Ces évènements de mai 1958 constituent une exception dans cette guerre d'Algérie. Bien qu'instrumentalisés politiquement, ils donnèrent naissance à une fraternisation qui prit de vitesse tous les comploteurs qui pensaient tirer les ficelles d'une histoire pourtant bien planifiée.
Déstabilisés, partagés entre frustration et colère, les instigateurs reprendront la main un peu plus tard, et le Machiavel de Colombey, recevra le pouvoir tombé comme un fruit trop mûr.
Les acteurs qui auront œuvré à faire tomber la IVe République, seront au fil du temps, éliminés. Certains disparaîtront de la scène politique ; d'autres déçus et bernés, choisirons la révolte contre celui qu'ils avaient porté au pouvoir.

Cette période aurait pu conclure cette guerre d'une façon honorable en évitant quatre longues années de combat et de luttes fratricides.

Le crime fut ici consommé.
Faisant fi d'un peuple qui avait montré à la face du monde son espérance de fraternité, toutes origines confondues, la volonté d'un être à l'ambition démesurée, aidé par ses séides dont la lâcheté n'a eu d'égale que leur aveuglement servile, a transformé l'espérance en désastre ; piétiné les consciences ; dévasté les esprits les plus purs ; brisé des vies dans des combats inutiles et joués d'avance.
Quand un homme toujours prêt à monter en marche dans le train de l'histoire, modifie les horaires et change les itinéraires, il en résulte que la destination finale est bien éloignée de celle qui est décrite sur le dépliant publicitaire.

Dans ce cas, les oubliés du voyage, les sacrifiés pour la raison d'état, les égarés abandonnés, les insoumis anathématisés, les maudits par décret, ne seront que des pions sur l'échiquier mortel.
La démonstration est irrécusable n'en déplaise aux " progressistes " de tous bords : Il n'y a pas de sens de l'histoire !
Elle peut basculer par les manœuvres d'un meneur habile et suffisamment pervers dans un no man's land inconnu qui se peuplera rapidement de visionnaires à courte vue, de laquais rampants et de mendiants obséquieux présentant leur sébile dans laquelle tomberont les trente pièces d'argent qui ne suffiront pas à payer la corde pour les pendre.

On ne refait certes pas l'histoire, mais l'on peut regretter les morts inutiles, quelque soit leur camp, quelles que soient leurs motivations.
Le général Oscar de Négrier, militaire prestigieux et ancien légionnaire, en 1884, lança cette exhortation : " Vous autres légionnaires, vous êtes soldats pour mourir et je vous envoie où l'on meurt ! ".
Il ne se doutait, sans doute pas, que légionnaires et soldats tomberaient pour une cause qu'un autre général à titre temporaire, avait décidée perdue d'avance tout en leur ordonnant de vaincre (" pacifier ") avec ardeur et gloire.

On a parlé de " putsch du 13 mai ". C'est une sottise. Un " putsch " est déclenché par des militaires dans le but de s'emparer du pouvoir. Les évènements du 13 mai ont été subis par l'armée, bien encombrée par ce fardeau explosif. Le pouvoir politique totalement dépassé lui a confié les rênes. On peut même dire que si l'armée n'avait pas pris en main cette agitation, un bain de sang n'aurait pu être évité.
Pendant deux semaines, des milliers de personnes, cote à cote, musulmans, juifs, chrétiens, ont communiés, chaleureusement sans qu'une seule victime ne soit à déplorer. Dans ce contexte volcanique où les antagonismes exacerbés se côtoyaient intimement, il aurait été facile de provoquer un véritable carnage. Rien ne s'est produit ; ni à Alger, ni dans aucune des villes d'Algérie où se déroulaient des manifestations analogues, même si la tension y était moins forte.

Alors coup d'état politique ? Assurément !
Les multiples réseaux et officines gaullistes actifs depuis la fondation du RPF, le 14 avril 1947, ont fait leur œuvre. Faire basculer le pouvoir pour le donner à leur idole. la mission fut remplie à force d'intrigues, de manipulations et d'opportunisme, auxquels s'ajoute un soupçon de chance indispensable à toute réussite.
Le rôle de la Tunisie, base arrière de l'ALN qui entrainera l'affaire de Sakiet Sidi Youssef dont nous reparlerons prochainement, est également troublant.

Une source (http://www.voltairenet.org/article8694.html) parle d'un coup d'état militaire monté par la CIA en France, " pour empêcher l'arrivée des communistes au gouvernement français et la prise de contrôle de l'Algérie par les marxistes du FLN. "

Le livre de Vincent Nouzille " Des secrets si bien gardés. Les dossiers de la CIA et de la Maison-Blanche ... " contredit en partie cette hypothèse. Selon les archives consultées par l'auteur, le retour au pouvoir de Charles De Gaulle,

" va conduire à une aggravation rapide des clivages entre droite et gauche. Tous s'accordent à penser que son annonce favorise le jeu des communistes en accélérant la mobilisation des partis de gauche et des syndicats en faveur d'un front populaire par crainte d'un pouvoir trop personnel. Les américains craignaient en outre que De Gaulle abandonne les engagements de la France dans l'OTAN. " Les Etats-Unis promettent de conserver leur " neutralité " dans la crise ".
Jusqu'à la démission de Pflimlin, qui est leur favori, ils resteront des observateurs attentifs. Ensuite, lorsque s'imposera la figure de De Gaulle, ils influenceront les socialistes en incitant les élus de la SFIO afin de briser l'unanimité de leur vote. C'est Guy Mollet qui entrainera une tranche de son parti à voter l'investiture à De Gaulle.
Même si les contacts " informels " furent constants avec Foccart et Pinay notamment, il semble que " l'intervention " américaine soit postérieure au déclenchement des journées de mai 58.
Cet ouvrage rappelle également que les Etats-Unis ont été en contact avec la SFIO et les Radicaux bien avant 1958. Il est bon de rappeler également la forte inimitié, et c'est un euphémisme, entre Eisenhower et De Gaulle, qui datait de 1943.
Elle ne semble pas faciliter une intervention américaine en faveur de De Gaulle, qui avait pris des ministres communistes dans son gouvernement provisoire du 3 juin 1944 au 27 octobre 1946.
Les historiens pourront, sans doute, à la lumière des archives qui leurs seront permises de dépouiller, établir les différentes responsabilités.

Ce dossier concernant les journées qui ont bouleversé notre histoire nationale, ne prétend pas être exempt d'erreurs ou de légers anachronismes.
C'est une synthèse de sources diverses et principalement des 2 excellents sites :
http://guerredalgerie.pagesperso-orange.fr/1958_Juin.htm
http://combattantsafn.free.fr/page93.html
ainsi que de l'ouvrage : " Les treize complots du 13 mai " de Merry et Serge Bromberger chez Fayard entre autres.
Si des lecteurs décèlent des bévues ou inexactitudes criantes, ils peuvent me contacter afin que je rectifie, pour que ces pages soient le plus proche possible de la vérité.

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Mis en ligne le 17 avril 2014

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