Le 6 octobre 1961 SAUVEUR COSTAGLIOLA est arrêté.
" On vint me chercher le premier. Je descendis dans une cave où il y avait deux bureaux et deux chaises. La pièce était bien isolée.
Je m'arrêtais devant un bureau derrière lequel se tenaient deux inspecteurs du Xlème arrondissement que je connaissais bien : Cabrol et Thévenol mais qui avaient pris parti pour les barbouzes, je crois. Ils me firent asseoir. Je sentis dans mon dos un souffle puissant, je me retournais et reconnaissais pour la deuxième fois, celui qu'on appelait " le chef des barbouzes " c'est-à-dire le Colonel de Brosse. Je remarquais ses grosses mains, nos regards se croisèrent sans sympathie. Sans rien dire, il tourna les talons et partit. Cabrol et Thévenol commencèrent leur interrogatoire. Je racontais mon histoire comme nous l'avions combinée entre nous quatre.
Ils étaient à présent trois pour me cuisiner : je ne changeais pas d'un pouce. Alors Sarrhoui me demanda de me déshabiller complètement. Je refusais. Ils me déshabillèrent de force. Je me retrouvais nu au milieu de la pièce : j'étais mort de honte, humilié. Là mon moral en prit un grand coup. J'avais tout supporté la première nuit : coups, menaces de mort par revolver et couteau du jeune musulman, je ne craignais pas la souffrance ni la peur de mourir…
Ce n'était pas fini : il me lia les chevilles, me fit asseoir par terre puis replier les jambes vers la poitrine de façon à pouvoir lier mes poignets et les faire passer par dessus mes genoux ce qui lui permettait de passer un bâton d'un mètre de long environ entre mes genoux et mes bras liés et ainsi me suspendre entre deux tables. Je me trouvais donc la tête renversée, l'anus, les parties et la verge en l'air. Dès cet instant les coups de pieds dans le dos, dans la gorge arrivèrent très vite. De temps en temps, ils m'enlevaient les baillons pour que je parle. Je ne disais toujours rien, les baillons aussitôt replacés, la correction reprenait. Les coups ne me faisaient rien. J'avais honte de mon corps dénudé. J'ai confiance, c'est l'inconnu qui m'inquiète et puis je suis nu et de ça j'ai horreur : je meurs de honte… Une fois encore, on m'enleva mes baillons et là un flot de sang sortit de ma gorge endolorie. Il y eu un moment de surprise parmi mes tortionnaires. Je ne savais pas qui me battait puisque j'avais un bandeau sur les yeux. J'entendis dans le lointain " Donnes lui un verre de vin et continuons ! " Donc une fois aspergé d'eau de la tête aux pieds, on me brancha le courant sur l'anus, les parties et la verge : ça me brûlait, je souffrais énormément, j'avais le dos en compote, la gorge en feu mais ce qui me faisait le plus souffrir c'était d'être nu, (mentalement ma souffrance et l'humiliation était plus importante que le physique), d'avoir toute mon anatomie en l'air et la tête en bas tel un animal : l'électricité, les coups de pieds allaient de plus en plus vite, je sentais un flot de sang m'envahir la gorge, j'étais épuisé moralement, ce traitement durait déjà depuis plusieurs heures, ils m'enlevèrent les deux baillons de la bouche, le sang sortit d'un seul coup, je fis signe que je voulais parler…
Je voulais mourir, je répétais sans cesse aux inspecteurs " J'espère que l'OAS va me tuer, je le mérite ". Sarrhoui me répondit : " Ce n'est pas fini pour toi " mais le fait de n'avoir avoué qu'une infime partie me regonfla à bloc. La troisième nuit arriva
Une fois la caserne endormie, vers 21h30, on revint me chercher ; on me conduisit dans la même cave, il y avait toujours les deux tables et les trois inspecteurs. Je ne saurais dire qui me battait ou me mettait l'électricité. Suspendu et à leur merci, les coups de pieds dans le dos et dans la gorge se mirent de nouveau à pleuvoir et de plus en plus vite. De temps en temps, il m'enlevait les deux baillons pour voir si j'avais quelque chose à dire et pour toute réponse, ils recevaient un flot de sang qui sortait de ma bouche. N'en tenant plus compte, ils remettaient les baillons, m'aspergeaient d'eau assez largement afin que le courant passe encore mieux que la veille et recommençaient leur sale besogne. Je souffrais dans ces moments là, énormément surtout lorsqu'ils me l'appliquaient sur les parties génitales et sur l'anus. Là, je faisais des bonds mais ne disais toujours rien. Voyant mon entêtement, Sarrhoui m'enleva le bandeau des yeux et me dit : " Maintenant, ça va changer, tu vas parler de gré ou de force ". Sarrhoui devint vert de colère. CELA DURA 9 NUITS. Je n'avais rien dit d'autre et même je reniais tout ce que j'avais avoué au cours de la deuxième nuit malgré toutes les menaces de mort, coups et électricité. Je crois qu'à ce stade de souffrance, plus rien n'avait de prise sur moi. |
Mis en ligne le 22 février 2015