur le Danube.

Maréchal de France en 1921, Académicien en 1935, il s'éteint près d'Albi en juillet 1942, conservant intacte sa foi en Dieu et en sa Patrie. Il repose aux Invalides depuis 1947.
PIERRE GOSA

1 - Charrette légère à deux roues de l'armée d'Afrique.
in L'Algérianiste n° 83 de septembre 1998 p116

 
Franchet d'Esperey 1856-1942 un pied-noir maréchal de France

Louis Félix Marie François Franchet d’Esperey est né le 25 mai 1856 à Mostaganem.
Lycéen à Versailles.
Il sort de Saint-Cyr en 1876.
Affecté au 1er Régiment de Tirailleurs Algériens, le lieutenant Franchet d’Esperey fait la campagne de Tunisie en 1881.
En 1892, il épouse Madeleine Dumaine de la Josserie.
Le 21 décembre 1897, naissance de son fils Louis à Stenay (Meuse).
Officier noté « hors ligne, de valeur exceptionnelle ».
Il se bat au Tonkin, puis, en 1900 en Chine contre les Boxers.
Colonel en 1903.
En 1906, lors des grèves des mineurs dans le Nord et le Pas-de-Calais, il reçoit le commandement d’un détachement et rétablit l’ordre en quelques jours.
Général de division en 1912, Liautey lui confie le commandement des troupes du Maroc
En 1914, selon Joffre lui-même, « C’est lui (F. d’E.) qui a rendu possible la victoire de la Marne. »

Le 25 octobre 1916, son fils, Louis, 19 ans, sous-lieutenant au 401ème Régiment d’Infanterie, est tué à l’ennemi à Fleury-Douaumont.

Le général Franchet d’Esperey écrit à un ami :
Mon frère s’est tiré d’affaire. Mon fils a été tué le 25 octobre, d’une balle au coeur, au nord de l’étang de Vaux.
Je l’ai enterré à Belleray, le 27.
Son jeune visage avait gardé un air de joyeux étonnement.
Il a été frappé étant à droite de sa division Passaga, en regardant les progrès de Lardemelle, à sa droite.
Il est tombé sans souffrir ayant rempli ses devoirs de chrétien, le 23, et son devoir de Français au cours d’un beau combat comme il désirait tant en voir ; à 18 ans, officier depuis cinq mois, ce n’est pas lui qu’il faut plaindre !

Le 17 décembre 1916, son frère, Alfred François Marie Louis, 52 ans, lieutenantlieutenant-colonel au 333ème Régiment d’Infanterie, est tué à l’ennemi au bois Rouchot près de Vaux les Palameix

En juin 1918, à Salonique, Il obtient, après une campagne de 14 jours, la capitulation de l’armée germano-bulgare.

Le 19 février 1921, 50 années de service lui valent la dignité de maréchal de France
Le 10 janvier 1925 avec le chef Targui Ouemi Mnir
En mai 1925, il est à Oran

Le 19 mars 1933, à Gabès, il est gravement blessé dans un accident d'automobile alors qu'il allait étudier une liaison Tunisie-Maroc par le Sud : il a la mâchoire brisée.
Le 15 novembre 1934, il est élu à l’Académie française.
En 1936, il reçoit Eugène Deloncle, fondateur de la Cagoule, lui donne son accord et délègue un officier supérieur pour le représenter aux conférences du « Conseil supérieur » des cagoulards.
Il cautionne l’organisation auprès des grands industriels … verse 1 500 000 Francs.

En 1937, il préface le bivouac aux étoiles de Marie-Edith de Bonneuil (parution le 1er janvier 1938)

En 1942, il s’oppose à la politique de Vichy.

Avant de mourir, le 8 juillet 1942 à Saint-Amancet, il donnera des ordres pour que sa famille quitte le cortège au cas où des Allemands croiraient devoir assister à ses obsèques


12 juillet 1942

Octobre 1947 arrivée du cercueil du maréchal en gare d’Austerlitz
en direction des Invalides


Caveau familial

En 1949, le général Azan lui consacre un ouvrage

Des timbres lui sont consacrés pour le centenaire de sa naissance en 1956

En 1999, Pierre Gosa lui consacre une biographie

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Mis en ligne le 29 juillet 2017