Le 4 juin 1958
Le pouvoir des mots

Du 4 au 7 juin, le General De Gaulle se rend en Algérie. Il reçoit un accueil à l'américaine.

C'est dans la ville blanche, le 4 juin, qu'il lance du balcon du Gouvernement Général au peuple algérois le fameux : " Je vous ai compris ! "

De la foule un instant étourdie, monte une clameur formidable où cris et applaudissement traduisent l'espérance et le soulagement d'une population qui pense voir en fin le bout de ses tourments.

En tenue militaire, le nouveau chef du gouvernement développe un argumentaire où se succèdent des propos paternalistes et des phrases ampoulées. Un ton martial, des flatteries pour satisfaire tout le monde et le tour est joué.

La journée du 4 juin est qualifiée par bien des politologues de " malentendu ". Ces spécialistes semblent occulter le climat de cette époque troublée. Presque soixante ans après ils devraient être en mesure d'appeler un chat un chat.

Ce discours fut le début d'une série de mensonges et de contradictions flagrantes. Ca ne fut pas une méprise, un banal quiproquo à la Feydeau. Même si c'est de théâtre dont il s'agissait, il en allait de la vie et de l'honneur des hommes. Les balles ont claqué à la place des portes et les cocus se trouvaient par milliers sous le balcon du GG.

Les jours suivants, il s'en ira promener son emphase et ses deux étoiles, le 5 juin, à Constantine et à Bône ; pour finir, le 6 juin à Oran, puis à Mostaganem où il terminera par un sonore " Vive l'Algérie française ! ", tellement compromettant pour la légende, que certains idolâtres l'ont gommé des reproductions des discours du maître.

Les foules écouteront, béates les paroles du sauveur. Le joueur de pipeau de Colombey comme celui d'Harmelin entrainera à sa perte la cohorte de malheureux séduits.

A la fin des 2 dernières journées, deuxième et troisième actes de la pièce, achevés, le rideau tricolore n'est pas encore baissé, il descendra lentement. La comédie est un four. Seul le décor fut éblouissant.

Discours de Charles de Gaulle (Alger, 4 juin 1958)

Je vous ai compris !
Je sais ce qui s'est passé ici. Je vois ce que vous avez voulu faire. Je vois que la route que vous avez ouverte en Algérie, c'est celle de la rénovation et de la fraternité.
Je dis la rénovation à tous égards. Mais très justement vous avez voulu que celle-ci commence par le commencement, c'est-à-dire par nos institutions, et c'est pourquoi me voilà. Et je dis la fraternité parce que vous offrez ce spectacle magnifique d'hommes qui, d'un bout à l'autre, quelles que soient leurs communautés, communient dans la même ardeur et se tiennent par la main.
Eh bien! de tout cela, je prends acte au nom de la France et je déclare, qu'à partir d'aujourd'hui, la France considère que, dans toute l'Algérie, il n'y a qu'une seule catégorie d'habitants : il n'y a que des Français à part entière -, des Français à part entière, avec les mêmes droits et les mêmes devoirs.
Cela signifie qu'il faut ouvrir des voies qui, jusqu'à présent, étaient fermées devant beaucoup.
Cela signifie qu'il faut donner les moyens de vivre à ceux qui ne les avaient pas.
Cela signifie qu'il faut reconnaître la dignité de ceux à qui on la contestait.
Cela veut dire qu'il faut assurer une patrie à ceux qui pouvaient douter d'en avoir une.
L'armée, l'armée française, cohérente, ardente, disciplinée, sous les ordres de ses chefs, l'armée éprouvée en tant de circonstances et qui n'en a pas moins accompli ici une œuvre magnifique de compréhension et de pacification, l'armée française a été sur cette terre le ferment, le témoin, et elle est le garant, du mouvement qui s'y est développé.
Elle a su endiguer le torrent pour en capter l'énergie. Je lui rends hommage. Je lui exprime ma confiance. Je compte sur elle pour aujourd'hui et pour demain.
Français à part entière, dans un seul et même collège ! Nous allons le montrer, pas plus tard que dans trois mois, dans l'occasion solennelle où tous les Français, y compris les 10 millions de Français d'Algérie, auront à décider de leur propre destin.
Pour ces 10 millions de Français, leurs suffrages compteront autant que les suffrages de tous les autres.
Ils auront à designer, à élire, je le répète, en un seul collège leurs représentants pour les pouvoirs publics, comme le feront tous les autres Français.
Avec ces représentants élus, nous verrons comment faire le reste.
Ah ! Puissent-ils participer en masse à cette immense démonstration tous ceux de vos villes, de vos douars, de vos plaines, de vos djebels ! Puissent-ils même y participer ceux qui, par désespoir, ont cru devoir mener sur ce sol un combat dont je reconnais, moi, qu'il est courageux - car le courage ne manque pas sur la terre d'Algérie -, qu'il est courageux mais qu'il n'en est pas moins cruel et fratricide !
Oui, moi, de Gaulle, à ceux-là, j'ouvre les portes de la réconciliation.
Jamais plus qu'ici et jamais plus que ce soir, je n'ai compris combien c'est beau, combien c'est grand, combien c'est généreux, la France !
Vive la République !
Vive la France !

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Mis en ligne le 18 juin 2015

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